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100718 août 2014 – Nous l’avons déjà beaucoup sollicité (voir encore le 1er août 2014), mais il importe que nous y revenions. Stephen F. Cohen, universitaire chargé de distinctions et d’honneurs universitaires, occupe la place originale que l’on sait, – l’une des principales, – non, la principale voie dissidente (gardons ce mot à l’esprit) dans ce qui est l’establishment américaniste, sur la question devenue centrale de la crise fondamentale des relations des USA (du bloc BAO) avec la Russie. C’est-à-dire que sa “dissidence” qui concernait un domaine parmi d’autres de la politique extérieure et de sécurité nationale de l’américanisme jusqu’à la fin 2013, concerne désormais aujourd’hui et devient de facto, par le biais de l’élargissement monstrueux de l’importance de la querelle Russie-bloc BAO, une “dissidence” de toute cette politique et, au-delà, ce qui pourrait devenir une dissidence de l’américanisme lui-même. (Cet “élargissement monstrueux” est largement substantivé dans le fait que Cohen ne cesse d’affirmer que l’actuelle crise USA-Russie contient des facteurs très sérieux d’une aggravation pouvant conduire à une guerre stratégique nucléaire d’anéantissement réciproque, – la pire occurrence depuis la crise de Cuba d’octobre 1962, peut-être pire que cette crise elle-même.)
Ce cas de Stephen F. Cohen, cela ne serait pas loin de devenir un cas unique dans l’histoire de l’américanisme, à un moment, – et ceci explique cela, – où l’américanisme parvient à son test suprême, à son paroxysme, par son propre choix d’ailleurs puisqu’il est le principal instigateur de la crise ukrainienne... Si l’on veut une analogie en retentissement de communication, avec divers orientations et traits psychologiques dissemblables mis à part, Stephen F. Cohen a aujourd’hui tout pour devenir une sorte de “Sakharov de l’américanisme”. C’est dire que l’examen de l’évolution de sa position contient une forte part d’exemplarité et de symbolisme de l’évolution de la situation sur lequel s’exerce son activité, – et c’est bien ainsi que nous l’entendons : en nous attachons à son cas, c’est à toute une politique, à un destin, ceux de notre civilisation devenue contre-civilisation que l’on s’attache...
Son jugement et sa position ne cessent de se radicaliser, comme la politique de l’américanisme, conduit à l’affrontement ultime, ne cesse elle-même de se radicaliser, – et les deux radicalisations antagonismes constituant un exemple classique de montée aux extrêmes. On a un exemple de cette radicalisation de Stephen F. Cohen dans sa façon de radicaliser les jugements des autres qui vont pourtant dans son sens. Un exemple est son appréciation d’un jugement de Henry Kissinger : «Henry Kissinger has pointed out that the “demonization of Vladimir Putin is not a policy; it is an alibi for the absence of one.” I think it is worse: an abdication of real analysis and rational policy-making.»
Cette remarque vient d’un texte que nous jugeons très important de Stephen F. Cohen, qui vient du texte d’une conférence très récemment donnée, qu’il a notablement enrichi et élargi. Il s’agit de «The New Cold War and the Necessity of Patriotic Heresy», dans The Nation du 12 août 2014. Cohen y développe tous les constats catastrophiques sur la situation de la pensée stratégique aux USA aujourd’hui en fonction de l’espace de liberté qui lui est alloué, extrêmement restreint, borné, contraint... Il met en contraste la période de la Guerre froide, qu’il a connue, où le dialogue entre les faucons (Cold Warriors) et les colombes (“détentistes”) existait, et la période présente où tout dialogue est devenu impossible par simple déni de la moindre réalité contraire aux conceptions-Système, effectivement selon un processus qui renvoie plus à la manifestation totalitaire du Système qu’à une situation classique de domination sans concessions d’une majorité de pensée. Il s’en déduit, pour Cohen, que les règles démocratiques qui étaient plus ou moins respectées jusqu’alors pour les minorités dans cette sorte d’affrontement n’existent plus... («In my long lifetime, I do not recall such a failure of American democratic discourse in such a time of crisis.») Les minorités, ou pensées indépendantes, sont tout simplement inexistantes d'un point de vue institutionnel, réduites par la terreur de la bienpensance-Système, ou simplement détruites par l’infection de la psychologie par le Système ; le résultat, pour les très-rares, comme Cohen, qui continuent à s’exprimer, est un lynch permanent exercé à l’encontre de ce résidu de la minorité nécessaire au “débat démocratique”.
«As a result, I have been repeatedly assailed—no less in purportedly “liberal” publications—as Putin’s No. 1 American “apologist,” “useful idiot,” “dupe,” “best friend” and, perhaps a new low in immature invective, “toady.” I expected to be criticized, as I was during nearly twenty years as a CBS News commentator, but not in such personal and scurrilous ways. (Something has changed in our political culture, perhaps related to the Internet.) [...]
»Indeed, some people who privately share our concerns—again, in Congress, the media, universities and think tanks—do not speak out at all. For whatever reason—concern about being stigmatized, about their career, personal disposition—they are silent. But in our democracy, where the cost of dissent is relatively little, silence is no longer a patriotic option. (Personally, as an American, I have come to feel this more strongly, even moral indignation, as I watch the US-backed regime in Kiev inflict needless devastation, a humanitarian disaster and possibly war crimes on its own citizens in eastern Ukraine.)»
La conséquence est une évolution décisive de la position de Cohen et éventuellement de ceux qui lui ressembleraient, qui se rapprocheraient de lui en étant dans la même position que lui (à la fois personnalités académiques du Système impliquées dans les matières de sécurité nationale, devenant “dissident” en portant précisément leurs critiques sur ces matières). Cette évolution a un nom, – “dissidence”, comme dans l’URSS des années 1960-1980. Si Cohen n’accepte pas toutes les implications du terme tel qu’il fut employé en Union Soviétique, c’est, selon notre analyse propre, à cause de caractéristiques techniques plus que politiques du régime américaniste. (Les obligations de ce régime, notamment économiques et par conséquent juridiques, interdisent un état de censure aussi complet qu’en URSS, mais l’autocensure générale fait peut-être la différence, et quoi qu’il en soit il s’agit bien de dispositions techniques.) D’ailleurs, Cohen, après avoir introduit cette nuance américaniste par rapport au soviétisme, n’hésite pas à une seconder à accepter le terme de “dissidence”, et la position implicite d’“hérésie” qui va avec, – c’est-à-dire que l’esprit de la chose, en contrée américaniste comme en contrée soviétique, est bien le même, – il est radical, rupturiel, aussi général et essentiel que la pression totalitaire qu'il rejette.
«I recall this issue being discussed long ago in a very different context—by Soviet-era dissidents when I lived among them in Moscow in the 1970s and 1980s. A few of our supporters who know that history (including Edward Lozansky, a former Soviet dissident, Reagan Republican, and the organizer of today’s event) have recently called us “American dissidents.” The analogy is imperfect: my Soviet friends had far fewer possibilities for dissent and risked much worse consequences.
»But the analogy does suggest a lesson. Soviet dissidents were protesting an entrenched orthodoxy of dogmas and uncritical policy-making, which is why they were denounced as heretics by Soviet authorities and media. Since the 1990s, beginning with the Clinton administration, exceedingly unwise notions about post-Soviet Russia and the political correctness of US policy have congealed into a bipartisan American orthodoxy. The natural, historical response to orthodoxy is heresy. So let us be patriotic heretics, regardless of personal consequences, in the hope that many others will join us, as has often happened in history...» [...]
»Alas, there is no such leadership here in Washington. President Obama has vanished as a statesman in the Ukrainian crisis. Secretary of State John Kerry speaks publicly more like a secretary of war than as our top diplomat. The Senate is preparing even more warfare legislation. The establishment media relies uncritically on Kiev’s propaganda and cheerleads for its policies. Unlike the devastation wrought in Gaza, American television rarely, if ever, shows Kiev’s destruction of Luhansk, Donetsk or other Ukrainian cities, thereby arousing no public qualms or questions.
»And so, we patriotic heretics remain mostly alone and often defamed. The most optimistic perspective I can offer is to recall that positive change in history frequently began as heresy. And to quote the personal testimony of Mikhail Gorbachev, who once said of his struggle for change inside the even more rigidly orthodox Soviet nomenklatura: “Everything new in philosophy begins as heresy and in politics as the opinion of a minority.”»
... Ainsi Cohen introduit-il une nouvelle expression en plus du classique “dissident”, celle de “patriote hérétique”, pour définir ce qui nous apparaît être une nouvelle position de résistance (une position de résistance de plus). Il entend indiquer par là, à partir de son exemple personnel, que des membres de l’establishment (académique dans ce cas), travaillant dans le champ de la politique de sécurité nationale qui est également le champ d’affrontement principal entre le bloc BAO (les USA) et la Russie, doivent désormais pouvoir envisager de prendre publiquement une distance décisive des orientations auxquelles forcent les structures de l’establishment où ils se trouvent. Il s’agit d’une position nouvelle et originale, et particulièrement remarquable parce que se confondent directement, jusqu’à la fusion même, d’une part le concept de “patriotisme” qui marque nécessairement, dans l’ensemble américaniste, une position académique de l’importance de celle qu’occupe Cohen, d’autre part le concept d’“hérésie” puisque sa dissidence porte directement sur l’objet même de sa fonction dans la structure académique mise en place pour le service de ce qui ferait office de religion dans ce cas, dans le chef de l’américanisme.
Ainsi doit-on faire une différence de grande importance, par exemple avec cet autre grand universitaire et dissident notoire qu’est Noam Chomsky. Sans aucun doute, Chomsky est un “dissident” de l’américanisme comme on le sait depuis longtemps, par ses diverses prises de position dans ses très nombreuses activités et productions d’activistes (activités de journalistes, d’auteur, de conférencier, etc.). Mais, par rapport à sa fonction officielle de chercheur et de professeur de linguistique, fonction qui reste inscrite au sein du système universitaire, donc du système de l’américanisme, Chomsky n’est pas un hérétique. On pourrait rétorquer : certes, il ne l’est pas, mais comment pourrait-on l’être dans le domaine de la linguistique, qui ne peut être directement confronté à la politique de surpuissance du système de l’américanisme (politique de surpuissance, ou politique-Système) ? Sans doute, dirions-nous à première vue (on en verra plus là-dessus, plus loin), et l’on n’y peut rien puisqu’il en est ainsi : stricto sensu, Chomsky ne peut être que dissident dans ses actions de militant, il ne peut être hérétique, et c’est ainsi... Cohen, lui, dès lors qu’il est dissident devient hérétique parce que sa dissidence est bientôt identifiée comme une hérésie par rapport à la fonction qu’il exerce au sein du système de l’américanisme, et voilà une nouvelle de grande importance.
(La position de Chomsky, qui peut évidemment être jugée louable et remarquable, s’apparente à celle de grands savant qui prennent des positions politiques plus ou moins qualifiées de “dissidentes”, et cela va jusqu’au plus trivial, avec des prises de position de personnalités du show-business prenant des positions de “dissidence”. Tous ces gens, quelles que soient leurs qualités et leurs vertus, qui peuvent être considérables aussi bien qu’accessoires, n’évoluent et ne peuvent évoluer que dans le champ du système de la communication sans pouvoir poser un acte politique décisif. Leurs prises de position sont à mesure, des actes de communication qui peuvent avoir de grands effets d’influence, sans aucun doute, mais qui ne peuvent prétendre à l’acte d’“hérésie” qui constitue, en plus d’être une action d’influence, un acte d’agression politique incontestable de l’institution concernée, – c’est-à-dire le Système en l’occurrence. [Néanmoins, il y a des nuances à apporter dans les deux cas cités, lorsque les personnalités impliquées font coïncider leurs prises de position dissidentes avec des position ou des travaux spécifiques dans leurs domaines respectifs : les prises de position contre les armes nucléaires de certains savants ayant travaillé dans l’élaboration de ces armes, ou des productions de critique antiSystème de la part de “dissidents” dans l’industrie cinématographique par exemple. On se trouve alors plus proche de l’“hérétique” selon Cohen.])
Lorsqu’il utiliser les termes de “dissidence” et de “patriotisme hérétique”, Cohen ouvre une nouvelle problématique. (Involontairement ? Éventuellement sans en prendre la mesure ? C’est à voir mais cela reste secondaire pour notre propos.) Il ouvre une nouvelle problématique parce qu’il intervient dans un cadre nouveau qui institue la différence fondamentale qui caractérise notre propos, – savoir que le concept de “dissidence” est supportable par le Système alors que le concept d’“hérétique” lui est insupportable parce que potentiellement mortel. Ce “cadre nouveau”, qui ne cesse de tout bouleverser dans les relations internationales depuis le mois de mars et le rattachement de la Crimée à la Russie, c’est la dimension proprement colossale du point vue structurellement conceptuel de l’affrontement USA-Russie et bloc BAO-Russie.
On doit mesurer de plus en plus que ce qui est en général qualifié de “résurgence de la Guerre froide” (ou “nouvelle/deuxième Guerre froide”) constitue en fait une résurgence, au travers du poids de leur irrésolution, des problèmes fondamentaux posés par l’expansion de la modernité après la période des Guerres mondiales 1914-1945, portés par l’expansion de l’américanisme et de l’anglosaxonisme, et aggravés durant cette période par le développement du Système et de l’“idéal de puissance” ; tout cela ayant été occulté par la Guerre froide, puis manipulé dans l’après-Guerre froide avec l’effondrement russe ; tout cela ressurgissant de tous côté depuis mars 2014 à partir du moment où se manifestent les puissances ultimes (notamment avec la perspective du conflit nucléaire) dont disposent les divers participants au nouvel axe fondamental et global d’affrontement. (Cette réapparition des grands enjeux de la modernité au travers de la réapparition des “puissances ultimes” se fait pour l’instant dans le désordre parce que ces grands enjeux sont d’abord marqués par les perceptions idéologiques du XXème siècle, dont l’artificialité va apparaître assez rapidement si elle ne se devine déjà. Il s’agira alors, à mesure de la réapparition de ces enjeux, de faire des reclassements entre Système et antiSystème, et cela devra se faire rapidement, – nous parlons en termes de mois, avec l’accélération de l’Histoire, – sous la pression des crises qui ne cessent de se développer, d’engendre de nouvelles crises, etc.)
C’est cette dimension considérable imposée par le conflit USA-Russie (bloc BAO-Russie) qui fait tout l’intérêt de cette intervention de Cohen, dont on sait par ailleurs la position si originale. C’est cette même dimension qui fait également que la position du même Cohen essentiellement sur la Russie, telle qu’il ne cesse de l’affirmer avec une vigueur extraordinaire malgré son isolement, peut être qualifiée par lui-même, avec une réelle tranquillité d’esprit, aussi bien comme “hérétique” que comme “patriote”. (Nous voyons cette “tranquillité d’esprit” comme le signe que Cohen sous-entend, sans le dire, peut-être même sans encore réaliser pleinement la chose, qu’être un “hérétique” dans les conditions actuelles est finalement la vertu patriotique même par rapport aux positions pseudo-patriotiques totalement inverties de ceux qui sont manipulés par le Système. On en viendrait à penser que, notamment sur cette question USA-Russie, la position de Cohen, par sa finesse et son intuition prospective, définit le réel patriotisme, lequel dans l’état inverti des choses, ne peut être qu’“hérétique” par rapport à une religion, celle du Système, qui trahit le patriotisme qu’elle prétendrait représenter. D’où l’observation révélatrice que l’expression “patriotisme hérétique” est une expression absolument pléonastique.)
L’importance de cette nouvelle ouverture qu’implique cette position de Cohen, à cause de la fondamentale importance de l’affrontement USA-Russie, nous ramène à Chomsky. Contrairement à ce que nous envisagions “à première vue” (“Sans doute, dirions-nous à première vue [...] et l’on n’y peut rien puisqu’il en est ainsi : stricto sensu, Chomsky ne peut être que dissident dans ses actions de militant, il ne peut être hérétique, et c’est ainsi... ”), si aujourd’hui Chomsky modifiait l’axe de son engagement de “dissident” et s’engageait totalement, comme le fait Cohen, dans la bataille des relations américano-russe en condamnant absolument la position des USA/du bloc BAO, alors, bien qu’il n’engagerait pas sa position au sein du système de l’américanisme (sa position de professeur de linguistique), il pourrait effectivement s’approcher des marges de la condition d’hérétique jusqu’à l’être effectivement. Il marquerait une évolution décisive de sa position publique.
L’importance à la fois politique, culturelle et surtout psychologique du conflit USA-Russie est si grande que ce conflit change complètement les données des positions à l’intérieur du Système et en fonction du Système. Dans certaines conditions que nous sommes conduit à identifier grâce aux remarques de Stephen P. Cohen, il conduit selon nous à une position antiSystème radicale puisqu'il active une position critique, une libération psychologique et l’expression indépendante qui s’ensuit, dans les domaines fondamentaux de l’“idéal de puissance” constitutifs de l’épine dorsale de la justification du Système. Cela est d’autant plus juste, à notre sens, que le conflit exacerbe les positions et pousse à la montée aux extrêmes qui, par exemple, conduit la Russie, souvent sans enthousiasme de ses dirigeants voire contre leur gré (Poutine est un centriste qui accepterait aisément les règles capitalistes), vers des positions structurelles qui constituent des attaques antiSystème frontales. (On songe à ces arguments à la fois de type statiste et souverainiste, ou d’une politique potentielle de restriction décisive des marchés russes à certaines puissances du corporate power.)
Le caractère unique du conflit USA (bloc BAO)/Russie est qu’il oblige à des révisions complètes, – montée aux extrêmes, là aussi, – parce qu’il concerne un domaine fondamental des relations internationales, dans toutes les directions. (A cet égard, la différence reste décisive, par exemple, par rapport aux affaires iraniennes, libyennes, syriennes, voire aux “révolutions de couleur” qui n’affichaient pas clairement le caractère d’antagonisme débouchant sur la situation extrême Système versus antiSystème. C’est vraiment dans ce sens qu’il nous paraît important d’apprécier la prise de position de Cohen et ce qu’elle implique, à la fois comme reflet de la situation, à la fois dans ses prolongements potentiels.)
Bien entendu, Cohen est jusqu’ici le seul de sa catégorie (de sa “caste” si l’on veut) qui ait indiqué une voie, ou plutôt une évolution probable si l’on adopte la position qu’il a prise. Il est seul mais il remarque, dans son propos, qu’il y en a d’autres comme lui, qui se taisent, – qui se taisent pour l’instant ? On peut aussi considérer, vue sa notoriété indéniable malgré le peu d’accès qu’il a aux médias de grande diffusion, à la presse-Système, qu’il est aussi, en plus d’être un spécialiste incontesté et un esprit remarquable, une sorte de symbole, – surtout dans une époque qui, à défaut de laisser se développer des courants non contrôlés par le Système, alimente par l’effet-Janus du système de la communication la puissance d’influence de symboles qui peuvent s'avérer antiSystème. Aussi, son orientation, cette orientation d’un homme qui se perçoit comme solitaire, peut avoir un effet plus collectif qu’on ne croit auprès de certains silencieux en puissance d'être de son “parti”. Dans tous les cas, il faut prendre conscience d’une façon éclairante de ce qui est latent dans nombre d’esprit, qui est une puissance formidable, jusqu’à une rupture de signification vers le plus haut et vers l'antiSystème dans l’importance des polémique engendrées par la crise, et cette crise-là (ukrainienne & le reste) d’une façon impérative parce qu’elle est elle-même une rupture. Il faut faire prendre conscience aux observateurs extérieurs qu’à suivre cette voie de dissidence, qui n’est pas si éloignée de certains esprits dont la pensée est proche de la sienne (celle de Cohen dans ce cas), on entre nécessairement dans le domaine décisif de l’hérésie. C’est pourquoi les commentateurs extérieurs, hors et antiSystème, doivent mesurer l’importance de son évolution prise effectivement comme exemplaire, comme “modèle” d’évolution intellectuelle, et ils doivent mettre en évidence cette importance pour donner à son évolution l’onction d’une voie fondamentale à suivre et à imiter, dans le sens antiSystème, – répétons-le, au cœur du Système, dans le cadre d’une fonction-Système, etc.
Alors il nous paraît essentiel de ne pas hésiter à voir dans tout cela un des enjeux fondamentaux de l’affrontement USA (bloc BAO)/Russie qui bouleverse absolument toutes les situations considérées comme importantes, lesquelles acquièrent ainsi une importance décisive de rupture. Voilà un enjeu intellectuel d’une dimension suprême, à l’heure où les enjeux intellectuels, par le biais du symbolisme de nos démarches, doivent se révéler d’une importance tout aussi suprême. Il faut placer cette évolution de situation sur un plan correspondant à d’éventuels mouvements de forme tectonique concernant les rapports à l’intérieur du bloc BAO, selon des analyses différentes qui deviendraient antagonistes, entre alliés européens et l’allié américaniste... L’allégeance, la servilité au Système par le biais de l’allégeance-servilité des pays d’Europe par rapport aux USA doivent des lors poursuivre avec la même force connue depuis des décennies sur une voie aggravante de toutes les situations vers un terme catastrophique commun ; ou bien elles doivent évoluer vers une position de désaccord grandissant, devenant très rapidement (montées aux extrêmes) une position de rupture, débouchant là aussi sur une situation inacceptable sinon par la rupture de l’hérésie, menant elle aussi à un terme catastrophique mais dans des conditions plus ouvertes, avec des opportunités permettant d’évoluer plus rapidement vers des situations complètement nouvelles.
D’une façon générale, le cas Cohen et les perspectives qu’il suggère, avec une véritable hérésie et son pouvoir dissolvant redoutable au cœur même du Système, est bien entendu une autre façon de mesurer l’ampleur du conflit USA (bloc BAO)-Russie, jusqu’à faire admettre de plus en plus que cette séquence-là est la séquence ultime accoucheuse de la phase ultime de la crise d’effondrement du Système. Il s’agit certes d’un conflit entre ce que nous nommons une “vérité de la situation” et les constructions de narrative constituant un formidable amas de bruits de communication jusqu'à finir par susciter une cacophonie insupportable, – cacophonie des narrative de plus en plus insupportable... Dans ce cas extrême, la “vérité de situation” que nous évoquons n’est pas loin d’atteindre à la vérité tout court se dressant contre le Système, ridiculisant et dispersant ses narrative de plus en plus incohérentes, hystériques, contradictoires, servis par des employés-Système atteignant de plus en plus le degré hallucinatoire de l’initié de l’inversion dont l’exemple suprême jusqu’à être métaphysique, par inversion justement, est notre si-cher BHL, sacré prince des amphétamines. (Par pitié, allez voir cette séquence à la TV ukrainienne, sur Lescrises.fr du 12 août 2014, du prince des amphétamines devenu pour un soir roi d’Odessa par la grâce d’un sacre qu’il s’inflige à lui-même, le geste prophétique, le regard halluciné et inquisiteur, – regard dont sa femme Arielle Dombasle dit «Il y a de la chimie qui est passée par là» ...)
On comprend l’enjeu ... Il ne s’agit certainement pas, – nous en sommes bien loin, – de se précipiter dans un conflit partisan de plus en choisissant la cause de la Russie face aux restes en dissolution de notre contre-civilisation, comme le Système voudrait nous le faire accroire avec son ultime narrative du manichéisme hystérique, mais simplement de se servir de la position de la Russie (comme les Russes eux-mêmes s’en servent) pour mieux se définir par rapport au Système, en fermes combattants de l’antiSystème... C’est entrer dans la logique extrême et ultime, et ultimement vertueuse, de l’antiSystème versus le Système, sans hésitation, sans pitié pour le Système, pour la bataille finale. La démarche d’un Cohen, qui semblerait assez anodine au départ, mais en introduisant le mot terrible d’“hérésie” qui est symbole final et catastrophique pour le Système, entreprend l’attaque directe d’une des citadelles du Système... Le sait-il ou l’ignore-t-il ? Question accessoire du moment qu’il agit dans ce sens.