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19 décembre 2003 — Cela se passe en douceur, en catimini, avec aussi peu de fanfares qu’il y en eut beaucoup lorsqu’on affirmait le contraire : les chercheurs de WMD (finalement, Weapons of Mass Deceiption plutôt que Mass Destruction) vont sans doute rentrer chez eux. D’ailleurs, il n’en resterait plus guère (40 sur 1.400 affectés initialement à cette tâche, selon The Independent). D’ailleurs, leur patron, David Kay, est en vacances et l’on annonce qu’il va quitter prématurément (« comme une grossesse avant terme », plaisante une source de l’administration GW), son poste de chercheur-en-chef. D’ailleurs, l’on vous dit aussi qu’ils (les chercheurs de WMD) cherchent plutôt les rebelles du cru que les WMD. D’ailleurs, les WMD, finalement, on s’en fout. (Ou, plutôt, selon les termes de GW, répondant à une journaliste qui lui faisait remarquer qu’on n’en avait guère trouvé, des WMD : « So, What’s the difference ? »)
Ces petits esprits qui dirigent les grandes affaires du monde devraient découvrir un jour, — ce sera bien trop tard, bien sûr, — qu’ils ont bien eu tort, avec leur raisonnement à si court terme, de prendre l’affaire des WMD aussi à la légère. Ils n’ont même pas pensé à en “planter” des fausses lorsque l’Irak est tombé, pour faire croire qu’il y en avait, d’ailleurs parce qu’ils croyaient qu’il y en avait effectivement, signe supplémentaire de leur étrange petitesse. Ils ont planté, par contre, le décor d’une telle architecture de mensonges nommée “virtualisme” qu’ils pourraient bien avoir secoué les fondations du système qu’ils honorent.
Pour parler un peu plus platement, même les plus endurcis parmi les politiciens de Washington sont stupéfaits par ce qui leur paraît un cynisme extraordinaire, qui est peut-être plus sûrement identifiable comme une inconscience incroyable, par système naturellement, des réalités du monde. Jim Lobe rapporte cette confidence d’un vétéran du Capitole : « In my many years on Capitol Hill, I don't know that I've seen anything quite as cynical as this »
« With former president Saddam Hussein in the bag, the administration of President George W. Bush appears determined to make U.S. voters forget Washington invaded Iraq on the pretext that its apparently nonexistent weapons of mass destruction (WMD) posed a direct threat to the United States and its allies.
» The effort so far has taken two forms: the suggestion by administration officials, including Bush himself, that ousting and capturing Saddam were ample justifications for going to war; and the quiet dissolution of the nearly billion-dollar effort to find WMD in Iraq.
» In a nationally televised interview earlier this week, Bush appeared to dismiss the relevance of whether Iraq actually had WMD and the possibility that Saddam might eventually move to acquire them.
» “So what's the difference?” asked Bush, who later added that he was persuaded Saddam constituted “a gathering threat, after 9/11 ... that needed to be dealt with. And so we got rid of him, and there's no doubt the world is a safer, freer place as a result of Saddam being gone,” he went on. »
Lobe l’explique bien : « Who Needs WMD When You've Got Saddam? ». Cela signifie que, pour GW, la capture de Saddam suffit à justifier rétrospectivement toute cette affaire, y compris l’attaque (“l’agression” disent certains), le changement de régime, l’occupation, etc. Cette tournure d’esprit est évidemment complètement, absolument sophistique, la chose à démontrer (Saddam coupable, méritant d’être éliminé) grâce à la présence des preuves de la culpabilité (les WMD) devenant la preuve de la culpabilité une fois qu’elle a été accomplie (élimination de Saddam) sans la moindre preuve de la culpabilité (pas de WMD), ainsi rendue inutile. C’est un étrange univers où effectivement, le soupçon sert de preuve, l’anathème d’argument et ainsi de suite.
L’esprit sophistique est d’ailleurs désormais répandu, comme le montre cet extrait d’un article du Guardian sur la question : « The former deputy chief UN weapons inspector Charles Duelfer said: “What is important is Saddam's intentions. The case can be made that he may not have had existing weapons, but his intention was to outlast the inspectors and reconstruct his weapons capabilities.” » L’important n’est plus de prouver que l’accusé est coupable, mais d’arrêter l’accusé puisque son arrestation devient la preuve de sa culpabilité ; sur le fond, on sait bien que Saddam, s’il n’avait pas de WDM, avait évidemment l’intention d’en avoir, — alors, est-il bien nécessaire de trouver des WMD ?
L’aventure des WMD est en train de se terminer dans une atmosphère intellectuelle complètement délétère, dans le désordre le plus complet marqué simplement par l’étrange personnalité de GW. Des sources dans l’administration, à nouveau, le décrivent comme « transformé par la capture de Saddam », comme s’il s’agissait effectivement d’une victoire personnelle qui achèverait de faire de lui un grand chef de guerre. Même le New York Times a le souffle coupé de cette légèreté du président et de l’administration :
« On Tuesday, with Mr. Hussein in American custody and polls showing support for the White House's Iraq policy rebounding, Mr. Bush suggested that he no longer saw much distinction between the possibilities. “So what's the difference?” he responded at one point as he was pressed on the topic during an interview by Diane Sawyer of ABC News.
» To critics of the war, there is a big difference. They say that the administration's statements that Iraq had chemical and biological weapons that it could use on the battlefield or turn over to terrorists added an urgency to the case for immediate military action that would have been lacking if Mr. Hussein were portrayed as just developing the banned weapons. »
comme vous l’explique Jonathan Freeland, tout cela est affaire de famille. Une sorte de tragédie grecque, certes, si l’on veut, mais alors au petit pied, une tragédie dont le livret aurait confondu héroïsme et médiocrité, dont les batailles des protagonistes se feraient devant un miroir plus que sur un champ de bataille ; une tragédie grecque revue par Hollywood, indeed.
« The former dictator's capture should also draw to a close a family feud that is the stuff of Greek drama. Since the first Gulf war in 1990, the stand-off between the US and Iraq has also been a battle of dynasties. Saddam's hatred for George Bush Snr was transferred to the man he called the “son of the viper” or “little Bush”. For the American president too, Operation Iraqi Freedom was, in part, a family affair. Last year he reminded an interviewer of Saddam's 1993 assassination attempt on his father: “There's no doubt he can't stand us. After all, this is a guy that tried to kill my dad.” Now the Bushes have their revenge: Saddam's sons are slain and he is their captive. As one Bush family associate told the New York Times yesterday: “It's a psychologically nice moment.” A theatre full of ancient Greeks would understand that perfectly. »