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3466• Les étonnantes aventures du bombardier B-52 qui est sur la voie de la transformation pour tenir jusqu’à 2050 (limite d’être centenaire) en passant de la version H à la version J. • Cette ultime cure de rajeunissement était liée à l’arrivée d’un missile hypersonique, le AGR-183. • Le missile est tombé en chemin et on a abandonné le programme, mais pas le B-52 qui passera de H en J malgré tout. • Conclusion (temporaire mais significative) : les américanistes savaient fabriquer des avions dans les années 1950. • Aujourd’hui, par contre, ce n’est pas hypersonique.
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L’histoire du B-52J (suivant assez logiquement le B-52H dont 30 exemplaires doivent être transformés en J) est tout simplement fascinante. Sur initiative du Congrès qui a rajouté cette portion de texte, il est dit dans la loi de programmation du Pentagone pour l’année fiscale 2025 qui doit être adoptée en octobre que les fonds destinés à la transformation des B-52H en B-52J restent affectés à cet avion, mais pour le transformer en porteur de bombes nucléaires “normales” (ce qu’il était d’ailleurs à l’origine, lorsque les premiers B-52 furent produits dans les années 1950 [on parle bien du XXème siècle]).
Les réactions de l’USAF via le Pentagone ne sont pas très enthousiastes, c’est le moins que l’on puisse dire. L’USAF préférerait voir ces fonds transférés au programme du nouveau bombardier stratégique B-21 ‘Raider’, pour accélérer son développement et donc aider aux dépassements budgétaires qui s’ensuivront jusqu’à l’échec tout à fait probable de ce programme selon les nouvelles lois de production aérospatiales US établies notamment par le B-2 et le F-35..
Ne craignons rien, tout cela est plus simple qu’il n’y paraît. En fait l’idée du Congrès vient du fait que la démarche initiale était de transformer 30 B-52H en B-52J comme lanceur du missile hypersonique AGR-183 ; mais le programme AGR-183 a été abandonné, comme tous les autres programmes hypersoniques US jusqu’ici, et par conséquent le Congrès passe à l’idée de faire du B-52J un simple porteur de bombes nucléaires parce que, de toutes les façons, il faut renforcer la force nucléaire stratégique. Par conséquent, nous n’aurons pas un AGR-183 qui était prévu pour voler avec sa bombe nucléaire à Mach 17 lancé d’un B-52J, mais un B-52J qui, tout seul, “fera le boulot”, à Mach 0,85.
‘SputnikNews’ a interrogé la lieutenant-colonel Karen Kwiatkowski, qui a quitté l’USAF en 2003 pour protester contre les agissements des bandes diverses de neocons introduites au Pentagone par Cheney avec l’approbation de Rumsfeld. Après quelques années de retraite amère, Kwiatkowski, qui a gardé tous ses contacts d’officier d’analyse et de renseignement de l’USAF, est revenue à la dissidence active. A propos de la proposition du Congrès, elle dit :
« Remettre des armes nucléaires sur le B-52 amélioré est un simulacre pour dissimuler l’échec des programmes hypersoniques. Il est important de noter que le Congrès et le Pentagone ont déjà approuvé et financé des améliorations du moteur, de l’avionique et du radar pour la cellule B-52 vieille de près de 60 ans. Les modèles B-52H seront désignés B-52J lors de la mise à niveau. Cela a été justifié il y a plusieurs années avec les B-52J comme porteur des missiles hypersoniques AGR-183 prévus, – un missile testé par l’USAF mais qui n'est plus financé dans le budget de la défense de l'exercice 2025. »
Jusqu’ici, aucun programme d’arme hypersonique n’a pu être développé aux USA depuis l’annonce par Poutine de la prochaine mise en service de programmes russes. (Comme l’on sait, certains missiles hypersoniques russes ont déjà une existence opérationnelle avec des tirs réussis en Ukraine, – le ‘Kinzal’ et le ‘Zircon’ notamment.)
L’arme hypersonique en cours de développement par le Pentagone pour le B-52J, l’ARRW (Arme à réponse rapide à lancement aérien), rebaptisé AGR-183 selon une désignation opérationnelle pleine d’optimisme, a connu énormément de tests ratés et de revers divers depuis le lancement du programme en avril 2018 (le mois suivant la déclaration de Poutine !). La programmation de départ était un déploiement opérationnel en 2022. A partir de là, pirouette sans autre indication ! 2022 passe sans nouvelle, on apprend que deux vols d’essai ratés ont lieu en août et en octobre 2023 et voilà enfin que le budget 2025 ne prévoit pas un dollar ni même un cent pour le programme AGR-183 lui-même. C’est ainsi, dans une sorte de silence de la néantisation comme dans le désert des Tartares que l’on apprend aux USA que quelque chose n’existe plus... C’est ainsi qu’apparaît l’idée de la poursuite de la transformation en B-52J porteur d’une bombe nucléaire à la place de l’hypersonique. A peine pince sans rire, Kwiatkowski observe :
« L’initiative sera coûteuse et rentable pour l’industrie de la défense et, en termes pratiques, elle permettra au B-52 de rester dans la course pour l’argent des contribuables. C'est quelque peu pratique, car le réarmement nucléaire du nouveau modèle B-52J, dans la mesure où il complète d'autres améliorations du B-52, s'intègre bien dans la base industrielle de Boeing et de Northrop Grumman... ».
C’est aussi “quelque peu pratique” pour les parlementaires qui insèrent parfaitement le programme dans la base financière du fonctionnement du Congrès en coordination avec la base industrielle des industriels-donateurs de l’armement. Les deux artisans de la proposition qui a été inscrite dans le budget sont :
• Mike Rogers, Républicain de l’Alabama à la Chambre, deuxième plus grand bénéficiaire de sa catégorie de l’argent du lobby de la défense ;
• Deb Fisher, du Sénat, avec comme premier donateur Northrop-Grumman et Boeing comme quatrième donateur. Les deux sociétés sont normalement prévues pour effectuer les modifications du B-52J et ceci n’explique pas nécessairement cela.
En fait, il y a deux débats dans cette affaire : le débat sur le prolongement forcené de vie du B-52 jusqu’à un âge quasi-centenaire, comme moyen de conserver une flotte de bombardiers importante dans la cadre de la fin du traité New START qui se terminera en 2026 et que ni les USA ni la Russie n’entendent prolonger. Les B-52 avaient été privés de leurs capacités nucléaires à cause de ce traité (signé en 2011 et renouvelé pour 5 ans en 2021) mais les parlementaires voudraient le réactiver sous cette forme à partir de 2026 pour conserver un renforcement de l’élément ‘bombardiers” de la triade nucléaire stratégique (trois vecteurs : missiles lancés de silos terrestres, missiles lancés de sous-marins, bombardiers stratégiques).
L’un des promoteurs de l’amendement, Mike Rogers, a observé effectivement :
« Le traité expire en 2026, et... Nous devons être prêts à faire face à un environnement nucléaire sans aucune limitation du traité ».
Conformément à ce projet de loi, l’USAF commencerait à moderniser ses bombardiers dans un délai d'un mois après l'expiration de l'accord. En conséquence, on espère que la restauration des capacités nucléaires du B-52 pourra être achevée d’ici 2029.
Le représentant démocrate. Adam Smith, du Comité des services armés de la Chambre, avait exprimé son opposition, – qui est celle du Pentagone, – en déclarant :
« Le ministère de la Défense n’est pas intéressé par cela… Ce qui l’intéresse, c’est d’investir dans le B-21, qui est le bombardier à capacité nucléaire de nouvelle génération. Cela coûterait très cher. En outre, ils tentent actuellement de prolonger la durée de vie d’un certain nombre de B-52 jusqu’en 2050, ce qu’ils pensent pouvoir faire. Cela représenterait une dépense supplémentaire. »
Mais il s’agit là d’un débat interne à Washington, prenant en compte les impuissances du Pentagone à développer des programmes stables et des stratégies cohérentes comme l’est cette question de conserver ou pas une triade stratégique avec des bombardiers et le choix entre un nouveau bombardier (B-21) aux perspectives budgétaires et technologiques abyssales et la prolongation quasiment survivaliste d’un bombardier jusqu’à sa durée centenaire ; débat interne prenant en compte les intérêts des grandes société de l’industrie de l’armement et le niveau de corruption colossal atteint par les membres du Congrès, notamment et surtout du fait de cette industrie ; prenant en compte enfin, ou plutôt actant avec désenchantement et sans surprise le désintérêt complet des hommes politiques pour une attitude responsable vis-à-vis des risques de guerre nucléaire. Les mélanges hypersoniques, AGR-183, B-52J, B-21 constituent en effet une “salade de risques de guerre nucléaire” que chacun assaisonne au mieux de ses propres intérêts.
Tout autre est le débat sur l’échec de l’emploi de la technologie de l’hypersonique que signifie d’abord le débat sur le B-52J puisque les transformations de la version H en version J furent entrepris en conjonction avec la mise en service si longuement espérée et finalement abandonnée du missile hypersonique AGR-183.
Il y a au moins six programmes des missiles hypersoniques connus qui ont été lancés depuis 2018 et ont tous connu l’échec ou rencontrent des difficultés significatives qui font prévoir un échec très probable. Certains ont été un échec d’une façon très publique, comme l’AGR-183 et le programme ‘Dark Eagle’ de l’US Army suivi avec attention par le GAO (Cour des Comptes, USA). Les effets sont ceux d’un réel désarroi et d’une incompréhension significative. Lockheed-Martin, contractant principal du ‘Dark Eagle’ parle de « problèmes » pour expliquer sans la moindre explication une série de cinq échecs dans les tests et évoque une durée de « plusieurs mois » pour résoudre toutes ces choses par ailleurs non identifiées.
‘SputnikNews’ a demandé à Dimitri Drozdenko, en général qualifié de “Russian propagandist” par la presseSysème & spécialisé, et par les naïfs-utiles d’“expert” occupant la position de rédacteur en chef de la publication russe ‘Arsenal de la Mère-Patrie’, de donner une explication sur cette absence de réussite des américanistes et autres anglo-saxons. Voici donc ces déclarations propagandistes, à lire avec les précautions recommandées par nos professeurs de vertu et en visionnant régulièrement et par intervalles politiquement corrects une vidéo de LCI comme antidote immédiat, comme on prit son COVID-19 in illo tempore.
« Fondamentalement, les objets volant à des vitesses hypersoniques se déplacent dans un nuage de plasma, et le plasma est le quatrième état global de la matière, qui ne transmet pas de signaux radio et se comporte différemment. Autrement dit, pour percer ces phénomènes physiques et apprendre à les utiliser, il faudrait avoir des connaissances scientifiques fondamentales dans le domaine de la physique des corps, de la dynamique de la physique et de la science des matériaux. Cela ne dépend pas de quelques ingénieurs de conception, d’ordinateurs ou de milliards de financement, mais des scientifiques qui travaillent dans les universités et les instituts.
» Ce n’est pas un hasard si la Russie a été le premier pays au monde à développer des armes hypersoniques, vu les connaissances accumulées pendant la période soviétique en physique des plasmas pendant la guerre froide. Les Américains ont de bons scientifiques, mais ils n’ont tout simplement pas atteint ce niveau. »
Par conséquent, enchaîne notre expert en propagande, même si des sommes considérables sont consacrées aux programmes hypersoniques, comme c’est évidemment le cas aux USA, il n’y aucune garantie ni aucune automaticité des progrès attendus jusqu’au point d’être annoncés sur telle ou telle durée selon les sommes qui sont consacrées.
« Il existe aujourd’hui un certain fétichisme autour des hypersoniques. Mais la tâche n’est pas de faire voler un projectile à des vitesses hypersoniques. Un obus de char vole à une vitesse hypersonique au moment où il sort du canon du canon du char. Tout véhicule rentrant dans l’atmosphère depuis l’espace se déplace à une vitesse hypersonique. Ce n'est pas le problème. Le problème n’est pas de voler à cette vitesse, mais d’être capable de manœuvrer à cette vitesse.
» Autrement, si un missile se déplaçant à des vitesses hypersoniques est capable de voler uniquement selon des trajectoires aérobalistiques, il restera prévisible et incapable de manœuvrer pour contourner les défenses aériennes ennemies.
» Les technologies sont développées par les gens. L’argent est un moyen de développer une technologie, mais il peut arriver qu’une technologie soit créée avec un minimum de fonds. Il se peut que vous ayez beaucoup d’argent, mais que la technologie ne fonctionne pas. Par conséquent, l’argent n’est pas la chose principale ici. L’essentiel, ce sont les gens et les connaissances académiques appropriées.
» Par conséquent, tout le monde travaillera sur ces technologies. Un jour, ils perceront définitivement. Mais au moment où ils fabriqueront un analogue du Zircon, je pense que nous aurons déjà autre chose. »
Mis en ligne le 24 juin 2024 à 14H00