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1360Au départ, déjà, la déclaration US du 13 juin concernant de possibles livraisons d’armes aux rebelles syriens semblait comme une incertitude enrobée dans une ambiguïté et flottant dans un flou bureaucratique plus qu’artistique. Le fait de confier cette déclaration présentée comme essentielle à un sous-fifre de moyenne volée du NSC (Rhodes) n’ajoutait pas à la clarté. Le furieux Brzezinski s’en était ému («I think we need a serious policy review with the top people involved, not just an announcement by the deputy head of the NSA that an important event has taken place and we’ll be reacting to it...») Depuis, l’affirmation claironnée par l’alchimie du système de la communication de l’engagement US dans la crise syrienne commençant par des livraisons d’armes s’effiloche de plus en plus. On pourrait déjà le penser quand on voit un Obama et un Poutine sortir, assez moyennement satisfait de leur tête-à-tête en marge du G-8 (ou du G-7 + 1 comme a dit aimablement le Premier ministre canadien, qui est partisan de livrer des tromblons aux rebelles, au nez et à la barbe de Poutine) ; cette réunion dont, élément important, on ignore si la NSA, avec son adjoint PRISM, a bien noté tous les trois petits points (...) et autres sous-entendus de leur conversation... (A moins que les deux compères, habiles, ait discuté à coups d’antisèches rédigés en un sabir russo-américain, et échangés subrepticement de lui à lui, par-dessous la table, comme si de rien n’était.)
Bref, ils (Poutine et BHO) nous disent qu’ils sont en gros d’accord, sauf là où ils le sont moins et même pas du tout, et que leur accord “en gros” porte sur le fait qu’il faut parler pour que la paix règne à nouveau en Syrie. (Citations de Russia Today, le 18 juin 2013. Voir aussi le Guardian du 17 juin 2013, beaucoup plus lugubre.)
«“We have agreed to push the sides of the Syrian conflict to come to the negotiating table at the international Geneva conference,” Putin said. “On some points, we still have a different stance, but we are united by an aspiration to prevent violence, to put an end to the growing number of victims, to solve the problem by peaceful means, including through negotiations at the international conference at Geneva,” the Russian President added.
»President Obama conceded that he has a “different perspective” on Syria than his Russian counterpart, but confirmed that both countries have a shared interest in stopping the violence and “securing chemical weapons” in Syria. “We do have differing perspectives on the problem but we share an interest in reducing the violence, securing chemical weapons and ensuring that they're neither used nor are they subject to proliferation,” Obama said. “We want to try to resolve the issue through political means if possible.”»
• Puisque c’est au Royaume-Uni que se tient ce G-8, parlons-en (du Royaume-Uni). Cela, pour constater que Cameron, vibrant et habile partisan de la livraison d’armes aux rebelles, est de plus en plus maltraité à cause de cette intention. On vous assure que la fronde anti-livraison-d’armes-aux-rebelles est remarquable de puissance et de diversité, et l’on est vite convaincu. On consulte le Daily Telegraph du 17 juin 2013 (et accessoirement Russia Today du 17 juin 2013 aussi). C’est surtout l’intervention du pétulant et tonitruant Boris Jonhson, maire de Londres et voix influente chez les conservateurs, qui a fait grand barouf ; la position assez similaire du libéral Clegg, qui est tout de même un presque-alter ego de Cameron au sein du gouvernement, n’est pas non plus indifférente...
«But it is Mr Johnson’s comments that will do most to undermine Mr Cameron’s position on the issue. Writing for The Daily Telegraph, Mr Johnson says the only solution in Syria is a “total ceasefire” and claims that it will be “impossible” to arm the rebels without weapons ending up in the hands of “al-Qaeda-affiliated thugs”. “This is the moment for a total ceasefire, an end to the madness,” Mr Johnson writes. “It is time for the US, Russia, the EU, Turkey, Iran, Saudi and all the players to convene an intergovernmental conference to try to halt the carnage. We can’t use Syria as an arena for geopolitical point-scoring or muscle-flexing, and we won’t get a ceasefire by pressing weapons into the hands of maniacs.” [...]
»Mr Cameron faces growing political opposition at home amid suggestions that he is in favour of joining the Americans in helping to assist rebels. He has been warned that he could be defeated in the Commons if he tries to win a parliamentary agreement for Britain to arm the rebels. Mr Clegg insisted that the Government will not arm the rebels because it is not the right thing to do at the moment. “We’ve taken no decision to provide lethal assistance so we clearly don’t think it is the right thing to do now, otherwise we would have decided to do it,” Mr Clegg told the BBC.
»MI>Lord Dannatt, former head of the Army, warned that supplying arms to the Syrian opposition could turn into a “much larger intervention”. “It’s a very complex situation,” he said. “And I think there is a real danger of an arm going in a mangle.” He said the risk of supplying small arms is that it “becomes the thin end of the wedge”. The Archbishop of York, Dr John Sentamu, warned that arming the rebels could be a “naive position to take” because it is impossible to know who the “good guys” are. Julian Lewis, a Tory MP, said it would be “suicidal” for Britain to hand arms to an opposition known to include extremist elements.
• Cela n’empêche pas que nous puissions lire, avec le constat de l’étonnant entêtement des dirigeants-Système et presse-Système pour poursuivre depuis dix-huit mois cette thèse, que les Russes, finalement, vont finir par rejoindre la ligne BAO (les armes aux rebelles, la liquidation d’Assad, une conférence Genève-II entérinant cette juste conception, etc.) On trouve encore cet étrange débris d’une narrative usée jusqu’à la corde dans les conceptions du Premier ministre Cameron, telles que rapportées par The Independent du 17 juin 2013 :
«David Cameron on Monday evening made a final attempt to bounce Russia into supporting a future for Syria without President Bashar al-Assad. The Prime Minister lined up the support of the six other members of the G8 nations for a five-point plan to underpin a second round of peace talks on Syria in Geneva. At a working dinner at the G8 summit at Lough Erne, Northern Ireland, he challenged Russia's Vladimir Putin to join the rest of the eight-member club or face isolation. “It is a clarifying moment,” said a British source.»
Un “clarifying moment”, – un moment de vérité même, puisqu’on y est ; Poutine placé devant l’affreuse alternative de capituler, ou “de se retrouver isolé”, – seul, abandonné, mis au piquet du G8. Cela reste un mystère, qui ne peut être résolu que par des hypothèses portant sur une complète fermeture de l’esprit, sur un véritable auto-conditionnement par ses propres narrative du bloc BAO, que de telles niaiseries soient encore évoquées d’une façon publique et comme si l’on y croyait. Enfin, il s’agit du Premier ministre britannique et de la presse-Système, ce qui explique tout de même beaucoup de choses, pour ce qui est de la niaiserie. Il est inutile, bien entendu, de perdre son temps et un peu de sa plume à réfuter de telles sottises, – cela serait leur faire, tout de même, un peu trop d’honneur. Passons.
• Après la rencontre Poutine-Cameron du 17 juin précédant le G-8, une conférence de presse a notamment “opposé” le Russe à la presse-Système. Cela devait être un bel argument pour les livraisons d’armes aux rebelles que les piliers BAO de la civilisation voudraient aider au nom de la démocratie et des droits-de-l’homme, ce fut un rappel assez peu goûteux concernant les mœurs culinaires des susdits rebelles, avec l’évocation de la vidéo montrant le chef rebelle bouffant un poumon sorti du cadavre d’un soldat syrien. (La seule incertitude portait sur l’organe mangé : on avait dit le cœur, Poutine parle des intestins, il semblerait effectivement que ce soit un poumon. Rigueur anatomique et bon appétit.) Les journalistes-Système avaient interrogé Poutine sur son aide à un président-monstre syrien qui a “du sang sur les mains” ... (Russia Today, le 17 juin 2013.)
«“The blood is on the hands of both parties” of the conflict, not only Bashar Assad’s government but also the rebels, Russia’s President Vladimir Putin stressed at the press conference at 10 Downing Street. “I think you will not deny that one does not really need to support the people who not only kill their enemies, but open up their bodies, eat their intestines, in front of the public and cameras,” Putin said referring to a video footage on the Internet of a rebel fighter eating the heart of a government soldier. Later however it was concluded the fighter was holding a lung. “Is it them who you want to supply with weapons?” he said adding that it does not correspond with international humanitarian norms.»
• L’intérêt de tout cela reste finalement concentré sur l’attitude US et, plus précisément, sur la position du président Obama. Le commentateur politique britannique Charles Shoebridge, qui travailla pendant vingt ans dans les services antiterroristes britanniques, est interviewé ce 17 juin 2013 par PressTV.ir sur la question de l’attitude d’Obama par rapport aux livraisons d’armes aux rebelles syriens. La thèse de Shoebridge est, fondamentalement, qu’Obama doit céder à un chantage de la part des rebelles...
Press TV : «... [W]e have now US President Barak Obama admitting directly that it’s time to send arms to the Syrian rebels - of course, not that they have not done it – but now officially admitting that this is what needs to be done.»
Shoebridge : «...Whether a decision’s been made on this or not, it may well be still that overtly at least America may be reluctant still to supply arms to these rebels because of the consequences of doing so should the media, some media, later on report for example that these weapons have ended up in the hands of the ‘wrong kind’ of rebels as the Americans would call it.
»Let’s look at the timing of this – you’ve got the rebel reversal at al-Qusayr very, very recently; you’ve also got Obama under pressure from Britain and France to support their stand on possibly arming the rebels; but above all – and this is very crucial and it hasn’t been picked up by the media – you’ve got the situation where the rebels themselves have refused to attend Obama’s peace conference that Obama and Putin agreed between themselves.
»Now, Putin has delivered the Assad government to those peace talks; but the rebels have refused to go. And even The New York Times reported about two weeks ago that the rebels were refusing to attend unless America promised them arms. And really, the timing of this cannot be a coincidence... [...]
Press TV : «So you think that this is just a verbal agreement promising them arms in order to get the rebels to the table. Why would that be the case when the rebels are being totally funded by the United States?»
Shoebridge : «Because you’ve got the issue here of public perception. America has gone along with the idea and recently changed its policies and instead of going publicly at least for victory for the rebels they have appeared conciliatory and are suggesting that there should be peace talks... because the bloodshed as got to such a state that people everywhere are questioning what the West is doing there encouraging this bloodshed.
»So, the rebels if you like haven’t done exactly as Obama wanted. They haven’t been able to put together a team for negotiations; they have put in place all sorts of pre-conditions to attending these talks. It’s clear that for the rebels they want the fall of Assad, they do not want peace and an end to the bloodshed in Syria. So consequently they’ve been in a position where they can blackmail Obama; and Obama, he has not shown strength of resolve in saying he will arm the rebels, what he has done has shown weakness in succumbing to the blackmail.
»They have said unless you give us arms we will not be attending your peace conference...»
Il ressort de cette bouillie pour les chats des nouvelles concernant le G-8, la Syrie, les finasseries britanniques, les armes et le “to arm or not to arm” de BHO-Hamlet, que la nième relance de la crise syrienne va à nouveau vers un enlisement de la décision, – laquelle n’a d’ailleurs pas été prise (pas encore ? Déjà ?). Telle que nous est présentée la position d’Obama sur la livraison d’armes aux rebelles, on retrouve les innombrables facteurs poussant dans des sens différents, les calculs minutieux et de plus en plus réducteurs à mesure de l’importance de communication qui leur est donnée de la direction US et, surtout, le caractère extraordinairement labyrinthique et hésitant d’Obama. La décision de livraison d’armes devrait donc connaître encore diverses étapes avant d’aboutir à on ne sait quoi. En attendant, on nous annonce (The Independent du 18 juin 2013) que les Saoudiens ont déjà livré des armes antichars et anti-avions aux rebelles, – ce qui tendrait à faire figure de réponse ?
Voire, puisque, comme il se doit, rien n’est moins sûr dans ce désordre que d’avoir “une réponse”. Ce n’est pas la première fois qu’une telle nouvelle de livraison d’armes est annoncée (voir le 29 mars 2013), et il y a toutes les chances que, dans le désordre extraordinaire qu’on sait, telles ou telles armes aient déjà été livrées dans tous les sens. Cela permet de rappeler, comme simple observation qui est aussi notre conviction (voir le 3 avril 2013), que la livraison d’armes aux rebelles qui semblerait être devenu l’élément décisif, la chose qui va tout changer, l’“arme absolue” si l’on ose dire de la victoire assurée, constitue en fait une illusion rassurante pour alimenter l’espérance qu’on peut encore contrôler quelque chose et qu’on a les moyens effectivement d’arriver à ses fins (tout cela dans la version bloc BAO : parvenir triomphalement à la “chute imminente”, – depuis deux ans, – du monstre qu’on sait). Entre autres observations, notamment sur la mystique surdimensionnée qui dote la machinerie technologique d’une sorte de capacité magique de changer les choses, il y a aussi le constat opérationnel que l’armée syrienne et ses divers supplétifs ont abandonné la tactique qui les rendrait en partie vulnérables à de telles armes, pour s’adapter au conflit de guérilla et de guerre civile, adaptation qui lui a permis de remporter les victoires récentes.
Par conséquent, cette tragi-comédie des armes à livrer, sur fond de preuves nécessairement indubitables de l’emploi du chimique par les coupables connus avant même le forfait, se joue sur le terrain de la communication et non des opérations militaires. Elle suscite deux effets. Le premier est d’enliser encore plus la crise elle-même, dans ces relances sans fin vers une extension et un élargissement de la guerre, sans y parvenir d’un point de vue opérationnel, mais pourtant chaque fois en grossissant un peu plus l’enjeu de communication qui est le seul facteur affectant vraiment la situation politique du bloc BAO. Le second est d’enliser encore plus les directions politiques du bloc BAO elles-mêmes, de les faire dépendre de plus en plus directement, jusqu’au chantage comme l’explique Shoebridge, des “marionnettes” qu’on a constituées en “autorités provisoires” mais nécessairement présentées (impératif de communication) comme légitimes et respectables. L’inversion est parfaite et complète. Les “marionnettes” rassemblées pour être manipulées, sont de plus en plus faibles et divisées, n’ayant effectivement aucune autorité sur personne (les rebelles sur le terrain font ce qu’ils veulent), sans même parler de légitimité et des responsabilité. Dans cette position de faiblesse absolue, ce sont elles, les “marionnettes”, qui manipulent leurs manipulateurs embourbés dans leur indécision, les pressions contradictoires et leur représentation de communication, qui les font chanter en mesure et à mesure, qui les obligent à des “un pas en avant, deux pas en arrière”-“deux pas en avant, un pas et demi en arrière” et ainsi de suite.
Il nous semble que nous entendrons parler encore longtemps, avec décisions dramatiques à mesure suivies de rétropédalages, de la livraison des armes aux rebelles. Quant à la conférence Genève-II, on lui souhaite bien du plaisir. (A propos et en passant, oui, soyons rassurés : les réunions G-8, c’est vraiment très utile.)
Mis en ligne le 18 juin 2013 à 10H52