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21 août 2004 — Les Occidentaux semblent engagés dans une course folle dont la règle est : qui parviendra à faire plus bête ? Les Américains ont une belle avance mais les Européens, avec l’outsider Barroso, nouveau président de la Commission qui arrive à s’imposer dans la course avant même d’être en charge, s’annoncent excellents et ils pourraient remonter leur retard.
Voyons cet intéressant challenge, comme disent nos commentateurs de la presse libre occidentale.
• Dans un article publié aujourd’hui dans le Herald Tribune, William Pfaff nous explique qu’en Irak, la politique se décide au niveau des chefs d’unités du Marine Corps, et encore au niveau du régiment. Parlant de l’attaque de Falloujah (avril) aussi bien que de celle de Najaf (août), Pfaff écrit : « The New York Times reported this week that two of the most sensitive recent U.S. decisions in Iraq were taken by regimental-level Marine Corps officers without consulting either Washington or senior officials, Iraqi or American, in Baghdad. » Comme on pouvait le lire dans un texte que nous publiions le 9 avril dernier, ces révélations sur l’autonomie des décisions des militaires n’ont rien pour étonner. (Nous disons bien “autonomie” et non “insubordination” des militaires car il semble bien qu’il n’y ait aucun ordre dans aucun sens, que le désordre existe de toutes les façons et à tous les échelons.)
« Who is in charge in Iraq, if military initiatives of the highest political sensitivity are being left to gung-ho Marine commanders, with a career interest in demonstrating how much tougher the Marines are than the army units they replace?
» Why then is Ambassador John Negroponte in Iraq? He is now building up what is to become a 3,000-person U.S. mission to a nominally sovereign Iraq, whose new interim government is supposed to be taking political control of the country.
» It is reported that when the shooting started between the Marines and the Mahdi army, and Negroponte was informed that Sadr was summoning help, he “decided to pursue the case” — apparently meaning that he backed what the Marines had started, leading to the present stand-off in Najaf. »
• Lorsque Pfaff, qui mesure ses écrits, écrit que tel acte (l’attaque de Najaf par chars, avions, missiles et le reste) « défie la raison », vous pouvez être sûrs que vous êtes en présence de ce qu’on pourrait observer avec une prudence de biologiste examinant l’infiniment petit comme étant une sottise de dimension himalayenne. Il se trouve que nous en sommes désormais coutumiers. La situation en Irak est donc à ce point désespérante de sottise absolue, ayant à son service une force brutale et cruelle. Étrange situation. Lisons encore Pfaff nous dire qu’il n’y a plus qu’une solution pour les Américains : partir, et vite, très vite fait.
« This lack of political supervision of the Marines, and the responsibility of both Bremer and Negroponte in these confrontations, adds to an American record in Iraq that has displayed a persistent lack of common sense. The pursuit of Sadr has so far proved a political and military disaster. A policy of attacking large cities with armor, artillery and airpower in order to seize individuals defies reason.
» The fundamental question in Iraq is whether the United States should simply get out, cutting its losses now. There are many Americans who believe that, including this writer. But neither the Bush government nor the Kerry campaign wants to contemplate so enormous and desperate an act of common sense.
» The only chance of minimizing current costs is to do everything possible to lend legitimacy to the interim government and its chaotically formed new National Assembly. This means, above all, allowing it, and not the U.S. Marines, to run the country and to make the important security decisions. »
• … Et c’est le moment que choisit le nouveau Président de service pour proclamer : mais non, nous Européens, il faut y aller, il faut aider les Américains à remuer encore plus leurs pieds dans ce bourbier sanglant. Voilà, qui se découvre avant que d’exister, le fin politique qui est à la tête de la Commission européenne. Barroso ne conseille pas explicitement d’envoyer des troupes européennes en Irak, — d’ailleurs qui, en Europe, le peut, à part la France, seule réelle puissance militaire sérieuse du continent, qui ne veut pas entendre parler d’une telle idée ? Mais la formulation de la déclaration de Barroso est et sera évidemment entendue de cette façon là où cela compte, c’est-à-dire dans le désordre de Washington D.C. L’objet de ce commentaire se trouve dans la plus récente déclaration du président de la Commission : « European governments should put divisions over Iraq behind them and help the United States restore order there, the European Union's incoming chief executive, José Manuel Barroso, said in an interview published Friday. “Some people in Europe may think that it is good that things are going badly for the U.S.,” Barroso said. “I really think that is an irrational and a bad policy.” »
• La catégorie des Européens “atlantistes”, la catégorie vertueuse la plus active ces derniers temps, jubile parce qu’elle juge avoir trouvé “son homme”. Nous partageons cette jubilation car, avec Barroso, 1) nous n’allons pas nous ennuyer à la Commission, et 2) la démonstration catastrophique va être très vite faite de l’incompatibilité des liens entre Europe et USA, tels que Barroso, Blair et compagnie voudraient les établir. Cette déclaration de Barroso conduira évidemment les principaux pays-membres, quelle que soit leur position officielle, à le regarder comme un redoutable irresponsable. Personne ne veut aider les USA de la façon dont on l’imagine (envoi de forces) en Irak parce que la seule façon de les aider vraiment aujourd’hui est de leur donner le conseil que leur donne Pfaff. Réveiller cette idée d’une action européenne en Irak alors que l’Irak est en train d’exploser, c’est risquer de relancer de nouvelles pressions US sur l’Europe pour l’envoi de forces en Irak, alors que les Européens (ceux qui s’y trouvent) songent seulement à s’en retirer.
• Le plus jubilatoire dans cette déclaration est que, sans doute, tout en satisfaisant par renvoi d’ascenseur ses amitiés transatlantiques, Barroso a voulu bien faire et compte bien figurer également comme un bon Européen. En effet, il complète son argument d’aide européenne à l’Irak “américanisé” de l’affirmation que, pour autant, il est temps que l’Europe soit considérée à égalité avec les USA, ce qui fera bondir, cette fois du côté de Washington. Même un atlantiste et un médiocre de la trempe de Barroso est pris dans le piège de la démagogie, et doit prétendre, malgré tout, exister en tant qu’Européen. En face, à Washington D.C., il n’en est pas question, et les exigences des Américains ne cesseront d’augmenter, à mesure de leur croyance d’avoir à Bruxelles, à la tête de la Commission, un ami qui leur cédera sur tout ; c’est vrai qu’ils ont un ami à Bruxelles mais il ne pourra pas leur céder sur tout parce qu’il sera tenu par les pays-membres, le Parlement et l’opinion publique de tenir certaines positions européennes. Les contorsions de Barroso nous conduiront ainsi très vite à l’affrontement.
« In the interview with the European papers, Barroso said Europeans should “leave behind our disagreements on Iraq” and ”give a positive, strong contribution to the Iraqi problem.”
» He said he wanted to see a “good, close, cooperative” relationship with the United States. “It is in our interest to work with them, but it is also in the interest of the world,” he said. But, he added, “I don't like to see the EU in a secondary position. Partnership needs respect and that works both ways.” »