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1021La question de savoir s’il y aura une No Fly Zone au-dessus de la Libye est une chose, – qui semblerait pour l’instant réglée, d’ailleurs, dans un sens négatif, dans tous les cas du côté américaniste-occidentaliste, – ou qui ne semblerait pas réglée, c’est selon, si on se tourne du côté des couloirs du quartier-général de l’OTAN… Débattre pour savoir qui la fera respecter, comme s’il était acquis qu’il y aura une No Fly Zone, est une autre chose, qui concerne évidemment l’USAF et l’U.S. Navy. Pour le Pentagone, en effet, il ne fait aucun doute que, s’il y a une No Fly Zone en Libye, ce sont les USA qui se chargeront de la faire respecter. La compétition pour savoir qui disposera de cet honneur et de cette affirmation de puissance se fait essentiellement entre les deux services spécialisés dans cette sorte de mission, l’USAF et la Navy, qui en débattent comme si le reste du monde (ROW) n’avait qu’à attendre le résultat de ces délibérations. Ainsi l’unilatéralisme psychologique US développe-t-il son raisonnement, donnant ainsi une réponse de plus à la question de David Oborne sur la capacité des USA à “accepter gracieusement” de ne plus jouer le rôle impérieux de la puissance absolument dominatrice et devant laquelle tous les autres s’inclinent («The great question is whether America will take its diminished status gracefully, or whether it will lash out, as empires in trouble are historically prone to do»).
Voyons maintenant ce qu’en pensent l’USAF et la Navy, et l’on se doute que leurs pensées ne rencontrent certainement pas la suggestion implicite du chroniqueur britannique.
• Le 1er mars 2011, sur le site Ares d’Aviation Week & Space Technology, David A. Fulghum rapporte les vaticinations de l’USAF sur la possibilité, pour elle-même, d’assurer cette mission de No Fly Zone. En effet, juge l’USAF, ou une de ses courroies de transmission officieuses (un ancien chef d’état-major de cette même USAF), la Navy ne pourra remplir cette tâche parce qu’elle ne peut, contrairement à l’USAF bien entendu, être partout à la fois («U.S. aircraft carriers are moving to the Western Mediterranean, but operations in Afghanistan will not permit them to maintain a long-term no-fly zone over Libya. That task would fall to the Air Force, he says.»). Le très grand intérêt de l’USAF dans cette affaire concerne la démonstration de la valeur de l’avion de combat F-22.
«If the U.S. decides to establish a no-fly zone over Libya, the effort could be led by F-22s in their first combat assignment. The F-22 and some cyberoperations would be employed in shutting down Libya’s air defense system which is comprised “almost exclusively” of Russian-built SA-6 surface-to-air missiles, says a former Air Force chief of staff… […]
»A likely scenario would have shorter-range fighters flying out of Egypt, using facilities like Cairo West where multi-national Bright Star exercises are conducted. “We have a great relationship with the Egyptian air force and army and they are the ones in charge of the country,” the veteran fighter pilot says. They will not operate from bases in Libya occupied by insurgents because of the danger of shoulder-fired missiles, anti-U.S. protests and sabotage.
»Larger aircraft, such as tankers, E-8 Joint Stars and E-3 AWACS could operate from Oman, Tunisia or Qatar to establish orbits off Libya’s shores. The establishment of a no-fly zone would require “a massive SAM roll-back effort, like that imposed on Iraq [during the Northern and Southern Watch operations after the first Iraq conflict in 1991],” the former Air Force official says. “Every time the Iraqis turned on a radar, we hosed them.”…»
• L’U.S. Navy n’a pas perdu une seconde pour affirmer, de son côté, sa capacité évidente à assurer, seule, le fonctionnement efficace, sinon irrésistible d’une No Fly Zone. C’est le chef d’état-major de la Navy (CNO), l’amiral Gary Roughead, qui l’a dit à la presse, le 1er mars 2011 (sur DoDBuzz).
«Chief of Naval Operations Adm. Gary Roughead said today that the Navy is prepared to help implement a no-fly zone over Libya should the order come. “The capability that we have on our aircraft carriers, they can perform that function, they can perform a variety of functions,” said Chief of Naval Operations Adm. Gary Roughead when asked by reporters if the Navy would enforce a no fly zone over Libya after a House Armed Services Committee hearing. “We’re ready to perform any taskings we might receive.”
»Roughead’s words come as the aircraft carrier USS Enterprise and amphibious assault ship USS Kearsarge are standing by in the nearby Red Sea and Mediterranean. […] “We have 20 ships in the Central Command area of operations today, we have eight in the Mediterranean and I’m not going to get into any speculation for how we will be using them.”»
Rien de très nouveau sous le soleil. Les deux services s’intéressent avec passion à la mythique No Fly Zone, d’abord pour des raisons de politique bureaucratique interne. Du côté de l’USAF, il s’agit de démontrer une capacité et, notamment, de réhabiliter le chasseur F-22 abandonné il y a deux ans au 187ème exemplaire. Pour la Navy, il s’agit de démontrer qu’il n’y a pas de meilleur instrument de projection de force que le porte-avions, bien que son prix actuel (pour les grands porte-avions d’attaque) soit évalué à $15 milliards. Dans ces cas, on comprend que les questions de la crise libyenne et de la chaîne crisique, du sort des Libyens et des opérations en cours dans ce pays, sont assez secondaires.
Mis en ligne le 3 mars 2011 à 05H39