Elections en France: une tendance européenne profonde?

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Elections en France: une tendance européenne profonde?

Vers un retour des gauches de gouvernement. Très bien, mais il reste du travail à faire. En France comme en Europe.

Le second tour des élections régionales en France, avec l'engagement possible d'un certain nombre d'abstentionnistes, changera peut-être certains rapports de forces locaux, mais il ne devrait pas changer les grandes lignes de la tendance annoncée. Or, selon des observateurs bien informés, tel Alexandre Adler (France Culture, 15 mars) cette tendance pourrait se retrouver sous des formes peu différentes dans plusieurs grands pays européens. Comment pourrions nous ici tenter de la caractériser:

• Un rejet très net de la droite classique, caractérisée jusqu'ici, outre son néo-libéralisme viscérale, par l'appui aux “élites” d'argent nées de la spéculation financière et de consommations de luxe présentées comme des vertus.

• Une volonté de retour à ce que nous avons nommé l'économie mixte de gauche, caractérisée par une forte intervention des Etats pour assurer les développements à long terme et compenser les plus visibles des inégalités sociales. On ne confondra pas cette tendance avec la social-démocratie nord-européenne, qui laisse dans l'ombre le rôle structurant des Etats.

• Le rejet ou tout au moins la mise à l'écart de l'influence du modèle américain omniprésent depuis des décennies. La crise de ce modèle, qui tend à en faire un repoussoir, n'est plus généralement ignorée.

• L'entrée dans la gauche potentiellement de gouvernement des écologistes et d'une extrême gauche que l'on pourrait qualifier, elle-aussi, de gouvernement. Loin de faire présager, comme le proclame la droite, des conflits sans fins à gauche, cela pourrait au contraire conduire à l'élaboration, grâce à la négociation, de politiques très pragmatiques et finalement, très efficaces: retour à l'industrialisation et aux grandes infrastructures de service public tempéré par la volonté de préserver l'environnement, décroissance raisonnée des consommations gaspilleuses, etc.

• La remontée du populisme, incarné en France par le Front National, que les autres partis auraient tort de condamner simplement comme racistes voire néo-nazis. Même si ces tendances dangereuses y sont présentes, cette extrême droite exprime aussi la volonté de lutter contre l'invasion d'un islam de combat financé par les pétro-dollars, devant laquelle les autres partis semblent avoir décidé de capituler, pour des raisons finalement électoralistes n'ayant rien à voir avec la prétendue “laïcité ouverte” affichée. Il est évident que si les majorités de la gauche de gouvernement ne se positionnent pas clairement contre cet islam de combat en ralliant à elles les musulmans modérés et les “musulmans laïcs” (ce terme a un sens sociologique indiscutable), elles perdront leurs électeurs populaires et ouvriront la voie à de véritables guerres civiles intra-européennes.

Tout n'est pas rose

Tout n'est pas rose cependant dans les re-positionnements politiques tels que nous les décrivons ici. Des lacunes considérables demeurent dans les programmes ou esquisses de programmes aujourd'hui envisagés par les représentants de la gauche de gouvernement. Il s'agit en fait de lacunes résultant d 'une inculture encore trop présente. Le mal est réparable, mais il ne faut pas trop attendre. Les domaines où se fait sentir cette inculture sont les suivants:

• Ignorance des enjeux géostratégiques mondiaux. Quelles sont les puissances émergentes et comment l'Europe pourra-t-elle se positionner à leur égard?

• Ignorance des enjeux liés aux développements des sciences et des technologies notamment dite de puissance: où faudrait-il investir en priorité et avec quels moyens?

• Ignorance des contraintes économiques d'ensemble. Si de grands programmes d'investissements stratégiques, tels que ceux proposés sur ce site, s'imposent, il faudra bien les financer le temps qu'ils deviennent productifs. Comment?

• Ignorance enfin de l'impérieuse nécessité d'engager dès maintenant avec toutes les forces politiques européennes s'inscrivant dans cette gauche de gouvernement des négociations devant déboucher sur des réformes profondes (et plus ambitieuse) des institutions européenne. Il s'agira de permettre enfin à l'Europe, au moins dans ses noyaux durs, de se constituer en puissance dans un monde ou, crise mondiale économique et environnementale aidant, les faibles disparaîtront.

Il y a donc encore du travail en perspective.

Jean-Paul Baquiast


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