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16 décembre 2004 — Il y a toujours une lutte serrée dans “la gestion de la perception”, comme disent les spécialistes d’aujourd’hui de la communication, pour faire passer au second rang de l’intérêt des commentateurs et de leurs lecteurs la guerre en Irak. L’enjeu est de taille : il s’agit, par ce biais, de faciliter la “réconciliation” euro-américaine, — assez curieusement, comme s’il y avait eu brouille. Pourquoi cette “réconciliation” ? Parce qu’on ne sait pas quoi faire d’autre. Aujourd’hui, la réflexion de 99,5% des fonctionnaires européens est limitée à l’incantation permanente, avec encens chez certains, pour qu’on retrouve les temps heureux de l’entente transatlantique. La médiocrité extraordinaire de la pensée et du propos est à mesure inverse de l’importance des moyens de communication pour accréditer une politique qui n’a aucune chance d’être négociée de quelque façon que ce soit, et qui ne se fera pas, simplement.
[Cette “réconciliation” est attendue pour le voyage de GW Bush à Bruxelles en février 2005. Des émissaires officieux de Washington sont partout en route pour annoncer la “Bonne Nouvelle”, comme Simon Serfaty [du CSIS de Georgetown University] qui se trouvait à Bruxelles la semaine dernière. (Serfaty, par sa modération, est un émissaire favori vers les Européens modérés et anti-GW, qui peuvent ainsi croire à la survie d’une “bonne” Amérique.) Cette “réconciliation” consistera en ceci : GW arrivant à Bruxelles, ouvrant les bras et disant “Oublions le passé”. Cela signifiera, pour les Européens, s’aligner sur Washington sans conditions mais d’une façon plus discrète que ce qu’on avait exigé auparavant. La manœuvre n’a aucune chance d’aboutir parce que les Européens sont trop faibles pour exercer une telle pression sur leur politique, vers une vassalisation encore plus grande, — il faut tout de même de la force pour déchoir davantage, comme le montre la littérature du vice et du péché. De toutes les façons, la situation en Irak, en aggravation accélérée comme on le constate ici, ne le permettra pas. L’Irak va nous exploser à la figure avant notre tentative de “réconciliation”.]
En effet, la guerre subsiste, malgré les pressions des services de communication et les escapades de Serfaty. Son évolution est consternante, son aggravation abyssale. Les dernières évaluations sont particulièrement inquiétantes, avec des évaluations de source officielle américaine montrant une amélioration sensible de l’organisation et de l’action de la résistance. Un signe significatif à cet égard est ceci, qui marque une perte de contrôle extrêmement inquiétante de la situation : « The commander of the US Air Force announced on Tuesday that the military in Iraq had begun using C-130 military cargo aircraft to ferry some food and equipment high above dangerous roadways in order to relieve pressure on ground convoys. »
On insiste sur ce fait : cette évolution inquiétante est admise par les militaires américains ; elle est explicitée par eux. (Encore ne s'attarde-t-on pas trop ici sur la situation interne des forces américaines.)
« Air Force Lieutenant General Lance Smith, deputy chief of US Central Command, said on Wednesday that a bold, innovative “insurgency” is becoming more effective against US supply lines in Iraq and explosive attacks have slowed military operations there.
» “They have had a growing understanding that where they can affect us is in the logistics flow. They have gotten more effective in using IEDs,” said Smith, referring to improvised explosive devices hidden beside roads.
» “They may use doorbells today to blow these things up. They may use remote controls from toys tomorrow. And as we adapt, they adapt,” he added.
» Smith said US forces in Iraq now totaled 148,000 troops — up from 138,000 at the start of this month and near the 150,000 planned to protect national elections in January.
» But roadside explosives are hindering military operations and reconstruction nearly two years after the invasion. “They cause us to re-route vehicles. They cause us to have to employ tactics... in avoiding them. And [they] cause us to have to convoy where maybe otherwise we would prefer to move in smaller numbers,” Smith said. “So it is having an impact.” »
Dernier élément à prendre en compte, d’ailleurs illustré par les déclarations du général Lance Smith (les militaires prenant leur distance de l’optimisme officiel pour prendre date lorsqu’on fera les comptes) : la désinformation volontaire et la cacophonie internes sont plus fortes que jamais. Plus que jamais, il y a une situation de virtualisme au cœur de l’administration GW, avec des écarts, voire des contradictions significatives et volontaires sur l’évaluation de la situation. Même des parlementaires US s’en aperçoivent, s’en inquiètent et s’en offusquent.
« On Capitol Hill, Senator Evan Bayh of Indiana, a Democrat on the Senate armed services and intelligence committees, said Congress should look into why an assessment of the situation in Iraq by the top CIA official was very different from opinions expressed by the US ambassador in Baghdad, John Negroponte.
» “When you hear dramatically different opinions and assessments by officials of our government about the situation in Iraq in a matter of minutes, that bears further investigation as to why,” Bayh said after a visit to Iraq.
» The New York Times reported last week that the CIA's station chief in Baghdad had painted a bleak picture of Iraq in a classified cable and cautioned that security was likely to deteriorate unless the interim Iraqi government made significant progress in asserting its authority. “The ambassador obviously has to try and put a better face on things and with some reason, there are other things going on that do give some reason for hope,” said Bayh. »
La situation en Irak est une bombe à retardement. Son explosion, lorsque la gravité des événements mènera à l’un ou l’autre revers majeur des Américains, va constituer un événement politique important et très déstabilisant. Plus que jamais, l’analyse d’un William S. Lind sur l’issue de la guerre est complètement justifiée, — étant admis que son hypothèse sur un retrait US après les élections de janvier est évidemment, comme Lind lui-même le laisse entendre, de plus en plus improbable, sinon inenvisageable et impossible. Pour GW et Washington, ce sera donc ceci : « …to remain in Iraq until we are driven out in a humiliating defeat. »
« Between now and January, the Bush administration will have to decide whether or not to take the last dignified exit from Iraq. That is to announce before the Iraqi elections that we will be leaving soon after them. If Bush and his neo-con handlers miss this opportunity, our only choice will be to remain in Iraq until we are driven out in a humiliating defeat. »