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1150Comme nous l’observons dans la rubrique Ouverture libre, le commentaire de Ray Hartwell dans le Washington Times, présenté ce 17 juillet 2010, est certainement le plus intéressant sur le cas de l’Arizona. Nous sommes loin des rhétoriques mielleuses et accrocheuses sur le racisme ou pas de telle loi. Il y a, clairement posée, la question des devoirs du gouvernement de l’Union vis-à-vis des Etats qui le constituent, et les droits des Etats si ces devoirs ne sont pas remplis. C’est-à-dire, toute la rhétorique puissante de la cohésion des USA, des questions des droits souverains, des menaces éventuelles de sécession ou d’éclatement.
@PAYANT Il est vrai que l’exemple fameux rappelé par Hatwell de l’expédition mexicaine de John Black Jack Pershing en 1916, d’un point de vue intérieur US, est le cas typique de jurisprudence. On peut prêter des arrière-pensées à Washington dans ce cas, d’ailleurs moins celles d'un cas expansionniste que celles d’une certaine pression à exercer sur le Mexique que le président Wilson jugeait être complice de l’Allemagne contre laquelle les USA se préparaient à entrer en guerre, notamment à l’occasion d’une rocambolesque affaire de télégramme allemand vers le Mexique. Il reste que, du point de vue des Etats de la frontière, alors que des raids mexicains avaient lieu sur cette frontière, Washington est entré en guerre, ou tout comme, pour protéger l’intégrité des Etats de l’Union, à commencer par le Nouveau Mexique. Obama est loin d'envisager de faire quoi que ce soit qui s'en rapproche pour l’Arizona (et d’autres Etats), face à une situation qui a des similitudes évidentes avec 1916.
Par conséquent, l’Arizona est loin d’être dans son tort ou d’agir d’une façon irresponsable, ou abusive, et d’ailleurs on le comprend bien lorsqu’on voit l’accent mis sur l’aspect “raciste” de la loi bien plus que sur la loi elle-même; par les temps politiques qui courent péniblement, lorsqu'on commence à verser dans la rhétorique postmoderniste type-Rive gauche, c’est que l’aspect politique sérieux est loin d’être assuré. Du coup, le cas devient clairement celui de l’autoritarisme de Washington sur les Etats, assorti d’un manquement complet à ses devoirs de maintien de la sécurité de ces Etats de la part du même Washington. Il s’agit d’une attitude qui porte en elle-même le germe d’une manquement grave du pouvoir central, montrant dans ce cas une main-mise insupportable sur les Etats puisqu’accompagnée d’une réelle irresponsabilité.
Il y a évidemment l'aspect constitutionnel. Comme on le voit d'après les explications circonstanciées de Hartwell, le cas est extrêmement discutable et, dans cette fable du “pot de terre contre le pot de fer”, le pot de terre est loin d’être légalement dépourvu. Il n’empêche que, si, demain, l’Arizona mobilise et constitue ses propres milices officielles pour prendre en main la sécurité de sa frontière, et s’il est suivi par d’autres Etats qui seraient dans le même cas, même si tout cela est constitutionnel, la situation politique ainsi créée commencerait à ressembler dangereusement à un embryon d’éclatement ou de sécession, ou, dans tous les cas, à une mise en cause fondamentale du pouvoir central dans la tâche essentielle de la sécurité. En d’autres mots, même si la légalité constitutionnelle était respectée, même si tout le monde s’y conformait, la situation politique ainsi créée serait tout simplement explosive.
Or, les conditions ne sont pas favorables. La pression sur la frontière Sud est réelle, et même la pression de l’immigration illégale en général. Les gouverneurs ne peuvent l’ignorer, au risque de perdre leurs électeurs. Le gouvernement central est faible, assailli de toutes parts par des pressions contradictoires, très sensible aux aspects “postmodernistes” comme l’aspect racial, employés souvent pour tenter de diviser les uns et les autres beaucoup plus que par conviction. Obama n’a pas vraiment les moyens de monter des opérations de protection sérieuses des frontières, et, d’ailleurs, il a l’air d’y être curieusement indifférent. D’autre part, il semble privilégier de bons rapports avec le président mexicain Calderon sur la sécurité des Etats dont il a la charge, alors que Calderon, lui-même complètement assiégé dans son pays par les cartels de la drogue, est obligé de montrer une attitude maximaliste dans cette affairer, contre l’Arizona (et les autres Etats à venir), pour protéger le peu d’autorité qui lui reste. Bientôt, on verrait le président des USA s’opposer à l'un de ses Etats qui veut se protéger des incursions venues d’une nation voisine, et copiner avec le président de cette nation, même si ce président n’est pas en principe le responsable direct de ces incursions.
Dans une telle situation politique, dans un environnement politique chaotique et délétère à Washington, alors que le principal des forces US est occupé dans des guerres absurdes qui ruinent le pays à l’autre bout de la terre, et si l’Arizona et quelques autres décident d’emprunter la voie du durcissement en “mobilisant”, on mesure les risques d’explosion qui apparaîtront. Il s’agira alors de la cohésion des USA qui sera, ainsi, directement mise en cause. D’une façon ou l’autre, c’est un scénario que certains envisagent depuis un certain temps, sans s’attacher à des circonstances précises. En 2008, William S. Lind, le théoricien de la guerre de 4ème génération, écrivait que «la prochaine guerre à laquelle participeront les USA se déroulera sur le sol même des USA…»
Mis en ligne le 17 juillet 2010 à 14H26