En attendant l’USAF

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De la dernière analyse de l’excellent Tom Engelhardt et de son collaborateur Nick Turse, sur TomDispatch le 4 janvier 2010 – encore une revue prévisionnelle de l’année 2010, avec différents facteurs envisagés qui concernent tous l’évolution des “guerres” US dans le monde, décidément une activité si féconde… Nous choisissons le facteur n°2, parce qu’il nous paraît intéressant et qu’il correspond à une tendance intéressante.

«2. Will the U.S. Air Force be the final piece in the Afghan surge? As 2010 begins, almost everything is in surge mode in Afghanistan, including rising numbers of U.S. troops, private contractors, State Department employees, and new bases. In this period, only the U.S. Air Force (drones excepted) has stood down. Under orders from Afghan War commander General Stanley McChrystal, based on the new make-nice counterinsurgency strategy he’s implementing, air power is anything but surging. The use of the Air Force, even in close support of U.S. troops in situations in which Afghan civilians are anywhere nearby, has been severely restricted. There has already been grumbling about this in and around the military. If things don’t go well – and quickly – in the expanding war, expect frustration to grow and the pressure to rise to bring air power to bear. Already unnamed intelligence officials are leaking warnings that, with the Taliban insurgency expanding its reach, “time is running out.” Counterinsurgency strategies are notorious for how long they take to bear fruit (if they do at all). When Americans are dying, maintaining a surge without a surge of air power is sure to be a test of will and patience (neither of which is an American strong suit). So keep your eye on the Air Force next year. If the planes start to fly more regularly and destructively, you’ll know that things aren’t looking up for General McChrystal and his campaign.»

@PAYANT Eh bien, cela est assez juste. L’incident qui a opposé McChrystal aux Allemands, à la suite d’une attaque aérienne, en septembre 2009, a accéléré un processus remarquable. Il s’agissait de deux camions-citernes saisis par les talibans, l’attaque aérienne avait été demandée par les Allemands occupant la zone, elle avait été effectués par des F-15 de l’USAF sans supervision de McChrystal, elle avait fait près de 100 morts civils. Le choc médiatique et politique de cette attaque avait été considérable. Effectivement, depuis cet incident, le soutien aérien allié en Afghanistan est soumis à des restrictions impitoyables, à un point où certains militaires jugent que l’OTAN se prive de sa principale puissance. Une source à l’OTAN a fait cette étrange analogie: «C’est comme au Vietnam, en pire. L’administration Johnson avait imposé des limites importantes, autant géographiques que matérielles, aux attaques aériennes contre le Nord, et chaque sortie était contrôlée jusqu’au tonnage spécifique des bombes elles-mêmes. Toute une école militaire US estime que c’est la cause de l’inefficacité des bombardements et de la défaite US. Aujourd’hui, ce sont McChrystal et le commandement US qui jouent le rôle de l’administration Johnson dans les années 1965-68…»

De ce point de vue, Engelhardt-Turse ont raison. Il y a déjà eu des situations en Afghanistan, depuis septembre 2009, où des unités terrestres US et alliées se sont trouvées en grandes difficultés et où l’appui aérien leur a été refusé. Si des incidents graves ont lieu ces prochains mois, si des progrès importants ne sont pas enregistrés, la pression deviendra trop forte pour qu’on ne décide pas de lever nombre des plus importantes restrictions. McChrystal lui-même devra s’y soumettre s’il ne veut pas risquer des prolongements humiliants en Afghanistan.

Il faut noter qu’une évolution similaire avait eu lieu en Irak en 2006, avec l’accroissement considérable des sorties aériennes (avec les dégâts “collatéraux” qui vont avec, indeed…). Mais la situation était différente: l’intervention aérienne ne venait pas en soutien de l’activité terrestre mais la suppléait, pour limiter les engagements et les pertes à terre, et cela fut interprété comme un changement de stratégie. En Afghanistan, l’intervention aérienne viendra en appui de forces terrestres qui doivent impérativement rester aussi actives que possibles, selon la nouvelle tactique “contre-insurrectionnelle” d’occupation du terrain – sorte, pour ce domaine, de réinvention de la roue, façon postmoderniste avec l’aide de divers acronymes qui donnent du poids à la chose. Cette intervention aérienne renouvelée serait donc effectivement interprétée comme un signe de l’aggravation de la situation des forces US-OTAN («If the planes start to fly more regularly and destructively, you’ll know that things aren’t looking up for General McChrystal and his campaign.»). Elle relancera la polémique sur ce type d’attaque, avec les pertes civiles, et contrecarrera un des deux buts de la campagne actuelle (le “surge”) qui est de rallier les populations civiles à la cause US-OTAN. La conséquence sera alors un durcissement du pouvoir afghan, qui a réclamé à corps et à cris l’interruption des attaques aériennes, et par conséquent cela contrecarrera l’autre but de la même campagne actuelle, qui est de conduire les autorités afghanes à s’engager à fond dans la bagarre pour permettre aux troupes US-OTAN de partir le plus vite possible.


Mis en ligne le 5 janvier 2009 à 08H25