Drone pour drone, – aux dépens d’Israël

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Drone pour drone, – aux dépens d’Israël

Il était évidemment intéressant d’aussitôt comparer les commentaires significatifs iraniens et israéliens après la destruction d’un UAV (drone) de surveillance au-dessus d’Israël. L’engin, configuré en hélicoptère autoguidé de surveillance de grandes dimensions, a pu opérer pendant une demi-heure au-dessus d’Israël, le 6 octobre au matin, avant d’être abattu. Il a notamment survolé la ville de Beersheba et la base de la Force Aérienne Israélienne de Nevatim, dans les territoires occupés, et sans doute intercepté diverses communications de grande importance stratégique. Par “commentaires significatifs”, nous entendons, pour notre compte, ceux de PressTV.com pour l’Iran, ceux de DEBKAFiles pour Israël. Ils sont effectivement significatifs parce qu’ils concordent sur l’essentiel : à savoir qu’il s’agit d’une sérieuse défaite d’Israël, pris par surprise ou incapable de réagir plus vite, c’est selon. Les hypothèses concernant l’UAV vont prioritairement à un engin iranien, opéré par l’Iran lui-même, ou, d’une façon plus générale, par le Hezbollah à partir du Liban.

PressTV.com décrivait, le 7 octobre 2012, ce qui était apprécié comme un “fiasco de la sécurité israélienne”. (Il faut noter que PressTV.com donnait aussi, le même 7 octobre 2012, une interview d’un ancien général libanais, Hisham Jaber, estimant qu’il s’agit d’un UAV US, lancé d’un porte-avions US dans la Mer d’Oman, en mission d’espionnage d’Israël.)

«Security analysts say the incident indicates that the Israeli military is incapable of handling a surprise attack despite the numerous military maneuvers regularly conducted by the regime. Intelligence experts contend that the interloper should have been intercepted from the Mediterranean as it entered the skies of the Gaza Strip, before it was shot down over the Yatir forest south of Hebron. […] The observers note that the long-delayed reaction of Israel’s Air Force has provided the surveillance equipment of the UAV with enough time to transmit intelligence data – probably the electronic signatures of US and Israeli military installations in the South and the Negev – to its unidentified control base…»

• Les réactions de DEBKAFiles sont évidemment intéressantes à suivre pour évaluer le sens et les péripéties de l’incident. Le 6 octobre 2012, DEBKAFiles décrit esentiellement l’aspect technique de l’incident («DEBKAfile’s military sources report exclusively that for 30 minutes, as the helicopter flew over southern Israel, control swung back and forth between Israeli cyber operators and unknown agents. The battle was finally resolved by an Israel decision to scramble four F-16 fighters to shoot the trespasser down, the while Israeli cyber experts tried to identify its satellite controller.») A ce moment la version est que l’UAV a été lancé par le Hamas, avec le soutien du Hezbollah et celui, plus général, de l’Iran, dans le cadre d’“exercices militaires”. Le 7 octobre 2012, l’affaire est présentée comme un “acte de belligérance” de l’Iran principalement, avec le Hezbollah et l’aide du Hamas comme “opérateurs”, contre Israël et les USA en fonction des renseignements recueillis par l’engin ; surtout, il s’agit d’une considérable défaite de défense électronique d’Israël. («This was a major lapse», «If the intruder came to spot the gaps in that shield, it would have succeeded».) Sur ce dernier point essentiel, DEBKAFiles rejoint PressTV.com.

«However Israeli official spokesmen present the incident of Saturday, Oct. 6, the penetration of Israeli air space by a large unmanned helicopter should not have been allowed to happen. The surprise interloper should have been shot down before spending nearly half an hour over southern Israel. The incident showed ID intelligence and command not up to handling enemy surprises, even after countless drills and exercises. […] Our intelligence experts note that before the Israeli Air Force fighters scrambled to shoot it down, the intruder would have had enough time for its surveillance equipment to beam to its Iranian control station, wherever it was, the electronic signatures of US and Israeli military installations within its purview in the South and the Negev. […]

»The alien aircraft should have been intercepted the moment it flew in from the Mediterranean and entered the skies of the Gaza Strip. By then, it was clearly seen heading toward Beersheba. Had there been weapons aboard, the incident would have ended in a worse disaster, reminding Israel of its worst nightmare: an Iranian plane flying over with a nuclear bomb. As it is, the sophisticated aerial surveillance vehicle was able to cover the space over the IDF’s southern facilities, the town of Beersheba and the Israeli Air Force base at Nevatim before it was shot down over the Yatir forest south of Mt. Hebron. Its primary missions may have been to record the electronic signatures of the Dimona nuclear reactor’s air defense systems and the American X-band radar station in the Negev, which is linked to the US X-band station in Turkey. Together, they are the “forward eyes” of the joint US-Israeli shield against Iranian ballistic missile attack.»

Comme toujours “d’une certaine façon” mais d’une façon incontestable, les deux sources que nous consultons principalement, adversaires sans retour, ont intérêt à avancer la même version d’un échec israélien : les Iraniens, pour mettre en évidence les capacités technologiques de l’Iran et donc le renforcement militaire de ce pays face aux pressions et menaces du bloc BAO, DEBKAFiles pour pousser comme toujours à une attaque de l’Iran, adversaire de plus en plus dangereux, désormais capable comme la démonstration en a été faite de pénétrer dans l’espace aérien israélien en toute impunité, éventuellement armé d’on se doute bien quoi… («[…R]eminding Israel of its worst nightmare: an Iranian plane flying over with a nuclear bomb.»)

Cela admis comme élément pondérateur, il reste les faits avérés, sur lesquels les deux parties extrêmes sont d’accord et qui rencontrent la version factuelle officielle. Il est avéré qu’un UAV de reconnaissance a pu opérer pendant une demi-heure directement dans l’espace aérien de sécurité d’Israël avant d’être abattu, et cela selon des circonstances fautives de coordination et de décision par rapport aux moyens et aux exigences de sécurité d’Israël. Pour Israël, en effet, les capacités de haute technologie d’une part, les capacités de réaction ultra-rapide d’autre part, sont une nécessité stratégique impérative. C’est cela qu’on retiendra, – une faiblesse d’Israël dans ces deux domaines, – pour former un jugement général sur l’incident.

Pour les Iraniens, l’incident doit être exploité dans deux champs. Principalement, le champ des capacités technologique, dans des circonstances extrêmement défavorables pour ce pays (sanctions, embargo, guerre secrète USA-UK-Israël contre l’Iran), s’avère avoir été développé d’une façon remarquable, qui donne du crédit aux déclarations dans ce sens des dirigeants et surtout des chefs militaires iraniens. Bien évidemment, les Iraniens confirment indirectement certains aspects de l’incident du RQ-170 de la CIA, d’il y a presque un an : à la fois, leurs capacités de maniement et d’intervention dans le champ de l’électronique de guerre, à la fois les informations et les capacités qu’ils auraient pu retirer de la capture du RQ-170. (Pour ce qui concerne l’affaire du RQ-170, voir notamment le 7 décembre 2011, le 12 décembre 2011, le 14 décembre 2011, le 23 décembre 2011.)

Il est possible, sinon probable, que des détails inédits sur cet incident vont être diffusés, sinon des versions inédites, et dans des sens divers. A notre sens, il reste l’effet d’impact initial, largement substantivé par des commentaires sérieux et significatifs, parce que substantivés, comme on a pu le voir. Cet effet initial est la perception générale que l’Iran dispose bien de capacités technologiques opérationnelles remarquables, qui tendent à concurrencer directement les capacités du bloc BAO (USA et Israël principalement), dans un domaine qui lui semblait jusqu’alors exclusif. Dans ce jugement, le fait de l’opérationnalité est remarquable et représente le point le plus important, car il y a un grand pas à faire entre la disposition de technologies avancées et leur mise en œuvre opérationnelle d’une façon avantageuse dans les environnements de grande tension que représentent les champs de bataille indirects et implicites que nous connaissons aujourd’hui. Cette capacité d’opérationnalité de la part des Iraniens est encore plus mise en évidence si l’appréciation initiale et jusqu’ici acceptée que l’UAV a été utilisé par le Hezbollah et Hamas est prise en compte. Ce dernier point signifie que des “organisation non-gouvernementales” (ONG !) dans le domaine de la sécurité sont capables de manier des systèmes de haute technologie contre des États à la structure particulièrement puissante à cet égard. C’est une “première” notable, sinon remarquable et même révolutionnaire, dans l’évolution de ce qu’on définit en général comme la “guerre de la quatrième génération”. (Voir divers textes sur ce thème de la G4G, notamment le 23 janvier 2009, le 12 janvier 2010, le 20 janvier 2012, etc.)


Mis en ligne le 8 octobre 2012 à 06H14