Embrasement des esprits provinciaux de Paris

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Embrasement des esprits provinciaux de Paris

Nos dirigeants (dito, les dirigeants français) sont-ils des provinciaux? Plus précisément: sont-ils “des provinciaux du monde”? Ou, dit d’une autre façon: être pro-américaniste, avec des petites étoiles dans les yeux qui clignotent au son de la fameuse musique de American Dream, n’est-ce pas entretenir un princialisme de l’esprit qui peut vous jouer des tours?

Tout cela a l’air énigmatique et plaisantin, mais non, cela concerne une matière essentielle. Posons la question autrement: pourquoi la direction française s’est-elle embrasée dans le cas de l’Iran, — ou a-t-elle semblé le faire?

Après avoir développé les plus récentes prévisins d’attaque US contre l’Iran (renouvellement hebdomadaire garanti), la Lettre d’Information TTU précise, dans son numéro du 19 septembre 2007:

«...Voilà pourquoi l’Iran a sans doute été au cœur de la conversation des Présidents français et américain, lors du déjeuner estival de Kennebunkport, dans la résidence familiale des Bush. Voilà pourquoi, quinze jours plus tard, devant un parterre d’ambassadeurs français, Nicolas Sarkozy, encore tout plein des propos entendus, a présenté sur un ton fortement anxiogène le premier “des trois défis du XXIème siècle” qu’était “la menace de confrontation entre l’Islam et l’Occident”, et a conclu sur l’évocation de cette “alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran”.

»Voilà pourquoi, pris à son tour dans une telle ambiance, Bernard Kouchner a laissé échapper l’idée qu’il fallait “se préparer au pire”… c’est-à-dire à “la guerre”. Bien sûr, il s’est ensuite laborieusement défendu de tout entraînement sur une telle pente, se lnçant même dans une construction quelque peu périlleuse selon laquelleil n’était il fallait encore plus de sanctions [contre] l’Iran pour lui épargner un conflit. Mais les mots, à ce niveau, s’envolent et prennent leur viepropre. Et ces mots-là, à travers le monde, ont pris toute la dimension d’une “self-fulfilling prophecy” : d’une prophétie auto-réalistruice, comme disent nos almis américains.»

Le ton légérement moqueur, sceptique et critique, montre bien, vu la proximité de TTU des milieux de la défense, que la défense a pris une position critique dans cette affaire, marquée déjà par l’interview du ministre Morin. Ce ton caractérise l’explication du durcissement Sarkozy-Kouchner de fin-août début-septembre. Cette explication recoupe d’autres confidences dans ce sens. Il semble bien que la rencontre de Bush ait été un élément décisif.

… Parce que le président a annoncé la probabalité de l’inéluctabilité d’une frappe US? Sans doute, comme l’explique par ailleurs TTU. C’est là que le cas devient itéressant.

Il existe, du côté français une prévention extraordinaire pour prendre en compte la réelle situation à Washington. On s'en tient à la hiérarchie et aux pouvoirs officiels. Le président est complètement isolé, les forces militaires US sont soit diminuées, soit très réticentes à une attaque jusqu’à un point proche d’une insubordination larvée, certains ministres (Gates) sont réticents eux aussi dans une mesure qui a peu de précédent. Le Congrès pourrait, — enfin, — monter une opposition sérieuse au Président sur ce projet. Dans tous les cas, les projets d’attaque sont hebdomadaires depuis deux ans, avec des cas où l’administration (y compris GW) a du reculer devant l’opposition des militaires.

Les Français ne semblent guère tenir compte de ces réalités. Ils raisonnent en Français, habitués au pouvoir régalien et à sa logique inflexible. A Washington, le pouvoir est celui des groupes d’intérêt et les américains ont du mal à traduire le mot “régalien” (“kingly” ne suffit certainement pas). En cas de crise de déséquilibre de ce système comme celle qui est en cours, la situation devient insaisissable et s’en tenir à la seule parole d’un président qui est à 25%-28% de jugements favorables, qui est reconnu comme lunatique, est risqué.

Dans ces conditions, la naïveté et l’inexpérience des dirigeants politiques français dans ces rapports ont joué à plein et elle relève de l’inexpérience de provinciaux entrant dans les affaires. Ils se sont enflammés à partir de confidences de GW Bush, qui pour soutenir les projets US, qui pour indirectement les contenir, selon l’explication qu’on priviligiera. Mais ces projets sont loin d’être concrets et les Français se sont découverts bien trop tôt et dans des conditions très défavorables, déclenchant contre eux des réactions violentes. De ce point de vue, l’opération n’est pas une réussite.

 

Mis en ligne le 21 septembre à 16H45