En avant pour la “coalition du chaos”

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Qui sera chancelier ? Quelle sera la coalition ? Le grand chaos semble la réponse générale que les électeurs ont fournie. La plus belle innovation dans les hypothèses nombreuses que ce scrutin allemand a engendrées vient de la formule qui est née dans l’imagination féconde des commentateurs, d’une coalition CDU/CSU-FDP-Verts. Die Welt, qui recommande cette formule, la juge « étrangement fascinante », — là, le mot est juste, sans nul doute. Le journal, en même temps qu’il déplore l’absence de réponse claire et précise de l’électorat, estime pourtant que « L'Allemagne est confrontée à d'importants problèmes qui requièrent un leadership et des décisions difficiles ». Il semble donc que cette « étrangement fascinante » coalition en-devenir soit la formule qui donnera ce leadership nécessaire aux « décisions difficiles ». Raisonnement paradoxal pour un temps de chaos.

Le journal Bild, conservateur comme Die welt, recommande la même formule. Aux questions qu’ils se posent : « Qui dirigera l'Allemagne ? De nouvelles élections sont-elles la seule issue à ce résultat chaotique ? », il répond là aussi paradoxalement qu’il s’est tout de même dégagé une « majorité pour la réforme » (dans laquelle les Verts sont mis d’autorité), et que la formule qu’il préconise y répond. Même si la chose n’étonnera personne au regard de leur évolution depuis les années 1960, que les Verts soient mis d’autorité dans une majorité conservatrice destinée à appliquer au forceps des réformes hyper-libérales ne manque pas de sel.

Le grand journal Süddeutsche Zeitung de Munich observe que les élections sont une catastrophe pour la CDU/CSU, prévoit l’heure venue des «  Machiavel et des grands stratèges » et envisage une grande coalition ou une alliance SDP-FDP-Verts.

Avec son titre « coalition chaos à Berlin », Handelsblatt constate l’évidence ; de même lorsqu’il constate que les électeurs, habiles ou machiavéliques, ont fait d’un parti complètement discrédité, — la CDU/CSU, — le premier parti d’Allemagne. C’est l’image d’un temps historique.

Finalement, la palme du commentaire revient au Financial Times-Deutschland, qui ne semble pas avoir perdu l’humour britannique, peut-être involontaire, en se germanisant. « Deux perdants veulent être chanceliers », résume-t-il avec son titre. Son jugement surréaliste est assez intéressant lorsqu’il observe qu’Angela Merkel deviendra sans doute la première chancelière et que, comme si l’enchaînement logique allait de soi jusqu’à introduire le terme “par conséquent” entre les deux membres de la phrase, sa fin politique est proche… (Explication : parce qu’elle n’a pas pu faire mieux que ce qu’elle a fait hier.)

« Après vous, Frau Meilkel », exhorte ironiquement la Berliner Zeitung. A elle d’essayer de déchiffrer l’énigme du sphinx démocratique, puisque « [l]es électeurs ont parlé, mais ce qu'ils ont dit n'est pas facile à comprendre ».

Le pays de l’ordre a poussé la formule démocratique jusqu’à son extrême de désordre. Cela reflète l’esprit du temps.


Mis en ligne le 19 septembre 2005 à 13H30