EADS : les Allemands s’alignent sur Poutine

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Dans Die Welt de lundi dernier, Tomas Enders, co-président (avec le Français Gallois) de EADS clame sa satisfaction de l’entrée des Russes dans le capital de EADS (5,02% pour la banque publique Vnechtorgbank).

Son approbation est sans la moindre réserve :

«L'entrée de la banque publique russe Vnechtorgbank dans EADS souligne l'intérêt important des investisseurs russes pour EADS. […] Le travail en commun avec l'industrie aéronautique russe revêt une signification stratégique pour nous. […] La Russie est non seulement un marché important, mais dispose aussi d'une expérience multiple dans le développement et la construction d'avions.»

L’intervention de Enders suit la visite de Vladimir Poutine en Allemagne, début octobre, et les paroles rassurantes de ce dernier («Nous n’avons aucun plan en vue d'une prise de contrôle hostile d’EADS»). Elle reflète manifestement le point de vue du pouvoir politique allemand, relayé dans les structures économiques.

Les Allemands sont rassurés par l’affirmation russe selon laquelle l’intervention russe dans EADS restera au seul niveau économique et financier. Le fait que cette affirmation vienne évidemment d’une autorité politique ne les inquiète pas. Eux-mêmes sont habitués à considérer leur pouvoir politique comme très fortement assujetti aux conceptions économiques et financières. Ils n’imaginent pas que cela ne soit pas vraiment le cas pour la Russie, où le pouvoir politique est vraiment politique.

En l’occurrence, les Allemands montrent un aveuglement compréhensible. La même chose se passe au niveau énergétique (les Allemands ont de puissants accords avec les Russes), où ils n’ont pas encore compris que la partie est politique, que les Russes ont une vision politique de leur puissance énergétique. Les Français, s’ils ont de l’esprit et même s’ils l’ont au départ mi-figue mi-raisin, devraient observer cette évolution des Allemands au bout du compte avec une secrète satisfaction, — de la même façon qu’ils devraient faire pour l’arrivée des Russes dans EADS.

Les Français devinent aisément que les intentions russes sont politiques, ou ils le devineront bientôt. Simplement, s’ils peuvent d’abord se trouver dans l’expectative, ils devraient en arriver à estimer que, même au niveau politique, — surtout au niveau politique, — la partie est jouable avec les Russes.

Les Français peuvent s’entendre avec les Russes sur une stratégie EADS à finalité politique. S’il y a accord de ce point de vue, l’influence allemande sera réduite d’autant. Or, l’influence allemande, parce qu’elle n’est que financière et économique, joue dans le sens transatlantique, c’est-à-dire à terme pour les intérêts américanistes. L’essentiel, pour les Français, est de trouver une formule où leur influence politique soit renforcée. C’est faisable avec les Russes, d’autant qu’ils (les Français) détiennent l’atout majeur d’être le cœur de la puissance technologique d’EADS. Une influence politique partagée franco-russe dans EADS jouera nécessairement dans le sens européaniste qui favorise les intérêts français. Elle aurait l’avantage de forcer les industriels européens d’EADS à se débarrasser des illusions du mirage américaniste.


Mis en ligne le 26 octobre 2006 à 14H58