“Dites à l’ayatollah qu’il patiente…”

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Comme on pouvait l’attendre, et comme on s’y attendait en général selon la logique des situations et des dynamiques diverses, l’incident entre Medvedev et Obama que nous avons rapporté le 27 mars 2012 a eu des conséquences indirectes (hors de celle, directe, qui concerne le système antimissiles et les relations avec la Russie). Ainsi, les milieux extrémistes (gouvernementaux) et les commentateurs liés à la sécurité nationale, en Israël, ont pris également pour eux la logique de la chose.

Nous synthétisions cette réaction probable, cette interprétation de communication israélienne, sous cette forme, dans le Bloc-Notes cité ci-dessus : «Que vont ressentir, sujet important, ceux de la bande Netanyahou-Barak avec leur très cher projet d’attaquer l’Iran, sinon un renforcement de leur haine rageuse contre Obama ? Une thèse déjà rencontrée, notamment sous la plume de Robert Parry de Consortium.News, est qu’Obama fait patienter (?) les fous israéliens en leur promettant une attaque après l’élection de novembre, pour tenter de verrouiller cette élection en n’ayant pas trop d’interférences dans l’électorat juif ; puis, cette élection assurée, BHO oublierait sa promesse et se rapprocherait des thèses iraniennes… Qui sait, même, si ce qu’il a dit à Medvedev, il ne l’a pas déjà dit à l’ayatollah Khamenei ? Lisant ces échos d’un micro non débranché, les Israéliens vont encore plus pousser pour une attaque et encore moins croire ce que leur dit Obama.»

…C’est exactement le cas, avec une analyse de DEBKAFiles à paraître ce jour dans le domaine payant du site, et annoncé dans ces termes le 27 mars 2012 sur le site, avec ce titre significatif «Obama tells Putin and Khamenei: Wait until after my élection» : «“On all these issues, particularly missile defense, this can be solved. It is important for him (Putin) to give me space. This is my last election,” US President Barack Obama was “caught” telling Dmitry Medvedev on an open mike Sunday, March 26. DEBKA-Net-Weekly in its next issue out Friday reveals that almost the same message went out to Iranian leader Ayatollah Ali Khamenei, via Turkey’s Tayyip Erdogan.»

En fait DEBKAFiles développe ce qu’il avait effectivement affirmé il y a quelques semaines, selon l’analyse, ou les “révélations”, que les Turcs avaient servi de relais entre les USA et Khamenei, pour engager des négociations secrètes entre Obama et Khamenei. Le “message” initial de BHO, celui qui lui permettait d’engager ces négociations dans un climat de confiance, était bien qu’il se trouve dans une situation où il lui est impossible de lancer une approche constructive de la crise, avec des concessions vers les Iraniens, jusqu’à l’élection ; et la promesse qu’après ces élections, et lui-même réélu selon sa propre perspective, il serait libéré de toute contrainte et pourrait mener une politique d’arrangement.

Ces analyses à partir de la “fuite” BHO-Medvedev renforcent notablement, en s’appuyant sur les propos rendus publics de BHO, ce qui paraît être une hostilité tout à fait exceptionnelle, confinant à la haine pure, de Netanyahou pour Obama, et un degré de confiance à mesure du Premier ministre israélien pour le président US. Ce point est largement substantivé par une nouvelle “livraison” d’e-mails de STRATFOR piratés par Anonymous/WikiLeaks, dont on trouve des traces ce jour dans de nombreuses sources d’information, notamment sur l’Internet. Ces messages mettent en évidence que Netanyahou a été un informateur direct de STRATFOR au moins de 2007 à 2010, directement en contact avec le vice-président de STERATFOR, Fred Burton.

Le même DEBKAFiles, justement, reprend ces e-mails pour enfoncer le clou et mettre en évidence les relations absolument exécrables entre Netanyahou et Obama, selon l’idée des Israéliens qu’on ne peut faire aucune confiance à Obama pour soutenir Israël dans ses projets les plus chers (l’attaque de l’Iran). Le 28 mars 2012, DEBKAFiles reprend donc les informations ainsi rendues publiques et l’on peut y lire ce passage concernant les relations Netanyahou-Obama et la position du second concernant les agissements du premier. (On note au passage l’affirmation que Netanyahou est persuadé que l’Iran a deux bombes nucléaires, contre toutes les évaluations des services de renseignement, y compris le Mossad, disant que l’Iran n’a pas d’arme nucléaire.)

«According to one e-mail from Burton, Netanyahu is said to have revealed in Dec. 2009 that “Iran has two nukes on missiles ready to go.” Burton went on to report that the White House (Barack Obama) was “doing everything possible to block Israel’s next steps. He added the view that “Israel will go it alone. Israeli subs are off Iran's coast.” In answer to a question, Burton replied: “My source is bb (eyes only).” Another Burton e-mail posted in 2009 revealed the shaky relations between Netanyahu and the US president: He wrote: “I also have it on good word that BB trusts Obama about as much as he trusted Arafat or Waddi Haddad [head of the Popular Front for the Liberation of Palestine in the 70s].”»

(Toutes ces exploitations des propos d’Obama sont extrêmement importantes. Il faut préciser, par rapport à notre texte du 27 mars 2012, cette évidence que l’importance de l’incident ne concerne pas la pensée même ou les projets d’Obama, sur le fait qu’il est aujourd’hui contraint à une politique qui n’est pas la sienne mais qu’il changerait après son élection, mais bien sur le fait que cet avis soit rendu public. Il s’agit non pas d’un acte d’information (tout le monde sachant que les dirigeants politiques ont cette sorte de pensée) mais d’un acte de communication : cette pensée est publiquement confirmée (d’autant qu’Obama, commentant publiquement la “fuite”, n’a absolument pas cherché à réduire le sens de ses paroles, au contraire) ; elle est exposée en public, elle devient donc une sorte d’engagement public, une sorte de contrat avec ses divers interlocuteurs si l’on veut, et permet à tous les acteurs concernés de disposer vis-à-vis d’Obama de l’argument d’un engagement public qui est d’un poids considérable. Dans une époque où la communication est la source même de la puissance, la connaissance publique de cette évidence est en soi un événement politique considérable qui va sans aucun doute peser sur la politique d’Obama après sa réélection, s’il est réélu ; en quelque sorte, cela le rend tributaire d’engagements implicitement publics et connus du public. La chose est si importante qu’on peut même envisager qu’Obama doive modifier l’attitude qu’il envisageait d’avoir après sa réélection éventuelle en fonction de cette “fuite”, soit pour abandonner ses projets, soit, s’il en a l’audace, pour les radicaliser et pour les imposer contre une opposition déjà avertie et alertée, et qui se manifestera avec une extrême violence. C’est ainsi que fonctionne aujourd’hui la “politique“, totalement dépendante de la communication. Notre absence d'insistance répétitive sur ce point dans le texte initial vient évidemment de ce que cette situation nous apparaît comme une évidence, et cela est effectivement présenté et commenté dans nos très nombreux textes concernant l’importance fondamentale de la communication. Ce qui importe n’est pas ce qui est connu mais la façon dont cela est connu, et cela en conjonction avec le fait que plus aucune objectivité rationnelle n’existe dans le domaine de l'information [voir le 27 mars 2012].)


Mis en ligne le 29 mars 2012 à 06H12