En attendant la crise haute : septembre-2015 ?

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En attendant la crise haute : septembre-2015 ?

18 août 2015 – Il existe désormais un “jeu” subtil au cœur du système de la communication, dans les domaines proches de l’antiSystème ou complètement dans l’antiSystème. Nous ne savons pas s’il est calculé puisque notre religion à cet égard est la nécessaire inconnaissance, mais notre supposition chaque jour plus affirmée et notre position chaque jour plus ferme sont, – et cela n’étonnera en rien nos lecteurs réguliers, – qu’il ne l’est certainement pas, qu’il va de soi parce qu’il se fait de lui-même selon une tendance générale, une tendance crisique irrésistible. Ce “jeu” s’effectue notamment entre auteurs antiSystème ayant une certaine notoriété et publiant sur certains sites où ils ont une place institutionnelle, notamment avec une reprise par les sites officiels russes (RT, Sputnik) qui ont une très grande force de diffusion, et une reprise à nouveau sur des sites antiSystème plus “techniques”, qui touchent directement les milieux concernés.

On prend ici l’exemple du texte de Finian Cunningham qui va pour l’occasion au cœur d’un sujet qui nous préoccupe dans nos chroniques courantes, – qui est à la fois le fait des crises abordées, mais aussi le fait des crises s’interpénétrant et se renforçant les unes les autres, – ici la crise iranienne et la crise du dollar ... «“Deal or War” : Is doomed dollar really behind Obama’s Iran warning ?», c’est le titre de l’article de Cunningham du 15 août 2015 sur RT, repris notamment sur ZeroHedge.com le 16 août 2015. Cunningham fait une hypothèse à propos de ce qu’il y a derrière l’avertissement qu’Obama a lancé le 5 août au Congrès concernant l’accord iranien (“Ratifiez l’accord ou c’est la guerre avec l’Iran”), – car il y a nécessairement quelque chose, pense le commentateur qui, par ses hypothèses, accroit la pression sur les psychologies. Cunningham ne croit donc pas à l’alternative exposée par le président ; il crois plutôt qu’un vote négatif du Congrès forcerait Washington à revenir au régime-maxi des sanctions anti-iraniennes, qu’il ne serait pas suivi par les autres pays de l’habituelle coalition du bloc BAO et encore moins par les Russes et les Chinois (l’ensemble formant le P5+1 des négociations de l’accord), et que tout cela précipiterait l’Iran et tous les autres pays dans le choix d’effectuer toutes leurs transactions hors du dollar, c’est-à-dire hors de la zone de juridiction de la justice US qui est la cause principale des interventions répétées des USA dans le champ international, – notamment contre ceux qui n'appliquent pas leurs sanctions..

«But what could really be behind Obama’s dire warning of “deal or war” is another scenario – the collapse of the US dollar, and with that the implosion of the US economy. That scenario was hinted at this week by US Secretary of State John Kerry. Speaking in New York on August 11, Kerry made the candid admission that failure to seal the nuclear deal could result in the US dollar losing its status as the top international reserve currency. “If we turn around and nix the deal and then tell [US allies], ‘You're going to have to obey our rules and sanctions anyway,’ that is a recipe, very quickly for the American dollar to cease to be the reserve currency of the world.”

»In other words, what really concerns the Obama administration is that the sanctions regime it has crafted on Iran – and has compelled other nations to abide by over the past decade – will be finished. And Iran will be open for business with the European Union, as well as China and Russia. It is significant that within days of signing the Geneva accord, Germany, France, Italy and other EU governments hastened to Tehran to begin lining up lucrative investment opportunities in Iran’s prodigious oil and gas industries. China and Russia are equally well-placed and more than willing to resume trading partnerships with Iran. Russia has signed major deals to expand Iran’s nuclear energy industry.

»American writer Paul Craig Roberts said that the US-led sanctions on Iran and also against Russia have generated a lot of frustration and resentment among Washington’s European allies. “US sanctions against Iran and Russia have cost businesses in other countries a lot of money,” Roberts told this author. “Propaganda about the Iranian nuke threat and Russian threat is what caused other countries to cooperate with the sanctions. If a deal worked out over much time by the US, Russia, China, UK, France and Germany is blocked, other countries are likely to cease cooperating with US sanctions.” Roberts added that if Washington were to scuttle the nuclear accord with Iran, and then demand a return to the erstwhile sanctions regime, the other international players will repudiate the American diktat. “At that point, I think much of the world would have had enough of the US use of the international payments system to dictate to others, and they would cease transacting in dollars.”

»The US dollar would henceforth lose its status as the key global reserve currency for the conduct of international trade and financial transactions. Former World Bank analyst Peter Koenig says that if the nuclear accord unravels, Iran will be free to trade its oil and gas – worth trillions of dollars – in bilateral currency deals with the EU, Japan, India, South Korea, China and Russia, in much the same way that China and Russia and other members of the BRICS nations have already begun to do so. That outcome will further undermine the US dollar. It will gradually become redundant as a mechanism of international payment...»

Il existe donc une mobilisation maximale autour de l’accord iranien, sur lequel le Congrès devra se prononcer au plus tard le 17 septembre. Cette mobilisation s’insère d’ores et déjà dans un cadre plus général et plus technique, qui dépasse ce que la crise iranienne nous dit de la crise du pouvoir washingtonien, – cadre qui implique une logique d’enchaînement tourbillonnant (type-“tourbillon crisique”) extrêmement puissant, que d’aucuns commence à nommer “la grande crise de septembre-2015”.

On notera ceci, très récent (le 17 août), qui confirme l’élargissement de la crise : le premier effet concret de cette bataille qui a lieu d’abord à Washington en corrélation avec le discours du 5 août d’Obama à l'intention du Congrès (“Approuvez l’accord ou c’est la guerre”) a été un acte très-officiel à Téhéran avec une déclaration publique et solennelle du “Chef Suprême” iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, faite à l’occasion d’une réunion de l’Union des Radios et Télévisions Islamiques. Cet acte résonne comme une consigne, bien plus de l’ordre de la politique et de la communication que de l’ordre de la religion ou de la culture, qui est une façon à peine déguisée d’avertir qu’aucune pression de type “révolution de couleur” ou pour le maintien du dollar comme monnaie de transaction si une autre orientation s’avérait plus intéressante, ne sera acceptée par l’Iran :

«Ils croient que l’accord, – et il n’est pas encore déterminé s’il sera accepté, ni en en Iran, ni aux USA, – ouvrira l’Iran à leur influence. Nous avons fermé cette voie et nous la tiendrons définitivement fermée dans le futur. Nous ne permettrons pas à l’influence américaine, économique, politique ou culturelle, de s’exercer en Iran...»

Il convient de signaler que Cunningham termine son texte en “laissant une chance” à l’option de la guerre, comme dernière voie pour les USA pour tenter d’échapper au gouffre abyssal/au trou noir, ce qui serait une façon plus élégante de se suicider que tout ce qui a été fait jusqu’ici, – car l’on parle bien entendu de la vraie guerre, l’attaque contre l’Iran qui ne manquerait pas de dégénérer en catastrophe puisque les USA n’ont pas les moyens de la faire. Cunningham cite Doug Casey, un analyste en investissement d’un gros calibre, qui juge que le dollar, tel qu’actuellement, est au bord de l’effondrement : «“You’re going to see very high levels of inflation. It’s going to be quite catastrophic,” says Casey. He added that the crash will also presage a collapse in the American banking system which is carrying trillions of dollars of toxic debt derivatives, at levels much greater than when the system crashed in 2007-08. The picture he painted isn’t pretty: “Now, when interest rates inevitably go up from these artificially suppressed levels where they are now, the bond market is going to collapse, the stock market is going to collapse, and with it, the real estate market is going to collapse. Pension funds are going to be wiped out… This is a very bad situation. The US is digging itself in deeper and deeper,” said Casey, who added the telling question: “Then what’s going to happen?” President Obama’s grim warning of “deal or war” seems to provide an answer. Faced with economic implosion on an epic scale, the US may be counting on war as its other option.»

Ce climat que décrit Cunningham n’est pas tout à fait nouveau, – nous parlons en termes de semaines pour déterminer la “nouveauté” d’une chose, puisque c’est aujourd’hui la mesure du temps contracté et de l’Histoire qui ne cesse d’accélérer. Nous évoquions des prévisions catastrophiques pour la période septembre-octobre venues de sources connues pour leur “bonne réputation” dans les milieux ad hoc, le 27 juillet 20215 : «...Armstrong est d’abord un expert-prospectif en économie et son appréciation est que nous allons vers une crise colossale de la dette, commençant par le ‘Rest Of the World’, Japon puis Europe, qui profiterait ainsi selon son analyse aux USA dans un premier temps, puis revenant vers les USA pour se transformer irrésistiblement en crise mondiale. On trouve cette précision sur le ‘Washington’s.blog’, le 19 juillet 2015. Elle constitue une référence directe à des prévisions concordantes, et indépendantes l’une de l’autre, de Martin Armstrong d’une part, de Larry Edelson, autre analyste financier, d’autre part. Armstrong annonce le début de la dynamique de crise (dont les effets ne seront pas nécessairement visibles aussitôt) pour le 1er octobre 2015, tandis qu'Edelson annonce le démarrage d’un “octobre noir” pour le 7 octobre 2015. (Insistons bien sur ce point que les deux analystes ont réalisé cette prévision précisément datée, similairement à quelques jours près, indépendamment l’un de l’autre.)»

... Tout cela débouche sur le constat général qu’est en train de se développe une sorte de frénésie de prospectives catastrophiques désormais pour le plus court terme possible, puisque portant sur le mois de septembre 2015, qui serait un “septembre noir” ou un “septembre-rouge” c’est selon, ou octobre avec les perspectives “octobre noir”/“octobre rouge”. Cette évolution très rapide est largement renforcée par les commentaires et les commentateurs, essentiellement d’origine des pays du bloc BAO et surtout anglo-saxons mais qui n’ont pas l’accès qui importe à la presse-Système, et qui l’ont sur les grands canaux russes de la communication, – phénomène qu’on a signalé pour Cunningham. L’article de Robert Bridge, sur RT le 16 août 2015 (où l’on retrouve notamment Casey), résume bien cette frénésie dont on ignore ce qu’elle annonce réellement, dont on ne peut savoir ce qu’elle laissera comme effets autour d’elle, indépendamment des évènements qu’elle prétend annoncer, et même pour l’au-delà de ces évènements, qu’ils se produisent ou non...

«Gerald Celente, the founder of Trends Research, who predicted the “panic of 2008,” says the economic earthquake will send reverberations around the world. “You’re going to see a global stock market crash,” Celente told King World News. “There’s going to be panic on the streets from Wall Street to Shanghai, to the UK down to Brazil.” “You’re going to see one market after another begin to collapse.”

»Doug Casey, a successful investor and the head of Casey Research, saw little to be upbeat about in the current economic climate. "With these stupid governments printing trillions and trillions of new currency units," Casey, describing the US Federal Reserve’s quantitative easing program, told Reason magazine in a recent interview, “it's building up to a catastrophe of historic proportions." And he certainly does not advise keeping much money in any financial institution. "Most of the banks in the world are bankrupt," he said. [...]

»And there are dozens of other such apocalyptic predictions on the health of the global economy that it leaves one feeling dizzy and desperate - something like watching an approaching tidal wave in the full knowledge there is no hope of outrunning it. Meanwhile, confidence in the US economy among Americans dropped sharply in July to its lowest level in 2015, according to a new US Economic Confidence Index rating released by Gallup earlier this month.

»Perhaps the non-stop onslaught of super-negative news – everything from the Greek tragedy to the Chinese currency devaluation – has got Americans convinced the global economy has entered dangerous waters. Indeed, scratch the shiny surface of the US economy and the wear and rust is immediately apparent. Jeff Berwick, Canadian entrepreneur and editor of The Dollar Vigilante, recently told Gordon T. Long in an interview: “There’s enough going on in September to have me incredibly curious and concerned about what’s going to happen.”

»Jade Helm 15, an ultra-secret (i.e. no media presence permitted) US military exercise spanning seven Southwestern states is expected to end of September 15; five closed WalMart stores, ostensibly for plumbing work, in the vicinity of the exercises has raised fears that the sprawling facilities will be able to double as some sort of detention centers following the collapse. Pope Francis is scheduled to address the 70th annual UN General Assembly in New York on September 25; will the Bishop of Rome be in town to offer a divine blessing to Wall Street, which may require a real miracle to escape the fallout from the next downturn? Last but not least, the US Federal Reserve will hold its Federal Open Market Committee (FOMC) on September 16-17, where it is anticipated that Fed chair Janet Yellen will announce an interest rate hike, the first in years, which experts say could possibly trigger economic panic.

»Indeed, the hysteria over next month has reached such a fever pitch that even seasoned experts are cracking open their dusty Bible for signposts. The seventh year of the Biblical agricultural cycle - as set down in the Torah – just happens to fall on September 15, 2015. This is a real millennial event, with a so-called tetrad of blood moons (four consecutive lunar eclipses) all falling on Judaic religious days. For those who track such astrological occurrences, a number of major events have occurred at the end of the “7-year business cycle,” as it is now commonly known.

»In 2008, for example, the world suffered its worst financial crisis in decades, while in September 2001 the United States experienced the worst-ever terror attack on its territory, as well as a massive sell-off on Wall Street when markets reopened on Sept. 17. Whatever the case may be, Americans – increasingly wary of the weak underbelly of their economy – are gearing up for fireworks in September. But even if nothing happens, all that prepping and stockpiling – much like in the runup to the overhyped Y2K non-event – will certainly boost economic performance across the board.»

Comme il est de coutume dans la période d’extrême tension des crises en cours, le système de la communication, avec les théories et les diverses appréciations qui vont avec, jusqu’à l’ésotérisme, se signale à notre attention. Lisez donc la conclusion de notre texte du 17 août 2015 : «[...un] courant fiévreux qui s’affirme actuellement, depuis quelques jours, – “fièvre de l’automne 2015” ou “fièvre de septembre 2015” qui multiplient les signes d’une catastrophe imminente (voir aussi le 26 juillet 2015), – ou plutôt les signes d’une catastrophe multiple (voir le 11 août 2015) selon une agitation extrême du système de la communication ; moins “officielle” (avec participation/complicité du Système) que cela ne fut avant le faux-‘buzz’ gigantesque du 1er janvier 2.000 ou la Fin des Temps de décembre 2012 du calendrier Mayas, bien plus appuyée sur une situation générale potentiellement catastrophique dont les déplacements paradoxaux de personnalités type-Trump/Varoufakis font évidemment partie... On voit que nous sommes partis d’évènements aujourd’hui assez courants et anodins (cela aussi, signe des temps, que de tels évènements puissent être qualifiés d’“anodins”) pour aboutir aux inévitables allusions à la Grande Crise d’effondrement du Système. Tous les chemins mènent à Rome disait-on, toutes les voies de la pensée conduisent à notre Grande Crise peut-on rectifier.»

A la recherche de la “crise haute”

Cette avalanche “diluvienne” de prospectives de crise, dans un climat extraordinairement détérioré et dans une situation objective qui l’est tout autant, réactive d’une façon aigüe et impose péremptoirement la question de ce que nommons “crise haute”, posée par nous depuis la fin 2011/début 2012. C’est à cette époque que nous avions proposé ce concept, d’une façon très explicitée le 3 février 2012 à propos de la crise iranienne (que nous retrouvons aujourd’hui indirectement, dans ses prolongements), concept que nous avions repris comme un des thèmes du dde.crisis du 10 février 2012 dont nous donnions un condensé le 20 février 2012.

Comme on le comprend, on le verra plus loin, il s’agit d’un concept informel mais fondamental, qui est à la fois un constat pour une crise donnée mais aussi et surtout un potentiel pour ce que peut devenir cette crise en suscitant un rassemblement intégrée d’autres crises avec elles. Ce concept peut donc s’appliquer à n’importe quelle crise, à telle ou telle crise sectorielle lorsque cette crise acquiert une dynamique opérationnelle qui tend à susciter un rassemblement de toutes les crises avec elle pour former le phénomène majeur de l’opérationnalisation de la Grande Crise d’effondrement du Système. Il est moins question de l’importance de la crise identifiée au départ que de sa puissance d’influence, de sa puissance dynamique, et surtout de son effet psychologique qui suscite ce rassemblement pour en faire une dynamique de transmutation.

On voit combien, dans le cas actuel, les évènements sont propices à cette dynamique en raison de plusieurs causes : la situation générale du Système, à la fois au sommet de sa surpuissance et de plus en plus marqué par le double autodestructeur de cette surpuissance dont la puissance ne cesse de grandir ; la proximité grandissante et l’interaction à mesure de plusieurs crises majeures, dont la dynamique, la puissance et la capacité d’élargissement conduisent à des symbioses qui intègrent ces crises entre elles et tendent à les transmuter en une seule crise qui serait “la crise haute” parvenue à maturité ; l’importance considérable, simultanée, de plusieurs crises déjà réunies en un “tourbillon crisique” qui les mêle intimement en un mouvement tourbillonnant devenue une sorte d’opérateur opérationnel pour former la crise haute...

Un point psychologique essentiel est, par rapport à 2012, le recul très important, presque jusqu’à sa disparition dans certains cas, du courant négationniste, c’est-à-dire la position-Système favorite pour repousser la perspective fatale de la crise haute. Nous en parlions en détail le 3 janvier 2012, en prenant l’exemple du comte Joseph de Maistre qui, en 1785, prévoyait l’énorme crise de la Révolution française (qui serait, encore plus que la révolution américaniste et la révolution du choix de la thermodynamique, le cœur de la “crise haute” de cette rupture temporelle du “déchaînement de la Matière”), mais au milieu d’une société qui niait absolument, par aveuglement, par indifférence ou par simple déni, l’approche du phénomène. (Sa lettre de 1805 à son frère Nicolas, citée en tête du texte référencé : «Je me rappelle ces temps où, dans une petite ville de ta connaissance […] et ne voyant autour de notre cercle étroit[…] que de petits hommes et de petites choses, je me disais : “Suis-je donc condamné à vivre et à mourir ici comme une huitre attachée à son rocher ?” Alors je souffrais beaucoup : j’avais la tête chargée, fatiguée, aplatie par l’énorme poids du rien…».)

La différence décisive est donc qu’aujourd’hui, par rapport à 2012, nous avons fait reculer nos négationnistes de la Grande Crise, de la crise haute, jusqu’à pouvoir les déclarer quasiment vaincus. Les évènements crisiques ont trop de puissance aujourd’hui pour qu’on puisse ridiculiser l’hypothèse désormais irrésistible selon laquelle cette puissance leur est évidemment commune, donc qu’ils ne représentent que des aspects de la Grande Crise et qu’ils ne peuvent être chacun réduits à eux-mêmes. A cette lumière, il est du plus haut intérêt de rappeler ce que nous entendons de plus extrême dans sa signification, c’est-à-dire essentiellement du point de vue métaphysique, ce que nous désignons comme “la crise haute“, dès lors qu’elle se sera constituée décisivement. Sera-ce le cas en septembre-2015 ? Comme on dit : on verra... Il n’empêche qu’il est intéressant de noter que, désormais, le raisonnement que nous avons toujours suivi se retrouve chez d’autres commentateurs, savoir que chaque prévision que nous approchons de la crise haute comme avec cette idée de septembre-2015, même si elle ne se réalise pas, fait avancer les choses d’une façon telle que tout sera différent après cette séquence, que cette séquence ait ou non été réalisée, et qu’ainsi nous nous serons rapproché de la crise haute dans sa phase de maturité... (C’est un peu ce que suggère Jeff Berwick, lorsqu’il dit «Il y a assez de choses qui vont se passer en septembre pour m’avoir rendu extrêmement curieux et préoccupé à propos de ce qui va se passer», – façon de dire qu’il se passera nécessairement quelque chose en septembre-2015, et qu’ainsi les choses auront évolué, donc changé.) Si l’on veut, les prospecives de “crise haute”, même si elles ne se réalisent pas, sont tout de même une partie de cette crise haute en la renforçant dans sa future et inévitable concrétisation.

Il est donc bien temps de présenter notre définition la plus large et la plus ambitieuse possible de ce que doit être la “crise haute” lorsqu’elle parvient à sa phase de complète maturité. Pour cette raison, nous prenons un extrait de ce dde.crisis déjà cité, que nous avons choisi comme parfaitement intemporel (sans lien conditionnel direct avec les évènements du début 2012), et que nous citons dans la Tome II de La Grâce de l’Histoire (en cours d’achèvement), – dans la Troisième Partie : «les Lumières à l’aune du persiflage». (Cet extrait est présenté à part, sous un intertitre indiquant que le texte introduit est tout entier extrait du livre, sans autre intervention.)

Extrait de La Grâce de l’Histoire, Tome II, Troisième Partie

« A cette époque d’où nous avons extrait la citation précédente (1790), Maistre a encore ses ‘négationnistes’, succédanés eux-mêmes de cet “énorme poids du rien” mentionné plus haut, qu’ils ne prennent certainement pas comme une charge mais plutôt comme une suggestion agréable selon laquelle il n’y a rien de fondamentalement nouveau sous le soleil. Ces ‘négationnistes’-là ne désarmeront d’ailleurs jamais, ils n’ont pas désarmés, ils sont toujours parmi nous ; à certains moments de dépression du comte Joseph, ils nourrissent sa solitude et son découragement passager, tous ces traits psychologiques qui ne disparaîtront jamais chez lui parce que cette pensée libérée par l’intuition haute qu’il conduit est aussi une bataille permanente contre lui-même autant sinon plus parfois que contre les autres (“Mais je suis seul, mal placé, découragé ; je ne trouve autour de moi que froideur, ignorance, et cette envie haineuse des impuissants...”). Nous aussi, antimodernes de la postmodernité, ressentons par instants cette sorte de vertige inversé, qui vous tire vers le bas, vers les abysses...

» On s’en doute, ceux que nous désignions dans le travail cité sous le terme de ‘négationnistes’ se recrutent nécessairement, massivement sinon unanimement, parmi ces esprits emportés par les courants ‘intellectuels’ enfantés par la modernité depuis la Renaissance premièrement, enfantés par le ‘déchaînement de la Matière’ depuis que ce déchaînement s’est manifesté, secondement. Le sujet ainsi introduit, nous poursuivions alors dans le travail cité ici, affinant cette définition du négationnisme par rapport à la grande crise, puis enchaînant sur un constat général :

» “Il ne s’agit pas d’un complot, ni d’une machination, mais d’une tendance de la raison subvertie. Leur perception correspond à ce que Julius Evola définissait, à propos de l’attitude “scientifique” vis-à-vis des légendes du Graal dont on retrouve la trace dans plusieurs traditions, selon l’idée que “tout rapprochement dans cet ordre moderne de recherches [entre les diverses manifestations de ces légendes] finit par se résoudre en un déplacement plutôt qu’en un élargissement du point de vue”. C’est ce que nous nommons la perception du fractionnisme cloisonné, aboutissant nécessairement à un réductionnisme systématique. On passe d’une crise sectorielle à une autre, de la crise iranienne à la crise financière, de la crise libyenne à la crise du pouvoir américaniste, de la crise de l’euro à la crise du processus électoral US, sans établir aucun lien entre toutes ces crises : déplacement du point de vue plutôt qu’élargissement, suivant les pressions du système de la communication auxquelles succombent les psychologies affaiblies, permettant à la raison subvertie d’imposer son verdict : il n’y a pas de crise générale, pas de crise d’effondrement du Système, – il n’y a pas de crise haute... (C’est justement l’intuition haute qui nous conduit à briser ces entraves et à conclure qu’il y a une crise haute.)

» ”L’essentiel est, dans cette perception, que l’intégrité du Système, de la modernité, du legs du ‘déchaînement de la Matière’, soit préservée. Nous ne décrivons pas une démarche consciente, mais plutôt une démarche instinctive, appuyée par la technique rationnelle subvertie du “déplacement plutôt que d’un élargissement du point de vue”. C’est une ironie contradictoire suprême, ou une ironie révélatrice tout simplement, que ceux qui soutiennent volontairement ou non le Système, par servilité de la raison ou par simple entraînement, suivent une logique totalement anti-globalisatrice alors que le Système poursuit une logique de globalisation. L’explication de ce paradoxe d’apparence se trouve bien entendu dans le fait que la globalisation recherchée a pour objet de tenter d’organiser de façon “globale” toutes les attaques possibles de déstructuration et de dissolution de tout ce qui peut représenter des principes portant des tendances structurantes et anti-dissolvantes (la souveraineté, la légitimité, l’autorité) ; pour cette raison, il est absurde de craindre dans la globalisation un aboutissement de type “gouvernement mondial”, impossible par le fait même de la contradiction.

» ”Par contre, on peut aisément [appréhender] la tendance à repousser l’idée de ‘crise unique’, ou de ‘crise haute’, outre [par] les habituels mécanismes [de] type “déplacement plutôt qu’élargissement”. Il s’agit de la crainte fondamentale de l’Unité. [...]

» ”Pour mieux comprendre cette ‘bataille de perceptions’ entre ceux qui perçoivent une ‘crise unique’ (du Système, de la modernité, de la contre civilisation) englobant toutes les crises sectorielles, et les négationnistes de cela, on peut proposer l’hypothèse de la renaissance de l’Unité ou du Principe Unique. Il s’agit de la notion fondamentale selon laquelle l’unicité de cette crise, alors évidemment perçue comme crise haute, ne peut s’expliquer que par le ‘progrès’ qu’elle recélerait. Ce terme complètement paradoxal dans ce cas de ‘progrès’ fait référence à une interprétation de Daniel Vouga, analysant l’influence essentielle de Joseph de Maistre chez Charles Baudelaire (la plus importante influence de Baudelaire avec Edgar Allan Poe), dans Baudelaire et Joseph de Maistre (Corti, 1957). Observant l’emploi laudatif du concept de “progrès” chez Maistre et chez Baudelaire, paradoxe absolu proche de la contradiction impossible pour ces deux penseurs antimodernes par excellence, Vouga observe ceci : “[P]rogresser, pour eux, ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver... [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue...”

» ”Ainsi progressons-nous (!) nous-mêmes, dans ce vaste domaine opérationnel de ‘crise unique’ transmutée en crise haute, de l’idée de la nécessité de détruire tout le Système avant d’espérer quoi que ce soit, à l’idée que seule la destruction du Système nous permet d’espérer quoi que ce soit ; et ce “quoi que ce soit”, certes, étant “le seul progrès possible” de Maistre-Baudelaire, qui est la retrouvaille de l’Unité et sa “renaissance à nos yeux”. (Unité qui, par essence, n’a jamais péri pour renaître, mais a disparu de notre vision à cause de la Chute.)

» ”Ainsi, le paradoxe du Système en crise tient au fait que ses caractères essentiellement maléfiques fondèrent sa puissance évidemment maléfique, mais peuvent et doivent finalement conduire à son contraire par le passage de sa destruction (logique de la surpuissance devenant autodestruction). Le paradoxe est en effet que la surpuissante structuration du Système, son hermétisme absolu, sa prétention tout aussi absolue à absorber et à représenter le Tout du monde (la globalisation, grâce à la surpuissance du technologisme et le maillage psychologique de la communication), font de lui une certaine Unité (absolument négative, certes). Il s’ensuit que sa crise, pour être parfaitement de lui-même, doit nécessairement être une crise unique’, à hauteur et à l’imitation de sa propre déstructuration, et de ses prétentions globalisantes. Cela conduit à l’observation hypothétique mais logique que la résolution (absolument positive) de cette crise également ‘unique’, qui constituera nécessairement un “progrès” conduit par enchaînement logique à une résolution qui est elle-même unique, qui ne peut être que l’Unité. C’est la notion de progrès de Maistre-Baudelaire heureusement invertie en un retour au Principe Unique.

» ”L’idée suggérée plus haut que la perception de la situation présente se concrétise sous la forme d’une crise unique, ou intentionnellement nommée ‘crise haute’, est une idée extrêmement importante... [...] Elle éclaire par son importance le débat que nous présentons ici, recherchant à proposer la représentation de l’ensemble des évènements (des crises) qui bouleversent le monde comme une crise unique, cela contre les négationnistes qui refusent absolument cette notion. Bien entendu, comme nous l’avons souvent répété, cette crise unique est celle du Système, ou celle de la modernité, – la crise de l’effondrement du Système. Mais sa représentation en une ‘crise haute” permet, non seulement d’élargir le concept, mais surtout de le hausser décisivement.

» ”A la ‘crise haute’ correspond en effet, implicitement puis explicitement lorsque la chose prend tout son sens, l’accès à l’intuition haute pour comprendre le sens de l’évènement. C’est alors qu’apparaît l’autre idée complémentaire que cette crise haute est aussi un passage à une unité de conception, transitant bien entendu par une unité de destruction (du Système). Dès lors, la crise haute, par son caractère unique, débouche effectivement sur une perspective tout à fait nouvelle : au-delà de la destruction (du Système), et grâce à la destruction de quelque chose d’unique (le Système), elle conduit à une ouverture vers ce qui pourrait être, – vers ce qui doit être un accès nouveau à l’Unité (au Principe Unique), ce concept fondamental de la Tradition. D’où cette observation que l’on passe de ‘l’idée de la nécessité de détruire tout le Système avant d’espérer quoi que ce soit’, à l’idée que ‘seule la destruction du Système nous permet d’espérer quoi que ce soit’... Il s’agit de l’idée fondamentale que non seulement la destruction est le passage obligé vers un ‘Progrès’ décisif (dans le sens Maistre-Baudelaire), mais qu’elle est le ferment, la fécondation même de cette conception.

» ”Cette idée fondamentale, telle qu’explorée puis définie dans son sens le plus haut, ne représente rien de moins que la rupture fondamentale du passage d’une situation historique évènementielle (où les évènement conditionnent l’histoire et répondent à une logique historique de cause à effet) à une situation métahistorique qui se sert de la situation évènementielle, qu’elle manipule à son gré, selon son dessein fondamental (où les évènements sont manipulés de façon à satisfaire ce dessein métahistorique, sans plus se soucier des rapports de cause à effet).” »