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346Nous avons déjà dit que le site Debka.com, ou DEBKAFiles était intéressant à suivre, pour donner une appréciation de l’évolution du phénomène majeur de déstructuration et de dissolution de l’“ordre” du bloc BAO au Moyen-Orient. (Voir, sur cette question, notre F&C du 5 septembre 2011 : DEBKAFiles, qui s’oppose avec force à cette orientation, est particulièrement bien informé sur toutes les situations et décisions qui vont dans ce sens, pour les dénoncer.) Bien sûr, la Turquie joue un rôle majeur et très visible dans cette orientation anti-bloc BAO ; mais il apparaît que, malgré l’épisode de l’ambassade du Caire où certains ont vu une manœuvre du pouvoir militaire (le SCAF) pour pouvoir rétablir de nouvelles mesures de contraintes et tenter de rétablir une certaine normalisation avec Israël, en même temps qu’un réalignement sur la politique du bloc BAO, le SCAF égyptien suit (discrètement) au contraire une ligne de plus en plus anti-israélienne. Le 20 septembre 2011, DEBKAFiles développe implicitement cette thèse, dans tous les cas il apporte diverses précisions convaincantes allant dans ce sens.
Ces précisions, dans divers domaines, montrent que la direction militaire utilise la situation présente d’incertitude, et d’une attitude restreinte de la part d’Israël, pour accentuer diverses situations hostiles à Israël. La situation dans le Sinaï et à la frontière avec Israël est dénoncée, avec la précision que l’Egypte n’a rien fait du point de vue de la sécurité, contrairement à certaines assurances que ce pays aurait données aux Israéliens (mais cela, selon des sources israéliennes, qui peuvent aussi bien refléter certaines convictions infondées de la direction israélienne) ; ainsi, aucune opération des forces de sécurité égyptiennes contre les terroristes n’a été entreprise dans le Sinaï («The Egyptian junta is equally cynical and nonchalant about security in Sinai, especially along the border with Israel.»). Pour l’instant, les deux principales affaires opposant Israël et l’Egypte sont la question de la livraison de gaz et celle des relations diplomatiques après l’attaque de l’ambassade israélienne au Caire…
«Both Cairo and Amman are keeping quiet about the resumption of supplies through the Sinai pipeline which was sabotaged five times since the Egyptian revolution in February. Jordan has agreed to top up payment for the gas by an extra $250 million, but Cairo has broken off negotiations with Jerusalem on new prices so making sure that supplies to Israel are cut off for good.
»That is not the only cause for concern about the state of peace ties between Egypt and Israel. While Israeli officials optimistically forecast the early reopening of the Israeli embassy in Cairo after it was wrecked 10 days ago by a radical Islamic mob, officials in Cairo quickly put a damper on this forecast by announcing that the Israeli ambassador would not return to Cairo any time soon.»
D’une façon plus générale, DEBKAFiles favorise l’interprétation selon laquelle le rétablissement de certaines mesures de la loi martiale, qui est présenté à l’Ouest comme la garantie d’un retour aux méthodes Moubarak, sert en réalité d’écran de fumée pour permettre cette évolution anti-israélienne : «As one informed Western observer put it: The military rulers used the Israeli embassy break-in as the pretext for restoring Hosni Mubarak's emergency regulations while at the same time downgrading Egyptian-Israeli ties in controlled stages so as to avoid drawing Western attention.»
Cette interprétation de l’attitude de la direction militaire du SCAF est en complet contraste avec celle que donnent diverses organisations d’opposition égyptienne, surtout après le rétablissement de certaines mesures de la loi martiale. Cela rejoint notre propre interprétation (l'évolution anti-israélienne de l'Egypte), dans une situation d’une extrême ambiguïté et d’une grande incertitude, où il y a effectivement du champ pour des interprétations contradictoires.
Il est vrai que le SCAF, qui a une position de grande faiblesse, doit jouer serré pour développer une politique qui serait alors, par définition, extrêmement difficile à distinguer dans son orientation fondamentale. On doit rappeler l’attitude très remarquable de certains dirigeants militaires, notamment le président du SCAF, le maréchal Tanwani, lors de l’attaque de l’ambassade d’Israël. Tanwani a refusé, pendant toute l'après-midi de l'attaque, de prendre des communications téléphoniques des Israéliens, et, même, a beaucoup tardé pour parler au secrétaire à la défense US Panetta, que les Israéliens avaient sollicité en désespoir de cause pour cette intervention. D’une façon plus générale, on ne doit pas oublier qu’il existe au sein du SCAF, à côté de la fraction soi disant attentiste (surtout les forces aériennes), une fraction importante, représentant notamment l’armée de terre, qui s’est montrée immédiatement favorable aux contestataires de la place Tahrir, en février dernier, et qui a soutenu depuis la nécessité d’une ligne d’indépendance affirmée vis-à-vis d’Israël.
L’argument des pressions US, qui est souvent utilisé par ceux qui estiment que le SCAF cherche à retrouver la ligne Moubarak, peut aussi bien être retourné pour l’analyse inverse. L’attitude ambiguë du SCAF devient alors une attitude de temporisation et d’apaisement vis-à-vis des USA, pour prévenir de très fortes pressions des USA pour un retour à la ligne Moubarak. (Cela rejoint l’argument de DEBKAFiles d’une restauration partielle de la loi martiale pour rassurer les USA et poursuivre une politique anti-israélienne.) La question est effectivement celle du jugement d’un fait général qui peut être interprété dans les deux sens : la faiblesse du SCAF fait qu’il serait obligé de ruser vis-à-vis de la population égyptienne pour rétablir la ligne Moubarak, ou la faiblesse du SCAF fait qu’il serait obligé de ruser avec les USA pour poursuivre l’accentuation de la ligne anti-israélienne. Les nouvelles que donne DEBKAFiles vont largement dans le sens de la deuxième interprétation, dans des domaines où il n’existe aucune obligation pour les militaires d’agir dans le sens où ils le font.
Les arguments pour cette interprétation, compte tenu de la diversités des positions au sein du SCAF, est simplement que le rétablissement d’une certaine souveraineté nationale permet d’aller dans le sens de la restauration d’une légitimité qui conforte le pouvoir des militaires, en même temps qu’il est, en soi, pour un militaire égyptien qui a du observer et éventuellement subir certains contraintes de l'axe Israël-bloc BAO, un but éminemment respectable. Dans ce cas également, le soutien turc constitue un argument de poids pour renforcer les mêmes militaires, en même temps qu’on est conduit à observer que les déclarations publiques du ministre des affaires étrangères turc, dimanche dernier, sur la création d’un axe Téhéran-Le Caire, suppose que les dirigeants égyptiens ont donné secrètement des garanties sérieuses au Premier ministre Erdogan, et l’on imagine dans quel sens vis-à-vis d’Israël. Si les informations turques sont bonnes, la probable création d’une sorte de “directoire” de coordination stratégique entre l’Egypte et la Turquie va puissamment et décisivement dans ce sens.
Mis en ligne le 21 septembre 2011 à 12H34
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