En attendant McCain, le général de Gaulle en rit déjà

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Le 3 juin s’est tenu à Bruxelles un séminaire sur le thème de “NATO in the Next Decade”, sous les auspices bienveillantes d’un programme d’un think tank bien connu à Bruxelles, le programme Security and Defence Agenda dont Gilles Merritt est à l’origine. Cela nous a rajeunis parce que, pour qui suit les affaires de sécurité européenne et surtout de l’OTAN disons depuis les années 1960, le thème de la “Next Decade” (ou “Next Generation”, variation sur le thème) est un classique de la réflexion otanesque. En général, le résultat est un élégant bla-bla qui a le mérite de manifester l’existence d’un courant de pensée réussissant avec grâce à faire passer le conformisme pour le sommet de l’audace et la manifestation de la liberté. Bref, c’est utile pour mesurer l’état de l’esprit plus que pour découvrir les perspectives de l’esprit.

C’est pourquoi l’on ira aussitôt à deux courts et rapides extraits de cette conférence, – pour montrer qu’on peut aussi avoir quelques effluves des perspectives de l’esprit, malgré le mauvais esprit caractérisant nos commentaires. Egalement ces deux citations, parce qu’il nous intéresse de humer ce que pourraient être les futures relations entre les USA et l’OTAN, entre les USA et l’Europe, entre la France et l’un et l’autre et ainsi de suite. Voici les deux citations.

• «Even 10 years from today, no other group of nations will cooperate more closely among each other [than NATO]. No other group of nations will have the institutional toolkit that is essential to facilitate such cooperation – and the best tool is NATO.» (De Hoop Scheffer, secrétaire général de l’OTAN.)

• «It will be unmanageable. It's creating new blocs; it's creating also a kind of counter-U.N.» (Benoît d'Aboville, ancien ambassadeur de France à l’OTAN et conseiller aux ministères français de la défense et des affaires étrangères.)

…Précisons : les deux intervenants parlaient de l’idée développée en février 2008 par John McCain, candidat républicain à la présidence, sous les auspices de la pensée-neocon représentée à cette occasion par l’historien-potiche/-postiche Robert Kagan, mari de l’actuelle ambassadrice US à l’OTAN Victoria Noland. Cette idée, dit-on dans les coulisses, est en train de prendre corps et de prendre du corps à Washington, où les récents événements des années 2001-2008 ont prouvé la validité exceptionnelle et la sagesse sans exemple des thèses néo-conservatrices. Cette idée d’une “ONU de la défense” remplaçant l’OTAN ou tout comme est due, on doit le rappeler, à l’éminent Richard Perle, dès octobre 2002. Comme on voit, “plus ça change plus c’est la même chose”.

Cela dit, la perspective est assez jubilatoire, cette idée d’“ONU de la défense” qui viendrait comme une concurrente de l’ONU, comme dit d’Abotville, mais aussi et surtout comme une concurrente mortelle de l’OTAN, comme ne le dit pas directement son secrétaire général (au nom difficile à retenir). En effet, jubilatoire parce que vous verriez l’OTAN affrontant soudain son géniteur principal, les USA… Oh, il y aurait matière à de superbes théories du complot, à-la-Gorbatchev (l’URSS éliminant le Pacte de Varsovie, le communisme et l'empire: ruse du KGB).

Non, sans rire, il serait excellent que ce projet transcende les partis à Washington et soit retenu pour la nouvelle administration quelle qu’elle soit. Elle mettrait tant de sel sur les relations transatlantiques, – au moment où la France retombe dans les bras de l’OTAN, quelle joie ce serait pour nos experts et nos commentateurs. Vous verriez alors la plus belle des batailles, l’OTAN versus Washington, assortie, d’après ce qu’on entend, de Paris versus Washington par l’intermédiaire de l’OTAN. Le général de Gaulle, mes seigneurs, en rit encore.


Mis en ligne le 4 juin 2008 à 14H20