Dogfight pour une No Fly Zone (III – OTAN)

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…Et, bien entendu, l’OTAN devait juger que cela fait partie de ses affaires ; car l’OTAN papote ferme à propos de la No Fly Zone en Libye. Une dépêche AFP, relayée par RAW Story le 2 mars 2011 nous apprend que “les alliés de l’OTAN débattent de l’option militaire en Libye”.

On a déjà vu (dans ce texte de ce 3 mars 2011) que l’un de ces alliés avait pris attitude, et sans ambages, – le Turc Erdogan : «This would be absurd, NATO has no business being there. We are opposed to such a scenario. Such an eventuality is unthinkable.» Les Français, sous la direction nouvelle et presque autonome d’Alain Juppé qui nous change de Kouchner, ne sont pas si loin de cette position. L’idée même d’une réunion de l’OTAN dans le genre sommet sur cette question rencontre leur “réticence”, ce qui n’est pas loin, avec des mots moins abrupts, de ce que dit Erdogan. Bien entendu, Turquie et France ne sont pas les seuls pays dans cette position.

La dépêche AFP commence d’ailleurs par une affirmation qui reflète une certaine confusion, – «The United States and Britain have raised the possibility of creating a no-fly zone to prevent Kadhafi from launching air raids on his people, with London claiming that a UN mandate was not necessarily needed»… On sait en effet que, parallèlement, les USA, ou bien est-ce une partie de l’administration Obama, ont fait savoir que l’idée d’une No Fly Zone n'était pas d'actualité pour l'instant ; et les Britanniques, en la personne de Cameron, ont nettement fait machine arrière là-dessus.

La dépêche décrit l’agitation qui parcourt les couloir de l’OTAN à Evere à propos de cette excitante question de l’intervention militaire en Libye.

«A NATO diplomat said allies were making contingency plans in case the UN asks the alliance to act in Libya.

»As Kadhafi's forces launched raids against the opposition, with warplanes reportedly launching air strikes in two eastern towns, NATO's decision-making body, the North Atlantic Council, met in Brussels. Ambassadors “discussed the fast-moving situation in Libya” and expressed “great concern about continued violence and also about the serious humanitarian situation,” NATO deputy spokeswoman Carmen Romero told AFP. “The alliance continues to actively monitor events in that country,” she said. NATO Secretary General Anders Fogh Rasmussen continues to consult with international partners “in order to be prepared to assist in any eventuality if requested to do so,” she said, refusing to elaborate.

»US Defence Secretary Robert Gates has acknowledged that there was no unanimity within NATO for the use of force…»

Notre commentaire

Il était inévitable que l’OTAN se préoccupât de l’affaire libyenne. Par nature, dirait-on, l’OTAN est impérativement intéressée à tout ce qui concerne la sécurité dans le monde, – par nature outrageusement amplifiée, ajouterait-on, par la constante pression bureaucratique. D’un point de vue légal et politique, certes, le Premier ministre turc a raison («NATO has no business being there»), et sans doute aurait-il dit la même chose, si les affaires du monde avaient été dans la situation où elles sont aujourd’hui, et si la Turquie avait déjà évolué comme elle l’a fait, lorsqu’on décida de l’intervention de l’OTAN en Afghanistan. Quelles que soient les dispositions légales exceptionnelles qu’on peut forcer pour telle ou telle occurrence, c’est l’esprit des choses qui compte. Lors de la décision concernant l’Afghanistan, la domination US était encore incontestable auprès de ses divers partenaires, et l’on pouvait forcer dans le sens de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan ; aujourd’hui, les choses et l’esprit des choses sont très différents ; un débat également forcé sur l’engagement de l’OTAN en Libye serait infiniment plus houleux et pourrait se terminer par des ruptures spectaculaires.

Au reste, l’OTAN n’est nullement désirée dans un éventuel rôle libyen. Nombre de ses membres rechignent, et même la déclaration de Gates est ambiguë puisque les USA eux-mêmes ont une position très incertaine sur la No Fly Zone, bien dans la manière de l’administration Obama, qui dit “peut-être” puis “non, pas pour l’instant” à Washington, et qui dit sans doute différemment à Evere, au siège de l’OTAN, et qui chuchote “oui” lorsque le Pentagone se mêle d’en parler. Enfin, il y a la position des pays arabes, avec les décisions prises par la Ligue Arabe. Que vaut le brillant raisonnement de cet ex-chef d’état-major de l’USAF, décrivant ce que serait une intervention de l’USAF pour établir cette No Fly Zone : «A likely scenario would have shorter-range fighters flying out of Egypt, using facilities like Cairo West where multi-national Bright Star exercises are conducted. “We have a great relationship with the Egyptian air force and army and they are the ones in charge of the country”…» ? En vérité, que resterait-il de cet enthousiasme et de ces “relations exceptionnelles” avec les Egyptiens si ces mêmes Egyptiens, comme c’est probable, suivaient la position prise par la Ligue Arabe de n’accepter aucune intervention “étrangère” en Libye, c’est-à-dire principalement des USA ? C’est que les choses changent, dans la région.

Mais l’OTAN, c’est-à-dire le système bureaucratique, n’a cure de tout cela. Il fait ce pour quoi on l’a fabriqué : le maximalisme en toutes choses, comme un buffle qui charge, sans se préoccuper de ce qu’il piétine et de ce qu’il bouscule ; et le maximalisme, c’est l’intervention partout, toujours, dans tous les sens, même si les moyens des membres ne cessent de se rétrécir comme peau de chagrin, même si ces projets d’intervention ne débouchent souvent sur rien ou débouchent sur des catastrophes. Comme il est normal pour un système qui se réfère à l’“idéal de puissance” et au technologisme, et pour une bureaucratie qui ne trouve sa justification que dans elle-même et dans son expansion, l’OTAN poursuit, toujours dans le même sens. L’aventure libyenne montre simplement que cette poussée sans nuance et sans préoccupation se heurte à des obstacles grandissants, à l’intérieur de l’Organisation autant qu’à l’extérieur, et qu’elle est et sera de plus en plus le moteur de crises internes et de menaces contre sa cohésion… D’où l’utilité des crises, certes.


Mis en ligne le 3 mars 2011 à 11H34