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379Prenons comme prétexte de ces observations à partir de confidences d’une source européenne, l’annonce récente (le 23 avril 2010) qu’EADS North America a engagé un ancien général de l’U.S. Air Force, le général Arthur Lichte, qui fut notamment chef de l’Air Mobility Command (dont dépend la flotte de ravitailleurs en vol de l’USAF). Démarche classique de lobbying à Washington, annoncée trois jours après qu’EADS ait annoncé qu’il concourrait face à Boeing pour le marché des nouveaux ravitailleurs en vol (KC-X, ou KC-45), sans partenaire américain.
@PAYANT La question qui se pose aussitôt, concernant la décision fondamentale d’EADS, est de savoir pourquoi le consortium européen s’est engagé dans cette aventure. En même temps qu’EADS annonçait l’engagement de Lichte, le Pentagone confirmait qu’il accueillait bien volontiers EADS dans la compétition mais que les règles du secret, concernant une société non-US, seraient appliquées pour EADS dans cette compétition. D’autre part, les critères de l’USAF restant les mêmes, nous sommes dans la situation objective dénoncée par EADS depuis plusieurs semaines de règles de compétition qui favorisent Boeing, – ces mêmes règles qui ont amené Northrop Grumman à abandonner l’association avec EADS. Répétons donc la question, sous forme plus abrupte: que va faire EADS dans cette galère?
Nous nous sommes entretenus de cette question avec une source européenne, proche des institutions européennes et des affaires aéronautiques et spatiales, notamment dans le domaine transatlantique. Cette source fait part d’une analyse qui est plutôt une supputation qu’une information. En effet, la source partage notre interrogation à propos de la décision d’EADS, qui implique un échec presque certain, où d’ailleurs les restrictions d’accès aux données secrètes du Pentagone joueront un rôle bien aussi grand que les spécifications de l’USAF décrites comme favorables à Boeing.
«Il est très possible qu’EADS développe sciemment une stratégie de la défaite», estime notre source. Cette “stratégie de la défaite” impliquerait qu’EADS concourrait effectivement sans entretenir aucun espoir de l’emporter, mais pour démontrer d’une façon éclatante l’impossibilité pour une société non-US d’avoir accès au marché militaire US dans un grand programme. «On peut alors imaginer, poursuit notre source, qu’EADS se retournerait vers les autorités politiques européennes en arguant qu’il n’y a aucune possibilité de pénétrer le marché US à cause des protections qui sont dressées autour de lui, donc qu’il devient impératif que l’Europe fasse de même pour son propre marché auquel les sociétés US ont un accès beaucoup plus ouvert. Dans ces conditions, également, EADS devrait plaider que les aides publiques européennes à des sociétés stratégiques comme elle doivent se poursuivre…»
Il est effectivement bien difficile de se prononcer sur l’existence effective, élaborée, d’une telle stratégie, mais il apparaît très probable que de tels arguments vont être développés dans le cas de l’échec très probable d’EADS dans le marché KC-X. De ce point de vue, la présence presque “sans espoir” d’EADS dans la compétition se défend. Le Pentagone va devoir en effet développer son processus de sélection et il devra annoncer le vainqueur, qui sera fort probablement Boeing. Malgré l’évidence du cas, l’écho en termes de communication sera considérable en raison de l’importance du programme et de la polémique qui l’accompagne, et il suscitera des réactions politiques à mesure. Le dossier en faveur d’une protection de l’industrie aérospatiale et militaire européenne, et en faveur d’une protection du marché européen contre la pénétration US, sera alors extrêmement convaincant parce que porté par la puissance du système de communication. Ce ne serait évidemment pas le cas si EADS avait purement et simplement renoncé à concourir.
Mis en ligne le 27 avril 2010 à 05H25