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19 juillet 2005 — Premières indications sérieuses en Allemagne sur les positions d’Angela Merkel, chef de l’opposition CDU/CSU, que les sondages placent en tête pour les prochaines élections législatives (si celles-ci sont validées, ce qui reste encore à faire et nous conduira sans doute en octobre prochain pour la consultation).
Deux remarques à partir du compte-rendu par AP (le 15 juillet) de l’interview de Merkel donnée au quotidien Neue Press:
• L’extrême prudence d'Angela Merkel, notamment sur les questions sensibles de politique extérieure (dont principalement l’Irak).
• La forte possibilité que la politique extérieure (principalement l’Irak) soit un des sujets-phares de cette élection. Ce serait un événement fort intéressant, car sur ce terrain la CDU-CSU est beaucoup moins à l’aise qu’on ne le dit en général.
« German opposition leader Angela Merkel said in an interview published Friday she will follow the lead of Chancellor Gerhard Schroeder's government and not send troops to Iraq if she wins upcoming elections. The vow drew derision from Schroeder's party, who pointed out that she had been a leading critic of Schroeder's stance against the war.
» Merkel, who is seen as more supportive of America than Schroeder, told the Hanover-based Neue Presse daily that a conservative-led German government “will put Europe's relationship with the U.S.A. back on a sensible footing.” Her party platform promises to “reinvigorate” relations with the U.S., strained by Schroeder's vehement opposition to the Iraq war. But she is treading carefully on Iraq ahead of the election, reflecting the war's huge unpopularity in Germany.
» Asked whether voters could count on her continuing Schroeder's policy of keeping German soldiers out of Iraq in the future, Merkel replied: “Yes.” »
Là-dessus, grande nouvelle: John Vinocur a frappé de nouveau. Dans un article type ‘Politicus’ dans le Herald Tribune du jour, le commentateur américaniste en chef sur les affaires européennes salue la visite de Merkel à Paris aujourd’hui (rencontre avec Chirac, Sarkozy et Villepin) d’une analyse définitive.
Si l’on comprend bien l’analyse de Vinocur et si on la synthétise, cette visite prioritaire de la possible-future chancelière allemande à la France et à Chirac signifie : 1) si elle gagne, l’axe franco-allemand n’aura plus l’importance qu’il a sous Schröder ; 2) Jacques Chirac ne compte plus en Europe comme homme politique ; et 3) la France ne compte plus en Europe que si elle s’aligne sur l’Amérique par l’intermédiaire de l’Allemagne ‘merkelisée’, si possible avec Sarko à l’Élysée encore plus vite que vous ne pourriez croire. Dans le genre de la culture du paradoxe, Vinocur en manie des tonnes à la pelle.
L’apothéose (citation ci-dessous) n’est pas surprenante et nous rassure: tant que les commentateurs américanistes seront de ce calibre en fait de compréhension de l’Histoire et de l’Europe, dedefensa.org a de beaux jours devant soi. (On laisse dans cette citation la phrase sur Villepin où celui-ci est implicitement comparé à une bête curieuse encagée à Matignon, qu’on va voir comme on va au zoo. Le Français appréciera.) Voici donc le ménage à trois qui attend l’Europe:
« Merkel's planned hello to Villepin respects both form and her curiosity. Sarkozy, whom she has met and likes, would be the third link in a European Reform Group of new potential and vision that would involve a leadership triangle of Britain's Tony Blair or Gordon Brown, along with Merkel and Sarkozy. »
La vacuité informée (nous n'allions pas écrire “stupidité informée”, tout de même) du commentaire permet de respirer un peu alors que la canicule s’éloigne. Voici le nôtre, de commentaire, puisqu’il faut bien parler de la chose:
• Si Merkel vient à Paris, alors qu’elle évite soigneusement les autres déplacements importants (Washington et Moscou notamment), c’est parce que la France est à côté de l’Allemagne et que c’est la puissance centrale — autonomie politique, puissance militaire et technologique, — du continent européen (à 6, à 15 ou à 25, la géographie s’en fout) ; c’est aussi parce que la politique européenne et la politique extérieure de l’Allemagne sont fondées sur la relation franco-allemande. Point final pour ce constat.
• Si Merkel rencontre Sarkozy et Villepin en plus de Chirac, c’est parce que la rumeur dit que les deux hommes sont candidats potentiels pour 2007, et Chirac pas (se méfier des rumeurs). Certes, comme on sait Sarkozy est pour l’instant un cœur à prendre mais Villepin a un charme aristocratique qui ne passe pas inaperçu. Il fallait voir les deux. Si elle avait eu des conseillers avisés, Merkel se serait fendue également d’une visite à MAM (Alliot-Marie), boulevard Saint-Germain, car on ne sait jamais. Mais on ne peut être conseiller avisé et informateur de Vinocur en même temps.
• Quant aux projets de Merkel selon Vinocur, — de bonnes relations transatlantiques, inutilité pour l’Europe de prétendre à être un ‘contrepoids de l’Amérique’, monde multipolaire et non unipolaire, — ils sont aussi vagues que bien-pensants et inutiles. Ce n’est pas madame Merkel qui décide de tout cela, c’est la situation et l’évolution du monde, comme des grandes, sans l’aide de personne. Pour avoir de bonnes relations transatlantiques, — que Chirac, Schröder & compagnie souhaitent plus que tout autre, — il faut être deux. Pour ce qui est du monde qui doit rester unipolaire autour d’une puissance qui n’est plus capable de faire plus d’une guerre que celle qu’elle fait en Irak, où elle est en train de tracer des plans pour fuir le plus vite possible et éviter une défaite stratégique, on peut toujours affirmer qu’il l’est alors qu’il y a beau temps qu’il ne l’est plus. Les conseillers avisés devraient en informer la future-possible chancelière.
• Ce qu’on attend par contre, c’est la future visite de la future-possible chancelière devenue chancelière à Washington, — si c’est le cas. Connaissant la grâce et la finesse de GW, on peut être sûr qu’il lui demandera aussitôt quelques bon gros régiments de la Bundeswehr pour protéger le repli américain en Irak. Bonne chance, camarade Merkel.
• Voir aussi notre texte de la rubrique ‘Contexte’ du 25 juin 2005, extrait de notre Lettre d’Analyse de defensa. Nous n’avons pas une ligne à retrancher après lecture de Vinocur.