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1824Les derniers évènements de la guerre en Syrie, – guerre civile, guerre hybride, guerre du terrorisme, guerre de déstructuration totale selon ce qu’on y voit et qui la voit, – décrivent un tournant important de la guerre. Opérationnellement, il s’agit de l’intervention victorieuse des forces syrienne, aidées par les forces russes, iraniennes et du Hezbollah, pour couper les approvisionnements turcs vers la région d’Alep et conduire la libération de cette zone. Désormais, une situation nouvelle doit s’installer, avec une alternative :
• La possibilité de l’extension considérable du conflit, notamment par le fait des acteurs déstructurants-dissolvants, c’est-à-dire les plus irresponsables, – Turquie et Arabie Saoudite essentiellement, – qui ne pourraient supporter de voir les manœuvres d’activation de ce conflit qu’ils déploient depuis plusieurs années réduites à néant. Ces “acteurs-déstructurants” sont bien entendu liés aux organisations terroristes diverses, qui constituent leurs pions et leurs outils dans certaines circonstances, qui sont elles-mêmes organisatrices et manipulatrices d’opérations fondamentalement déstructurantes et dissolvantes quand l’occasion s’en présente. (On les voit actuellement s'activer grandement pour intervenir contre les terroristes dans une opération qui aurait pour premier effet de tenter d'empêcher l'anéantissement des terroristes tel qu'il se profile : timing parfait, puisque c'est au moment où les terroristes sont en déroute du fait des Syriens et de leur alliés que Turcs et Saoudiens jugent nécessaires d'intervenir contre les terroristes.)
• ... Tout cela flotte dans l’argument religieux, littéralement à la fois mis à toutes les sauces et constituant toutes les sauces possibles et imaginables. On se contentera d’observer qu’il a “bon dos” et que, s’il existe effectivement, il constitue bien plus l’argument facile et la conséquence inéluctable de l’extrémisme nihiliste engendré par la déstructuration postmoderniste, qu’une cause fondamentale. Tout le monde qui est de la partie en profite : les extrémistes opérationnels eux-mêmes, les “acteurs-déstructurants” qui peuvent ainsi pratiquer leur jeu favori qui se nomme “double-jeu”, et enfin le Système lui-même qui peut se poser en victime du terrorisme qu’il inspire par simple logique contradictoire, qu’il nourrit parce que “les affaires sont les affaires” et qu’il croit ainsi manœuvrer habilement, et qu’il brandit triomphalement comme argument suprême pour sa propre postmodernité.
• L’autre terme du dilemme, c’est la voie vers le rétablissement fondamental de l’État syrien, si les “acteurs” cités plus haut reculent devant les risques considérables qu’impliqueraient leurs réactions. Cela pourrait arriver par la voie de l’arrangement mais nous serions tentés de manifester notre plus complet scepticisme, car pour envisager une telle issue il faut d’abord le sens de la mesure, l’exercice de la raison, la politique de l’équilibre entre le possible et l’incontrôlable, toutes choses dont les “acteurs-déstructurants” cités comme tels sont totalement dépourvus, nous dirions par définition. (D’ailleurs, s’il le faut, il y a bien entendu cet argument suprême de ne “pas perdre la face”, particulièrement efficace pour ceux dont on cherche en vain quelle “face” ils pourraient bien avoir dans leur situation de totale absence de légitimité souveraine.) En un sens, nous voulons dire qu’il reste encore beaucoup de possibilités d’affrontement et, parfois, une bonne branlée vaut mieux qu’un bon argument.
Pour illustrer cette situation qui constitue manifestement un tournant aussi bien politique qu’opérationnel, nous nous sommes permis d’emprunter le dernier Weekly Comment (5 février) d’Alastair Crooke, qu’on retrouvera bientôt dans sa version complète sur le site de son organisation Conflict Forum. Nous ne reproduisons pas les illustrations d’une façon générale, et dans ce cas les cartes qui accompagnent cette analyse, aussi avons-nous écarté les passages (très courts) qui les concernent directement ; il y est fait allusion rapidement dans d’autres parties du texte, mais d’une façon qui ne nécessite pas la vision de ces cartes parce que la compréhension va de soi. Cela ne nous semble nullement une gêne parce que, ce qui importe surtout dans ce remarquable commentaire, c’est l’esprit qui s’en dégage, qui est parfaitement synthétisé par le passage ci-dessous qu’on retrouvera dans le texte anglais. Nous avons souligné de gras la phrase qui nous paraît symboliquement fondamentale parce qu’elle rencontre notre idée du conflit des forces déstructurantes contre les situations structurantes...
« Selon notre expérience, les peuples qui subissent cette sorte de traumatisme auquel ont été soumis les Syriens en émergent psychologiquement anéantis, ou bien ils renaissent renforcés par l’épreuve terrible qu’ils ont subie. J’ai ln,ma conviction, en m’appuyant sur l’expérience que j’ai acquise lors de mes visites en Syrie tout au long de la crise, que ce peuple renaîtra plus fort qu’il n’était. Du fer est entré dans l’âme syrienne. La Syrie elle-même renaîtra comme un État régional d’une force réelle, – dans le futur. La signification de cette évolution se concrétisera dans un arc puissant et cohérent dans le nord de la région, – et peut-être, avec des liens raffermis avec l’Irak. Parallèlement, certains pays du Golfe se verront écartés de cette dynamique régionale. »
Il s’agit bien entendu d’une prévision à plus long terme, fondée effectivement sur la conviction de l’auteur autant que sur son intuition, et elle est encore loin de s’accomplir comme lui-même ne se prive pas de le préciser parce que rien n’est encore finie. Mais il nous indique bien la possibilité d’orientation qui existe désormais, et cela grâce au redressement par une riposte structurante. Il s’agit en effet précisément d’une dynamique re-structuration face aux attaques incessantes des forces déstructurantes-dissolvantes, et cette idée qui fait l’esprit de l’analyse est superbement contenue dans la phrase mise en évidence, – le fer figurant symboliquement cette re-structuration, ou la matière (le fer) pouvant jouer un rôle vertueux lorsque l’esprit la domine, la domestique et l’y invite. Selon le symbolisme de la phrase, qui est une parabole d’une vérité-de-situation qui se mesure dans l’opérationnalisation de la crise syrienne et dans le conflit terrible qui déchire ce pays, la phrase « Du fer est entré dans l’âme syrienne » n’indique certes pas que l’âme syrienne est devenue matière, mais qu’elle a utilisé la matière qui symbolise l’affreux conflit fait de fer, de feu et de sang, pour renforcer décisivement son âme et grandir son esprit à mesure, en se re-structurant plus forte qu’elle ne fut.
(On nous permettra une digression qui semblerait nous éloigner des champs de bataille, et qui ne nous en éloigne pas en vérité, mais qui prend en compte l’intrusion directe de la métahistoire dans les événements que nous connaissons... Dans la Conclusion du Tome II de La Grâce de l’Histoire, nous nous arrêtons notamment à cette question, en opposant “la matière” en général, dont l’on peut faire un outil spirituel et métaphysique, cela illustré par le jugement que faisait Daniel-Rops sur le travail de Rodin, d’où le sculpteur sortait victorieux par la création d’œuvres quasiment métaphysique [nous citons le Balzac de Rodin] : « Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice... », – et la “Matière” majusculée du “déchaînement de la Matière”, ou ce que le Mal annexe de la matière pour en faire le véhicule de la déstructuration et de la dissolution qu’il veut imposer au monde jusqu’à son entropisation. Ainsi écrivons-nous à ce propos dans la référence citée : « ... [C]e que nous nommons Matière avec une majuscule pour désigner le Mal dans l’évènement du déchaînement de la Matière, c’est quelque chose qui doit être défini dans notre époque terrible, qui est à la fois bien plus que la matière et qui n’est certainement pas toute la matière (sans majuscule) elle-même puisque la matière elle-même n’est pas ou n’est plus tout le Mal lorsque le Mal s’est opérationnalisé sous le terme de ‘Matière’, et qu’elle n’est certainement pas que le Mal, – comme Rodin justement nous le démontre, et les cathédrales avec lui... »)
Certes, cela ne nous éloigne pas de la Syrie, mais nous y ramène par le haut, en fixant l’exacte importance de ce qui s’est passé et de ce qui se passe dans ce malheureux pays, dont la crise interminable constituée de narrative incroyables par leur constitution d’autant de fourberie que de démences fait partie intégrante et fondamentale de la Grande Crise d’effondrement du Système. Cela situe l’intérêt du texte que nous reproduisons ci-dessus, qui garde toutes les attributions d’une situation opérationnelle, tout en en suggérant la dimension que nous voulons nous-mêmes y voir, et cela évidemment au moment crucial que ce conflit traverse aujourd’hui.
Cette façon d’appréhender cet événement à la fois erratique, nihiliste et considérable, reflet dans un œil de feu de la démence complète d’une époque qui ne sait plus que faire d’elle-même, correspond parfaitement, à notre sens, à ce que nous devons en ressentir. De ce point de vue, l’intervention russe, complétant l’intervention iranienne, a constitué certes une poussée opérationnelle décisive, mais également une poussée structurante également essentielle. C’est encore plus cela que les Russes, et les Iraniens avec eux, amènent dans ce conflit. Cette puissante poussée structurante (celle des Russes) qui a remis à flot l’armée syrienne, c’est bien ce qui laisse complètement paralysés les USA, dont toute la cohésion inspirée par l’affectivisme des neocons et des R2P s’appuie sur une complète absence de structure, sur une substance vide. Quant aux Saoudiens et aux Turcs, tels qu’ils ont évolué, ils ne représentent plus que des appendices du Système et leurs capacités opérationnelles aussi bien que leur détermination en sont complètement les prisonnières. Leur intervention en Syrie, comme le fait remarquer Alastair Crooke, reste donc une possibilité qui conduira à nouveau les pays du bloc-BAO à envisager, selon leur logique de “zombie-Système”, de nouvelles entreprises humanitaro-pavloviennes au son de la presse-Système, avec les déconvenues qui vont avec... Certains y voient également un champ de préparation pour une Guerre mondiale, mais il faut pour cela une résolution dans la perspective de la tragédie dont notre époque et nos contrées sont si singulièrement dépourvues. Nos véritables champs de bataille se nomment talk-shows, où l'esprit du terrorisme postmoderne peut s'exprimer dans la mesure de ses vertus héroïques.
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Late Tuesday night, a tweet arrived: “Damascus said all communication and supply lines between Turkey and reef Aleppo are now cut”. It is so: see the map below – and the black arrows effectively show that the An-Nusra supply lines connecting to ISIS in the East have been cut too. These supply lines have now been severed by an inflow of several thousand Syrian troops and their allies, staging out of the industrial zone, north of Aleppo.
The meaning of the fall of the village of Murassat Khan and adjacent villages north of Aleppo is abundantly plain: the main Turkish supply line to insurgents in and around Aleppo from Turkey is over. The tourniquet around Aleppo can be pulled off the city – and so too, is one of the main ISIS oil corridors to Turkey cut. Shortly, the red swath of Syrian government forces will expand, to complete an outer encirclement of all the 'opposition forces’ (predominantly An-Nusra and ISIS), who themselves have been ‘encircling’ Aleppo in the East.
Edward Dark (a pseudonym for a resident of Aleppo, and respected commentator) tweeted on Wednesday, “This is the beginning of the end of jihadi presence in Aleppo. After 4 years of war & terror, people can finally see the end in sight”. [...]
By joining the red-shaded area from the East of Aleppo to the yellow-shaded Afrin ‘canton’, one can see that three-quarters of an encirclement of the An-Nusra led forces will be complete (when, as expected, Jisr al-Shagaur falls). The insurgents will be caught in a ‘cauldron’ with their backs to the lightly populated, lightly served with roads, forested mountains, which run between Jisr al-Shagaur and the Kurdish Afrin enclave.
The area of grey (ISIS control), of about 100 kilometres length between the two yellow-shaded segments, represents Turkey’s celebrated ‘Jarablous corridor’ to ISIS (which remains effecitvely open) which Turkey has proclaimed to represent its "red line”. Were this corridor to be closed by the Syrian Kurds, the Turks say they will respond by invading Syria. The YPG say nonetheless, that they are contemplating just such a move.
In the last few days, the Russian Defence Ministry spokesman has warned that Russia has seen clear evidence of Turkish preparations for a military invasion of Syria (sending crude prices spiralling). It seems likely that this statement is intended by Russia as a warning to Turkey to do no such thing. And in parallel, the Russian FM, Lavrov, has made it absolutely clear (to Turkey and to everyone else), that Russia intends that the ISIS border abutment with Turkey will be closed: "The key point for the ceasefire to work, is a task of blocking illegal trafficking across the Turkish-Syrian border, which supports the militants," he said. "Without closing the border it is difficult to expect the ceasefire to take place." Russia is politely telling Turkey that any incursion risks direct confrontation and war. (Recently, we have seen signs of ISIS pulling out of that area (for whatever reason)).
Erdogan being the irascible character that he is, it is possible that we may yet see surprises, such as an incursion by Turkey into northern Syria aimed – ostensibly - at preventing the Syrian Kurds linking up along the southern side of the Turkish border. But, were Turkey to take such independent action, it would likely forfeit any NATO support (beyond rhetoric) - and further, any such Turkish expeditionary force would have to be launched in the face of Russia’s complete air superiority in Syria (right up to the Turkish border) – that is to say, the Turks would have to go in, without air cover.
To insure against any such Turkish (rash) undertaking, however, Russia has deployed four of its latest multi-role SU35S fighters to Syria (which easily outclass Turkish F-16s) and have also upgraded the Syrian Air Force’s MiG 29 fighters to MiG29-SMT (the most advanced in the forth generation line-up); Russia has further equipped these aircraft with sophisticated electronic jamming capabilities, new radars and new missiles. Russia has also agreed with the Syrian government new rules of engagement that will allow these Syrian Air Force aircraft to attack any threat to Syrian sovereignty – without reference to higher authority. (Turkey probably rightly surmises that Russia is not adverse to showing off the aerial capabilities of its new fighters.)
To put it baldly then, as things stand, Syria is heading not towards a ‘quagmire’ as many western politicians have intimated, but rather to a clear military outcome. As one knowledgable commentator has noted, the negotiating table is not in Geneva, but rather, the true ‘negotiations’ are taking place on the battle fields of Idlib and Aleppo – and what has just been ‘negotiated’ is the near encirclement of the An-Nusra led forces into a cauldron.
Nor, it seems, is Syria heading toward a subsequent low-intensity guerrilla war so often predicted – in the aftermath of any military victory on the ground. The scenes below, showing the jubilation at the entrance of Syrian Army and Hizballah forces into the villages re-taken from An-Nusra this week, tell a different story: [...]
It is simply this: that should An-Nusra members (who are mainly Syrian) try to disperse, and hide amongst the local communities, there will be ‘no water in which these fish can swim’ (to use the Maoist adage). They will find very little, or no public support. Syria has a very effective intelligence service. We may expect that within a year, most of these disbanded jihadists will have been found out, and reported to the intelligence services by locals, who have suffered grievously under their ‘occupation’. Most will be arrested or killed.
In our experience, peoples who undergo the kind of trauma to which Syrians have been subjected, either emerge as a psychologically defeated nation, or they are strengthened by the crisis through which they have passed. I am quite sure from my visits to Syria through this crisis, that its people will emerge stronger. Steel has entered into the Syrian soul. Syria will too, constitute a strong regional state - for the future. The meaning of this will be evidenced in a powerful, cohesive northern arc to the region – and perhaps a closer tie-up with Iraq. Correspondingly, certain Gulf States will find themselves eclipsed.
Equally, the US and many European elites will find this outcome very hard to swallow. We have become more used to ‘quagmires’ which lead to no political outcomes, or to fudges that lead to stasis, rather than interventions that do. That this should have been achieved with direct help from Russia, Iran, Hizbullah – and some indirect support from Iraqis and Afghans - will be a bitter pill to swallow. It will have consequences too.
One such is already apparent: the US Administration this week announced a quadrupling of its Defence budget to ‘strengthen’ Europe in the face of Russian “aggression”. Polarisation seems to be on the cards. The 4+1 coalition led by Russia is likely to become the core to a real ‘security architecture’ for parts of the Middle East – but more particularly for Central Asia, too. China will increasingly be drawn into this new ‘architecture’ – as it fears that its One Belt, One Road project, on which its economic future largely is staked – is as vulnerable in the Central Asian ‘Stans' to the blow-in of Wahhabism, as was Syria and Iraq. Chinese officials are aware that America precisely could again use the Wahhabist tool to frustrate their new Silk Road project.
The question is, will the bitterness at Syria, Russia and Iran’s achievement, poison America and Europe’s attitude towards the new security architecture being forged in Syria. Will it be seen as ‘anti-western’ (which it is not); or, will Europe manage to curb the Pavlovian NATO impulses sufficiently to establish some modus vivendi? The auguries are not promising – given the recent statement by Ashton Carter.
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