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207024 janvier 2012 – Effectivement, par BAO nous entendons “bloc américaniste-occidentaliste” (ou “bloc BAO”, pour la convenance de la lecture), tant nous tenons qu’il y a, depuis au moins 2008, une sorte d’“intégration systémique” (ou “intégration du Système”) des pays dits “occidentaux”, et que cette intégration est différente en substance de ce qui a précédé (l’“alliance” sous direction US), tant il y a une mécanique à l’œuvre, et que c’est le Système lui-même, dans l’urgence d’une situation où sa surpuissance devient autodestruction, qui maîtrise cette mécanique. De même et par conséquent, par “dissolution” nous n’entendons certainement pas le sens géopolitique ou stratégique, mais bien le sens de la matière même, et de la psychologie. Ce n’est certainement pas que le bloc “s’effrite” selon le détachement de ses différentes parties constitutives (l’Europe se détachant des USA, par exemple) parce que la question ne peut plus se débattre en de tels termes, mais bien qu’il “se dissout”, “s’effrite” en tant que tel, de l’intérieur si l’on veut et sous une action ressemblant à celle des termites, et cela tendant à l’orienter vers une transformation en poussières diverses.
Les deux nouvelles publiées sous formes de Bloc-Notes le 21 janvier, nous font penser dans ce sens ; le 21 janvier 2012 concernant la censure, et plus encore plutôt l’autocensure dans le bloc BAO, et le même 21 janvier 2012, concernant l’Afghanistan. Nous revenons sur ces deux points, en ayant évidemment à l’esprit qu’il ne s’agit que de deux exemples d’une situation qui en montre une multitude d’autres, dans tous les domaines, dans le même sens.
• Le premier cas est celui de la “censure”. Nous ne parlons pas d’un appareil de surveillance ou d’un appareil de propagande. La surveillance et la propagande du bloc BAO sont d’une telle grossièreté et d’une telle stupidité que tous les actes et les paroles en découlant contiennent en eux-mêmes, pour qui veut un peu savoir et connaître, le contrepoison de l’évidence. Nous parlons de la robotisation de l’autocensure affectant les personnes, et précisément les journalistes, sans nécessité de pressions actives et explicites, dans tous les secteurs de l’information, dans la presse-Système. Cette situation a fini par peser d’un tel poids négatif qu’elle a ouvert un vide dans lequel commencent à s’installer des réseaux étrangers au bloc BAO, mais adoptant les techniques, le langage de communication dominant, avec des journalistes souvent de nationalité US, documentant puissamment (émissions TV et articles) les points très nombreux de contestation à l’intérieur du bloc. Ces réseaux font du Aljazeera, sans Aljazeera qui a décroché à cause des ambitions du Qatar d’en faire un outil d’expansion qatari, avec la nouveauté (à la différence de l’Aljazeera première période) pour ces réseaux nouveaux venus d’axer leur communication et leurs informations sur le bloc BAO. Ils amènent avec eux une certaine légitimité qui est faite à la fois de leur statut d’étranger au bloc (légitimation par refus de la légitimité invertie du bloc) et du soutien de leurs appareils de communication nationaux (cas de RT et de PressTV.com) ; cela, tout en présentant les arguments pour une certaine réhabilitation de leurs pays d’origine (mauvaise réputation initiale, même dans la communication “dissidente” du bloc : aujourd’hui, RT et PressTV.com travaillent avec énormément d’interviews de personnalités US notamment). Cette nouveauté ne vient pas seulement en complément des systèmes de communication antiSystème à l’intérieur du bloc BAO (“dissidents” sur Internet) ; elle accentue, peut-être décisivement, la perception de la robotisation de l’autocensure de la presse-Système, avec comme effet l’entraînement vers la bêtise par fermeture de soi, puis vers le néant, – la dissolution effectivement.
• Le second cas est celui des guerres extérieures. Le rapport sur la situation afghane présente une situation pathétique dans ce pays, non pas au niveau opérationnel mais au niveau du “climat” et de l’“esprit” de la guerre, de sa psychologie par conséquent. En ce sens, cette situation est un parfait complément de la politique officielle d’assassinats des USA, de l’illégalité constante des interventions US, de l’institutionnalisation de la torture, c’est-à-dire de pratiques “militaires” en constante dégradation et se rapprochant de l’action terroriste ou de l’action du monde du crime organisé. Les effets psychologiques sont colossaux, tant dans les pays touchés qu’indirectement dans les pays du bloc BAO, que dans les forces US (cas en pointe, résumant et dépassant en substance tous les autres), avec une augmentation continue des suicides, de l’alcoolisme et de la prise de drogues, des pathologies psychologiques graves, des agressions sexuelles (contre les femmes sous uniforme), etc. Dans ce cas également, on peut parler d’une dégradation constante, dans un univers robotisé et inhumain, qui ne cesse d’abaisser l’aspect qualitatif, ou ce qu’il en reste, avec certes des conséquences opérationnelles, mais, plus important pour notre propos, des conséquences gravissimes au niveau des structures, de la place et du comportement des individus dans ces structures, etc., et de la psychologie bien entendu et par-dessus tout. Il s’agit bien d’une “barbarie intérieure”, dans le sens où il existe une “barbarisation” des structures de ces forces et des individus eux-mêmes ; mais cette “barbarie”, sans le dynamisme qu’on a pu prêter aux barbares originels, au contraire réalisant d’abord, de façon subreptice mais implacable, sa propre dissolution… (Et l’on notera que ces appréciations de “barbarie intérieure” et de “barbarisation” valent pour le cas de la censure ci-dessus, d’une façon indirecte mais tout aussi puissante et dévastatrice.)
Dans son introduction à son essai sur La barbarie intérieure (nous lui avons emprunté l’expression, bien sûr, tant elle est bienvenue et juste), Jean-François Mattei écrit :
«Dans son règne rationnel sur toute la planète, la civilisation européenne n’a pas dissous la barbarie en conquérant de lointaines steppes ou de nouveaux déserts ; elle l’a introduite en son sein et s’est laissée gagner par son propre processus de dissolution, irriguant de son sable ses déserts intérieurs.»
Ce jugement, qui embrasse l’essentiel le développement de la civilisation européenne à partir de l’apparition de la modernité, s’applique particulièrement aujourd’hui, selon un rythme extraordinairement accéléré, comme si le temps se contractait et comme si l’Histoire s’accélérait (ce qui est notre thèse pour notre époque). Cela engendre une situation présente où l’“irrigation par le sable” des “déserts intérieurs” du bloc BAO atteint un rythme dément, et la dissolution idem par conséquent. Dans ce cas, on comprend que ce jugement sur “notre barbarie” concerne aussi bien les soldats en Afghanistan que la presse-Système pratiquant l’autocensure (autocensure, équivalente au “sable d’irrigation”), que tout le reste.
Ce qu’il est intéressant de constater ici, c’est que le fait de notre “barbarie intérieure” est largement entré dans un processus d’“extériorisation” visible et tangible, presque indécent et obscène, comme nous l’observons explicitement, notamment dans le texte du 21 janvier 2012 sur l’Afghanistan. Le résultat est un processus de dissolution accéléré d’une façon exponentielle, de toutes les façons, affectant les deux domaines considérés, mais le reste également, aussi bien dans le champ de la communication que dans celui du technologisme. C’est en effet un paradoxe si l’on se place du point de vue des faits et des situations, selon deux axes de réflexion.
• Il y a d’abord le fait que, comme l’indique Mattei, notre “barbarie intérieure” entraîne un processus de “dissolution” intérieure de nous-mêmes. Cela indique, selon nous, qu’il s’agit d’une “barbarie” spécifique, originale, postmoderniste bien sûr mais qui dispose, à cause de cela, de certains caractères plutôt à l’inverse de la barbarie traditionnelle. Dans l’histoire, la barbarie originelle est une situation de “sauvagerie” (terme qu’il faudrait relativiser, bien entendu, la “sauvagerie” étant appréciée par les “civilisés” qui identifient les “barbares”) ; c’est aussi une situation d’énergie, selon une dynamique souvent indirectement ascendante, souvent aux effets paradoxalement constructifs, qui conduit souvent les barbares à se “civiliser” directement ou indirectement au contact des civilisations qu’ils abattent ou tentent d’abattre. Le cas des barbares et des Romains, et de la “romanisation” des barbares, illustre ce processus. Notre “barbarie intérieure” illustre le processus exactement inverse, sans aucun doute parce qu’il s’agit d’un processus de décadence, de chute ; sans aucun doute parce qu’il s’agit d’un processus d’autodestruction, justement, où le civilisé, emporté par la surpuissance du Système, devient son propre barbare. Nous nous sommes “barbarisés“ à partir d’une position de civilisation, et notre “barbarie intérieure” en accélération exponentielle est une situation de Chute.
• Il y a ensuite le fait que l’extériorisation de notre “barbarie intérieure”, loin de dégager une énergie, y compris et surtout guerrière, comme c’est souvent le cas dans le phénomène de barbarie, entraîne au contraire une accélération exponentielle supplémentaire du même phénomène de dissolution intérieure mentionné plus haut. Notre “barbarie intérieure” à son apogée de surpuissance, lorsqu’elle s’extériorise, devient encore plus un processus paradoxal d’amollissement, et de dissolution en réalité (passage à l'autodestruction). Même nos actes unilatéraux de guerre totale, sans pitié, sans la moindre légalité, avec les moyens les plus “aseptiquement barbares” sans aucune des bornes civilisatrices pour tempérer l’acte de la guerre, conduisent paradoxalement à notre amollissement, et donc à notre dissolution. (“Aseptiquement”, justement : torture en gants de plastique blancs de chirurgien, massacres de civils par tirs de “ratages de haute précision” avec des armes sophistiquées, l’urinoir précisément sur les cadavres, etc.; loin de nous durcir, ses pratiques postmodernes qui rendent encore plus monstrueuses et subversive notre barbarie, concourent également à l’“amollir”.) La dureté même de la barbarie, dureté réelle dans sa sauvagerie guerrière originelle, n’apparaît nullement, mais son exact contraire. Les barbares intérieurs, extériorisés et postmodernistes, torturent, massacrent, pillent, urinent, – et geignent sur le peu d’estime où les tiennent leurs victimes, les tenant pour injustes et d’une méchanceté sans bornes ; ils gémissent dès qu’un des leurs est touché, blessé ou tué, ils sont choqués par la déloyauté des ripostes qui n’utilisent pas les moyens où ils sont le plus aisément barbares extériorisés ; ils brandissent les valeurs émollientes de la postmodernité desquelles ils se réclament et qu’ils foulent aux pieds “aseptiquement”, accroissant le processus qui les emporte. Cette pleutrerie et cette lâcheté de caractère indiquent un amollissement dramatique, et une dissolution par conséquent. Cette dissolution affecte toutes les conditions de notre civilisation, nos structures, les attributs de notre puissance, notre psychologie, etc. (Bien entendu, ce phénomène est explicable dans l’absence totale de justification de notre barbarie, puisque cette barbarie n’est pas un état intermédiaire pour une tentative de s’élever vers une civilisation, mais un état intermédiaire dynamique sur la trajectoire de la Chute, et un état accélérant cette Chute.)
Ainsi se trouve rencontrée, là aussi, notre appréciation générale selon laquelle notre “civilisation”, c’est-à-dire notre contre-civilisation construite sur le dogme de “l’idéal de puissance”, et en vérité enfantée par le “déchaînement de la Matière”, est conduite par une dynamique de surpuissance qui s’incurve irrésistiblement en une dynamique de l’autodestruction. C’est sans aucun doute le cas lorsque, partant d’une intériorité de civilisé, on accepte que s’installe et l’on agit pour que s’installe une “barbarie intérieure”, puis, en extériorisant cette “barbarie intérieure” qui est déjà elle-même une dynamique de dissolution intérieure, on accélère irrésistiblement cette même dynamique de dissolution intérieure. Nous sommes nous seulement les “barbares intérieurs” de nous-mêmes, mais nous sommes devenus des “barbares négatifs”, dont l’activité de barbare génère l’énergie de la dissolution et de la fermeture de soi jusqu’à la réduction de soi au plus extrême, plutôt que l’énergie de la barbarie originelle lorsqu’elle conduit à une éventuelle ouverture aux vertus de la civilisation qu’elle attaque.
Mais ces considérations sont encore de type historique, et adjacentes… Néanmoins, il y a un aspect universel, qui est la psychologie, qui nous indique le pont que l’on peut établir avec une appréciation métaphysique. La psychologie, qui est touchée par le processus de dissolution qu’on a décrit dans une situation historique, nous indique l’appréciation métaphysique qu’il faut porter sur ce processus de la “barbarie intérieure”, presque comme un double intérieur et même négatif de la barbarie originelle, remplaçant la dureté de la condition par la dissolution de l’être.
Le fait incontestable pour nous est que cette évolution de la psychologie, sa dissolution à l’aune du Système, inspirée par le Système, nous rapprochent évidemment de la Matière et du Mal que la Matière représente. Cette dynamique de “proximisation” du Mal est d’autant plus mise en évidence que nous prétendons, par nos vertus postmodernistes supposées, et malgré la matérialisme effréné qui nous guide derrière les couvertures spirituelles et morales dont nous le couvrons, – la spiritualité de la Matière, non dite mais partout affirmée par notre comportement-Système, est l’un des beaux fleurons oxymorique que nous offre la postmodernité, – nous prétendons effectivement suivre un comportement moral et même spirituel. Cela met d’autant plus en évidence la réalité de cette Chute vers le Mal, puisque la source fondamentale du Mal est ainsi niée.
La façon de traiter l’“Ennemi”, ou celui qui est intitulé tel, dans tous ses caractères les plus fondamentaux, les plus sacrés, constitue une entreprise d’entropisation qui concourt à une volonté de dissolution de l’autre pour tenter de le réduire à l’état de Matière. La haine contre les musulmans, la haine contre les Chinois et les Russes, la haine contre les chicanos type-Chavez, la haine contre les réactions populistes (type Paul, Le Pen, “indignés”), la haine contre les 99%, tout cela se ramène à ce sentiment de haine à objets variables et sans fin qui est la réaction du faible entraîné dans la Chute, et qui indique un réflexe hystérique de tenter de rapprocher de la Matière et de l’entropie tous ces objets du sentiment de haine, comme seule façon de survivre soi-même.
…Mais le résultat est inversion pure. Parce que la psychologie évolue dans ce mode maniaque qui engendre la création permanente et hystérique d’une fausse réalité qui devient par son outrance folle une contre-vérité, le résultat est que ce processus de dissolution et de rapprochement de la Matière imposée aux autres par la haine du maniaque, touche en priorité celui qui veut le provoquer chez l’autre, – “nous” dans le bloc BAO, plus précisément ceux qui sont le plus habités par leur barbarie intérieure. Dans cette occurrence, les autres se trouvent épargnés par l’effet de la haine maniaque, malgré les souffrances qui leur sont infligées, et l’effet de cette haine maniaque retourné contre “nous” au profit de la barbarie intérieure… La “barbarie intérieure” extériorisée, retourne à son intériorité pour se renforcer d’une façon exponentielle, et accélérer la dissolution et la Chute. Il n’est plus question, ni de morale ni de spiritualité, mais bien d’une Chute presque au sens physique du terme, vers la Matière, à cause de la dissolution qui nous conduit à l’entropisation.
Dans ce cas, la subversion des mots, des valeurs, etc., qui constitue l’exercice intellectuel favori sinon exclusif du barbare intérieur, entretient un état d’inversion de la civilisation (contre-civilisation) qui pourrait être qualifié d’état de sauvagerie négatif, un état de sauvagerie allant vers l’inertie totale de la Matière, vers l’entropisation. A cet égard, il s’agit d’un étage, ou d’un sous-sol plutôt, bien en-dessous de l’état primitif du barbare originel. Il s’agit du terme de la Chute qui est le retour à la Matière, par accélération de la dissolution jusqu’à l’entropisation, jusqu’à l’intégration complète dans la Matière, – l’entropisation, but ultime de la dissolution. Ce processus, qui est principalement le fait du Système né du “déchaînement de la Matière”, présente une logique évidente : la Chute dans la Matière ne serait qu’un retour à sa composition originelle du Système, – un “retour au bercail”, “Mission Accomplished”, – et la fin d’un cycle…
Mais la fin du cycle a deux faces, dont l’une est celui d’une résurrection dont l’insurrection et la révolte essentiellement de type psychologique (ce que nous identifions également comme une “réaction dépressive transcendée” dans l’antithèse maniaco-dépressive) peuvent être les signes avant-coureurs. Le processus général ainsi décrit n’implique aucune fatalité pour le sapiens touché plus ou moins par cette barbarie intérieure mais qui n’en est nullement le producteur, qui n’est qu’un “passager” d’un Système né lui-même de la Matière, sapiens emporté par sa faiblesse psychologique fondamentale. Au contraire, le processus doit de plus en plus peser pour confronter ce même sapiens avec la réalité de ce destin infâme, et le pousser à tenter de s’en échapper. Lorsqu’on cite le cas de “la haine des 1% contre les 99%” qui concerne la situation des pays du bloc BAO, on implique déjà que 99% de la population du bloc BAO est, aussi bien que les ennemis du bloc BAO, la victime de cette barbarie intérieure du bloc BAO, et déjà en potentialité de refus, de révolte, d’insurrection contre ce processus d’effondrement dans la Matière.