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769• Alexander Douguine, le philosophe russe, fait très grand cas de Donald Trump comme instrument du passage dans une nouvelle époque. • D’où son analyse du discours de Trump au Congrès.
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9 mars 2025 (16h30) – Donald Trump a donné (la semaine dernière) devant le Congrès le message annuel du président “sur l’état de la Nation”. Il fut inhabituellement long (près d’une heure et demie, le double de la moyenne des présidents dans cet exercice habituellement très conformiste). Le philosophe russe Alexander Douguine, qui considère Trump comme un “signe des Temps”, juge cette intervention comme particulièrement importante. Il nous semble important, à nous, de lire son argument.
Douguine suit Trump de près depuis son élection, ne cachant ni son enthousiasme raisonné, ni son jugement métahistorique, – moins pour l’homme nous semble-t-il que pour ce que son action traduit par rapport à “l’Événement” en cours (« Trump comme Événement Primordial »). Plus que jamais Douguine juge que Trump est l’homme du “Quatrième Tournant” (« Fourth Turning »), selon la thèse de William Strauss et de Nell Howe qui constitue une interprétation sur le temps court des conceptions cycliques primordiales (Guénon, bien sûr).
Le 7 janvier, Douguine disposait déjà sa thèse métaphysique sur le nouveau président des USA, ou métapolitique, en s’interrogeant sur le degré de conscience de Trump d’être ce qu’il est :
» En juxtaposant des cycles relativement courts comme le saeculum et les Turnings aux vastes saisons de l'histoire (comme la Tradition, la Modernité, la Postmodernité), nous concluons que Trump signifie la fin d'une époque majeure, – la fin du monde moderne.
» Cela marque également la fin de la modernité occidentale. Le postmodernisme sert de fondement philosophique à la culture woke et au mondialisme libéral, révélant le nihilisme inhérent à la modernité occidentale. C'est le point culminant des fins, la fin de l'histoire occidentale.
» Trump finalise cette fin, symbolisant la fin de la fin. Cependant, la question demeure: est-il conscient de sa mission ? Peut-il initier un nouveau départ ? Le prochain sommet (haute période, hauts temps) ne peut être quelque chose de relatif, de limité ou de local. Le prochain tournant doit être une révolution conservatrice globale à l'échelle mondiale. »
Nous présentons ce commentaire de Douguine d’un point de vue volontairement extrêmement neutre, sans aucune approche critique de notre part. Nous pensons que c’est à chacun de faire ses comptes et de s’y retrouver, et éventuellement y trouver matière à éclairage de l’esprit et à rafraîchissement du jugement. Nous conseillerions simplement de ne pas trop apprécier ce jugement en fonction de tel ou tel événement du jour, qui est souvent, pour nombre d’entre nous, telle ou telle humeur du jour. Les événements sont si pressants, si pesants, si formidables, qu’ils nous mettent à tous les nerfs à fleur de peau. Nos commentaires en souffrent.
On note tout de même cette remarque qui fait de la guerre en Ukraine, pour Douguine, un marquoir métaphysique fondamental. Il s’agit de la marque, dans la géopolitique brutale de la guerre, d’un pont extrêmement violent entre deux époques, comme d’un accouchement dans les douleurs les plus intenses mais c’est parfois pas plus mal.
La remarque dit ceci :
« C'’est une guerre qui, du point de vue de la nouvelle philosophie de Trump, a été lancée durant “l'ère de la crise”, et puisque l’“âge d'or” commence, elle doit prendre fin. »
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Le discours de Trump au Congrès des États-Unis d’Amérique comporte un certain nombre de points sémantiques très importants. Il a commencé par dire que l’Amérique revenait : en fait, il a qualifié le nouvel état des États-Unis d’Amérique d’« âge d’or », le retour du rêve américain. Et cela en soi est très important, car il est lié à la théorie du changement générationnel, ou cycles de Strauss-Howe.
Trump a une fois de plus souligné qu’il se trouve dans ce paradigme. Le prochain cycle touche à sa fin, ce qu’on appelle le « quatrième tournant de la crise », que Trump et les trumpistes associent au règne de Biden et au libéralisme en général au cours des dernières décennies. Une ère complètement nouvelle commence, qui est décrite comme le « premier tournant » du prochain cycle de 85 ans, l’« âge d’or », la mobilisation, la consolidation de la société et un bond en avant.
En fait, la thèse « l’Amérique revient » a une profonde validité philosophique dans la théorie du changement générationnel et de la fin du cycle de 85 ans précédent. Tout reste dans le passé, toute l'époque précédente, en particulier le dernier quart de siècle, qui est complètement abandonnée. Et c'est un point très sérieux et fondamental de la philosophie de Trump.
Deuxièmement. La politique économique et les tarifs douaniers. Trump a annoncé un recours systématique à une stratégie politique et économique mercantiliste. C'est-à-dire que la balance commerciale doit être strictement nulle. Si certains pays imposent des tarifs plus élevés que les États-Unis à leur égard, il faut corriger cela. En fait, Trump a annoncé dans quels domaines la politique tarifaire sera modifiée à l'égard de l'Union européenne, de la Chine, du Brésil, de l'Inde, du Mexique et du Canada. Là où les tarifs sur les produits américains dépassent les tarifs des États-Unis eux-mêmes sur leurs produits. C'est du mercantilisme classique. Ce n'est pas un geste aléatoire, mais une partie d'une idéologie particulière et d'une stratégie cohérente.
Le point suivant est l'immigration. Trump n'a rien dit de nouveau ici. De plus, l'immigration ne nécessite pas de nouvelles initiatives législatives, mais simplement un nouveau président capable de mettre en œuvre les règles existantes concernant l'immigration légale et illégale. Tout ce qu'il faut, c'est une volonté politique.
Plus loin. La purge du gouvernement fédéral. Trump a remercié Musk et son Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE). Les républicains ont accueilli Musk avec une ovation tonitruante et Trump a soutenu son idée de réduire encore les dépenses inutiles de l'État et de ses diverses agences. Et cette politique se poursuivra.
Cinquièmement. Changements dans la politique étrangère. Trump a également fait ici un certain nombre de remarques importantes. Il a déclaré qu'après le scandale obscène de Vladimir Zelenski dans le bureau ovale, la politique envers l'Ukraine allait changer. Dans le même temps, il a souligné que la Russie était prête à un accord de paix. En d'autres termes, il a continué son idée que cette guerre devait être terminée, car ce n'était pas sa guerre. C'est une guerre qui, du point de vue de la nouvelle philosophie de Trump, a été lancée durant « l'ère de la crise », et puisque l'« âge d'or » commence, elle doit prendre fin.
Aspects culturels et sociaux. Trump a une fois de plus souligné sa volonté inébranlable de réduire et d'abolir l'agenda libéral, de rejeter DEI, Woke, les droits des transgenres et le mondialisme. Trump a proposé de tout clore et de passer à l’affirmation des valeurs traditionnelles américaines. En fait, il l’a déjà proclamé auparavant, mais aujourd’hui il l’a souligné encore plus clairement et durement.
Septièmement. Le projet d’un nouveau décret, qui devrait refléter tous les points principaux nécessitant un financement (renforcement des frontières, système de sécurité – un « Golden Dome » au-dessus de l’Amérique) et la poursuite des baisses d’impôts. Cela a déjà commencé en 2017. Mais cette fois, curieusement, Trump n’a plus fait appel à l’ensemble du Congrès, mais seulement aux républicains – Mike Johnson, qui est le président de la Chambre des représentants, et au chef de la majorité républicaine du Sénat, John Thune, pour qu’ils préparent et mettent en œuvre de nouvelles réglementations, sans plus prêter attention à l’opposition.
Bien sûr, les démocrates ont réagi avec horreur à ce discours, tandis que les républicains l’ont accueilli avec une ovation. Et de tout cela, nous pouvons conclure que Trump avance, qu’il continue d’affirmer sa nouvelle philosophie politique, qui est en opposition directe avec la philosophie politique des libéraux de gauche, les démocrates, qui ont gouverné les États-Unis à l’étape précédente. C’est la nouvelle Amérique, qui prend des formes juridiques et idéologiques distinctes. Cela doit être pris très au sérieux. Et il est symbolique que Trump ait expulsé le député démocrate Al Green de la salle pour son comportement déplaisant.
En fait, la montée du trumpisme se poursuit aux États-Unis. Et malheur aux perdants – ceux qui ont gouverné à l’étape précédente, qui ont établi le contexte, les récits stratégiques de base de la politique mondiale américaine. Maintenant, ils se trouvent dans un état d’opposition, ou peut-être sont-ils simplement sujets à liquidation ou à annulation. Tout comme les libéraux ont aboli Trump et ses partisans conservateurs, les conservateurs abolissent les libéraux.
En conclusion, je voudrais ajouter que j'espère que cette annulation sera cohérente et aboutira à un succès total. Car il est vraiment temps d'abolir les libéraux à l'échelle mondiale. Aux États-Unis, cette question vient tout juste d'être réglée, mais dans notre pays, elle s'est produite bien plus tôt, très bien en avance et très correctement.