Du combien intéressant J.P Dupuy

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Du combien intéressant J.P Dupuy

« Mon travail en philosophie et en éthique des sciences m'a conduit à illustrer ce point fondamental sur ces technologies avancées dont on nous annonce la «convergence» .les nanotechnologies, qui manipulent la matière à l'échelle moléculaire et atomique, les biotechnoloeies, les technologies de l'information et les sciences cognitives. Je me suis intéressé au soubassement métaphysique et aux implications éthiques de ce nouveau paradigme à la mode qui attire sur lui des milliards de dollars et fait déjà l' objet d'une concurrence féroce à l'échelle mondiale, d'ordre scientifique et technologique, mais aussi industriel et militaire.

»Avec les nanobiotechnologies, l'homme prend la relève des processus biologiques, il participe à la fabrication de la vie. Or celui qui veut fabriquer – en fait, créer – de la vie ne peut pas ne pas viser à reproduire sa capacité essentielle, qui est de créer à son tour du radicalement nouveau. Un visionnaire influent du domaine, Kevin Kelly, a eu ce mot : “II nous a fallu longtemps pour comprendre que la puissance d'une technique était proportionnelle à son ‘incontrôlabilité’ [out-of-controlness] intrinsèque, à sa capacité à nous surprendre en engendrant de l'inédit. En vérité, si nous n'éprouvons pas de l'inquiétude devant une technique, c'est qu'elle n'est pas assez révolutionnaire.” Le “nano-rêve” étant en dernière instance de déclencher dans la nature des processus complexes irréversibles, l'ingénieur de demain ne sera pas un apprenti sorcier par négligence ou incompétence, mais par dessein (design). Le vrai design, aujourd'hui, n'est pas la maîtrise, mais son contraire.

[…]

»L'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne s'est donné pour mission “d'accélérer et d'accroître la contribution de l'énergie atomique à la paix, à la santé et à la prospérité dans le monde entier”. Dieu nous en préserve. Nous avons plus à craindre aujourd'hui les industriels du bien que les méchants. Illich voyait dans toutes ces “cléricatures” qui se fixent pour mission de produire le salut des gens malgré eux – que ce salut se nomme “santé”, “mobilité”, “éducation” ou “information” – la marque de la cléricature qui les aengendrées toutes : l'Église. Il ne craignait pas d'inverser la définition du diable que Goethe donne dans Faust : Méphistophélès, une part de cette force qui veut toujours le bien et fait toujours le mal.

»La thèse illichienne que le mal s'autonomise par rapport aux intentions de ceux qui le commettent résonne fortement avec les analyses d'Anders et d'Arendt méditant respectivement sur Hiroshima et Auschwitz. Le scandale qui n'a pas fini de bouleverser les catégories qui nous servent encore à juger le monde, c'est qu'un mal immense puisse être causé par une absence de malignité ; qu'une responsabilité monstrueuse puisse aller de pair avec une absence d'intentions mauvaises.»

(La marque du sacré, 2008.)

L' “‘empoignade” de l'auteur (c'est son mot) avec René Girard, sa passionnante lecture de Günter Anders, sa reprise personnelle de louis Dumont, les raisons de lire ce livre sont multiples et fortes.

Bien que je n'ai pas suffisamment médité le sujet (Si tant est que ce me soit possible) il me semble qu'il y a là des éléments qui permettraient de définir le virtualisme comme tentative, vouée à l'échec, d'industrialiser l'auto-transcendance des sociétés. (Ouf !)

De même une interprétation “girardienne” de l'émergence des systèmes qualifiés d' “anthropotechniques” sur ce site paraît possible sur la base des notions proposées.

Aux fanatiques de la gratuité , et parmi eux aux cinéphiles plus particulièrement: le chapitre singulier consacré à une interprétation vertigineuse du Vertigo d'Alfred Hitchcock justifierait à lui seul et l'achat et la lecture. (8 €00 en format de poche, 2010.)

GEO