En parler ou pas (du JSF) ?

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Eric L. Palmer est éditeur d’un site qui a acquis une certaine notoriété, ELP Defens(c)e Blog. Le 17 mai 2011, Palmer annonçait un changement de formule, non seulement du point de vue formel ou graphique (il est coutumier du fait), mais également du point de vue du fond. Son annonce des sujets nouveaux qui l’intéressent reste assez confuse, ou très générale (“anything of interest”), avec le sentiment qu’il annonce peut-être un changement fondamental dont on cherche en vain sur quoi il portera par rapport à ce qu’il a fait jusqu’au 17 mai… «I am moving and changing my blog. This blog known as ELP is going to take a different path. I will write about Defens(c)e matters, but I will also write about other things: Australia, the U.S., politics, technology, and anything of interest…»

Palmer est connu sur le réseau Internet comme un des contestataires marquants du programme JSF, notamment à côté d’un Bill Sweetman ou d’un Carlo Kopp avec son site Air Power Australia. Dans l’annonce de sa nouvelle formule et pour ce qui concerne les sujets traités, Palmer a un mot pour cet aspect de ses activités, qui est un mot sinon d’abandon du sujet, dans tous les cas de désintérêt, – un désintérêt sur lequel il y a beaucoup à dire. (Il est à noter, et nous le faisons, qu’un lecteur manifeste un sentiment similaire vis-à-vis du même sujet. Cette similitude de date et de sentiment nous a paru intéressante, sinon statistiquement, du moins symboliquement.) Palmer écrit donc ceci :

«The albatross known as the F-35 may come up from time to time, but those days are mostly done. If someone hasn’t figured out that it is a failure by now, they never will until it is too late.» (Nous n’insisterons pas trop sur le fait, tout de même significatif, qu’après cette déclaration de désintérêt pour le JSF, – “nous en parlions beaucoup, nous en parlerons de temps en temps”, – Palmer en parle tout de même, deux jours après l’ouverture de son nouveau blog, ou blogue, le 20 mai 2011, à propos des auditions au Sénat US dont nous parlons nous-mêmes.)

Pour nous, cette sorte d’appréciation est intéressante et implique un débat essentiel ; nous parlons très précisément de cette appréciation du désintérêt pour le JSF parce que trop d’intérêt lui aurait été accordé, et parce que, finalement il n’y aurait plus rien à en dire. Il y a deux logiques à l’œuvre dans ce cas : une logique du choix (nous choisissons l’événement que nous devons suivre et commenter) ; une logique de la puissance spécifique de l’événement (l’événement s’impose à votre choix, y compris sur la durée et pas nécessairement selon le sensationnalisme quotidien, par sa propre spécificité).

La question du choix nous paraît bien incertaine et confuse. Palmer désigne son site comme un blog, – nous préférons, pour notre compte et parce que nous écrivons en français, le mot “blogue”, selon la proposition de l’Office québécois de la langue française (aucun mot d’adaptation en français n’ayant jusqu’ici été adopté). Pour nous, il s’agit bien d’un site, dans la mesure où Palmer a suivi avec une grande continuité certains événements qui s’imposaient à lui selon son jugement, dont évidemment le F-35, mentionné presque quotidiennement jusqu’à sa rupture du 17 mai.

Un site, lorsqu’il traite le sujet de l’information générale, et politique plus particulièrement, est pour nous comme un organe d’information, d’analyse, voire de la réflexion la plus profonde et la plus ambitieuse, mais tout de même lié à la réalité, ou à la vérité du monde, et notamment à la puissance des événements, et donc aux événements ; le choix s’opère selon le jugement qu’on fait de la puissance de l’événement, – on verra cela plus loin, – et non selon sa propre humeur, son caprice, ses penchants, ses obsessions, réunis dans une vision subjective dont le caractère essentiel est qu’il s’agit d’une subjectivité absolument tournée vers soi-même, centrée sur l’accent donné à ses propres caractères, et nullement à ceux du monde extérieur en général tels qu’ils existent en eux-mêmes. Dans ce dernier cas d’une subjectivité renvoyant à soi-même, on devrait parler plutôt d’un “Journal”, à la manière d’un “journal littéraire”, et à ce moment la caractérisation de “blogue” convient parfaitement, et non pas celle de “site”. Il nous paraît aller sans dire, mais nous l’écrivons tout de même, que dedefensa.org est un site et nullement un blogue.

Cela nous conduit à la “logique de la puissance spécifique de l’événement”, deuxième axe de réflexion proposé ci-dessus. Il se trouve qu’à cet égard, comme nous l’avons très souvent répété depuis presque les origines de ce site (voyez le 13 mars 2003, reprenant un texte de notre Lettre d’Analyse alors sur papier dd&e du 10 janvier 2002), la subjectivité a pris une place fondamentale dans la démarche parce que nous sommes entrés dans une époque du système de la communication où l’interprétation, la déformation, l’appréciation passionnelle et subjective, le mensonge, surtout le virtualisme, règnent en maîtres et d'une façon qui ne se dissimule plus d'aucune manière. Nous avons toujours pensé que ce changement mettait les choses au net, qu’il exposait au grand jour ce qui a toujours existé d’une façon dissimulée sans aucun doute dans l’époque de la modernité, qu’il donnait enfin sa profonde réalité à la soi disant “objectivité”. (Notre point de vue est que l’“objectivité” n’a jamais été, en rien du tout, un caractère essentiel du système de la communication et de l’information qu’il charrie, mais le plus souvent, au contraire, une duperie complète.)

…Comme nous l’avons souvent répété, ce changement ne peut être jugé que comme positif. Cette nouvelle “subjectivité” imposée par le mode de fonctionnement du Système, sa décadence en un sens (c’en est une de transformer des informations qu’on arrivait à grimer en faits objectifs, en des informations subjectives avérées), reviennent pour nous à nous inciter fermement à chercher une nouvelle formule de pensée et, même, de perception du monde. Il s’agit de faire intervenir, à côté de ce que nous distinguons de l’information, de ce que notre raison en appréhende, l’expérience, certains engagements en connaissance de cause, et, surtout, nous l’espérons et au dessus de tout, l’influence inspiratrice de l’intuition haute.

C’est bien entendu à cette lumière générale qu’il faut juger de ce que vaut l’“événement-JSF”, de l’importance qu’il importe de lui accorder, de la signification réelle qu’il a et ainsi de suite. S’arrêter aux simples paramètres habituels, en juger comme l’on juge d’un simple système d’arme, tout cela n’a guère de sens dans la période où nous nous trouvons et dans les conditions qui sont les nôtres.

Extrait de La grâce de l’Histoire

C’est à ce point qu’il faut que nous introduisions notre conception de l’Histoire, particulièrement de la part récente de l’Histoire, la part décisive où la civilisation occidentale est devenue “contre-révolution”, à ce moment que nous définissons comme celui du “déchaînement de la matière”. On retrouve ces différentes conceptions dans les divers textes de présentation et de développement de La grâce de l’Histoire (voir la rubrique) ou dans tel ou tel texte de la rubrique DIALOGUES. A la lumière du développement de cette thèse apparaît une conception de l’Histoire qui se débarrasse des chaînes imposées par une raison complètement subvertie par le Système, qui tient compte des impératifs de rangement correspondant à la logique du Système, qui prend à son compte enfin le champ libérateur ouvert par cette subjectivisation que nous avons mentionnée en introduisant dans notre perception l’apport fondamental et également libérateur de l’intuition haute.

On observe alors que l’Histoire tel que son récit apparaît selon ces conceptions effectue une révolution dans l’appréciation des événements. Cela va dans le sens d’une simplification autour de l’événement central et fondamental du “déchaînement de la matière” poursuivie dans l’installation de ce qu’on nomme le Système, avec une réduction décisive de nombre d’événements jusqu’alors considérés comme importants, et ramenés à être considérés par rapport à “l’événement central et fondamental du ‘déchaînement de la matière’”. Ce phénomène est notamment décrit au début de la Cinquième Partie de La grâce de l’Histoire, actuellement en cours de rédaction sur sa fin, avec une relecture en cours du début…

« La “thèse” de cet essai (les guillemets s’imposent, tant ce travail est si peu universitaire, si peu scientifique, tant cet essai est effectivement un “récit”, comme je l’écris souvent), – la “thèse” de cet essai est donc que l’événement essentiel qu’il entend décrire, et qu’il décrit effectivement, est d’une telle puissance, d’une telle importance, qu’il marginalise tous les autres ou, au contraire, les absorbe, les deux choses conduisant à la même issue d’ôter leur spécificité à tous ces événements devenus secondaires dans l’ordre des choses ; et certes, l’on ajoutera, comme quelque chose qui devient une évidence qui soutient la thèse de ce récit, que cet “événement essentiel” est d’abord et incontestablement une usurpation qui a subverti l’histoire du monde. A décrire cet événement central et essentiel comme on le fait, tout le reste se range et doit être rangé en fonction de lui, et toute l’importance du reste ne devient qu’indirecte, par rapport à l’axe central. Cette portion de l’Histoire est certainement colossale mais on l’a décrite jusqu’ici d’une façon qui dissimulait l’essentiel de son usurpation, parce que l’essentiel de nos clercs, de nos historiens assermentés et institués par conséquent, avaient pour consigne implicite, je dirais presque inconsciente car ces gens ne sont pas mauvais en eux-mêmes, d’accomplir effectivement cette mission de dissimulation ; ils l’ignoraient, certes, je le répète, mais ils firent en sorte qu’il en soit ainsi. Ils nous ont laissé avec une construction considérable, décrivant les deux siècles qui nous importent, je dirais presque benoîtement, avec un trait qui créait une autre réalité, avec une répartition indiscutable des bons et des méchants, des mots terribles pour couper court à toute contestation, des mots comme “réactionnaires” par exemple, et puis pour emporter et couronner le tout d’une tiare de vertu l’emportement du Progrès. Tout cela devait aller comme sur des roulettes, mais ce ne fut pas le cas.

»Avec la résolution que je propose dans mon entreprise, on retrouve l’élan puissant et l’inspiration de l’Histoire du monde tels qu’ils furent réellement, tels qu’ils soufflèrent, jusqu’au bouleversement qui nous emporte aujourd’hui. Dans le cours de cette enquête essentielle, l’on découvre que l’Histoire que je qualifierais de “retrouvée” a entrepris une lutte à mesure pour réduire cet usurpateur qu’on vient de décrire. On a compris que cette puissante force métahistorique que je décris, qui nous dépasse et nous manipule, et nous trompe, qui nous imposa ces dissimulations de l’usurpation, qui fabriqua un univers de faux semblant autour de quelques idoles dont la plus remarquable est le Progrès, cette puissante force est effectivement maléfique. Son ambition de subversion universelle se porte d’abord contre l’Histoire, également celle-ci en tant qu’entité métahistorique, et l’Histoire a donc fini par relever le défi. L’homme, sapiens évolué, n’y a qu’une place et qu’un rôle annexe, souvent d’idiot utile d’une entreprise maléfique ou à l’inverse, en beaucoup moins grand nombre sans aucun doute, il y a une place de résistant au nom d’une grande Cause, la plus grande de toute. La puissance de cette scène universelle est telle qu’elle impose l’arrangement de simplification qu’on a vu, et qu’ainsi, c’est ouvrir la vue d’une lumière universelle aux aveugles et faire sonner le fracas du monde dans les oreilles des sourds.»

Le JSF en coma artificiel et prolongé

Il y a donc nombre d’événements qui paraissent importants et qui ne le sont plus guère, soit qu’ils sont réduits, soit qu’ils sont absorbés par “l’événement central et fondamental du ‘déchaînement de la matière’”. Il y a, au contraire, quelques événements qui, inscrits dans cet “événement central et fondamental du ‘déchaînement de la matière’”, acquièrent une signification elle-même centrale et fondamentale. Ils deviennent une partie de la centralité ainsi décrite et se placent au cœur de notre phénomène historique, de notre grande crise terminale, et ils le décrivent d’une façon concréte et dramatique, à mesure de leur évolution. C’est précisément la place que nous attribuons à l’“événement-JSF”, qui devient, selon la formule consacrée, – “le JSF, c’est bien plus que le JSF”…

Les arguments sont sans nombre pour décider ainsi du destin et de la signification du JSF, au point de faire de ce programme d’avion de combat un facteur central de la crise du Système, réunissant des références fondamentales, lié à d’autres facteurs centraux décisifs. (On consultera, si l’on en a le courage et l’entêtement, les textes que nous avons consacrés à cet aspect de la question : le 25 septembre 2008, le 3 novembre 2009, le 18 février 2010, le 22 mars 2010, le 25 mars 2010, le 17 juin 2010…Le 25 avril 2011, nous situions encore l’ampleur du cas : «Nous sommes passés au JSF qui est le sujet du jour, et un de nos sujets favoris, mais il va de soi que le raisonnement a valeur universelle dans l’exploration du Système en crise terminale. Il vaut pour Wall Street et pour d’autres centres de pouvoir, comme le Pentagone, l’Europe institutionnalisée de Bruxelles, Sarkozy, etc. C’est à ce point que nous avons toujours tenu le JSF comme un sujet prodigieusement intéressant, dépassant la problématique militaire, technologique, etc., ayant sa spécificité propre d’artefact de la crise, avec des relations certaines et un peu incestueuses avec le Pentagone et sa crise. Nous sommes dans la même galère.»)

…Cela revient à ce point où, affirmant que “le JSF, c’est bien plus que le JSF”, nous affirmons également qu’il nous importe peu de savoir si le JSF est mort ou n’est pas mort. La chose ne se pèse pas en terme de “victoire” et de défaite” (du JSF), et il ne nous importe pas essentiellement de savoir si la liberté des hommes du Monde Libre survivrait à la réduction de la commande du JSF ; ou bien si, la commande du JSF étant éventuellement réduite radicalement, y compris chez les serviteurs non-US, une voie lucrative ne serait pas ainsi ouverte aux “concurrents-amis” (type Rafale). Tout cela, c’est de l’arrière-cuisine de corps de garde. Ce qui nous importe est que le JSF est vraiment un événement central du Système et de sa crise, donc une description implacable de la crise du Système. Pour aller au plus simple et au plus évident, on observera que sa poursuite peut entraîner un effondrement du Pentagone à cause d’une comptabilité faussaire, sa chute peut entraîner un effondrement du Pentagone à cause d’une planification rendue folle, etc. Ni sa mort ni sa survie ne nous intéressent fondamentalement, mais son agitation, ses effets sur le Système, son rôle primordial dans la crise terminale du Système.

Alors, – estimer le JSF “cliniquement mort” (comme suggère notre lecteur), voilà qui ne rencontre nullement notre perception. Bien au delà, notre estimation est exactement contraire : il y a bien longtemps que le JSF est mort, “cliniquement”, biologiquement, technologiquement, conceptuellement et ainsi de suite, et tout ce qu’il vous plaira… Au contraire d’être “cliniquement mort”, il est maintenue en survie artificielle, en coma provoqué et prolongé, pour faire croire que la chose existe toujours, – sinon, il faut le savoir, tout s’effondre en vérité. Par conséquent, non, mille fois non, il ne faut pas surtout pas abandonner la description de son destin ; c’est aujourd’hui plus que jamais que le JSF est intéressant à suivre, le mort-vivant, l’avion-zombie, le fantôme du Hollandais volant postmoderniste, (et stealth en plus, ceci expliquant cela). Il va de soi que nous continuerons à parler du JSF, ô combien, parce que le JSF l’impose et s’impose.

Il y a une tendance souvent manifestée sur Internet de réclamer qu’on traite plus ou moins tel sujet, parce que tel ou tel sujet, finalement, c’est moins amusant, etc. L’on devrait plutôt apprendre à s’incliner devant la réalité formidable des modalités de la décision de ce qui est d’un réelle et fondamentale importance, et comprendre que la décision, justement, ne dépend en rien de nous, certainement pas de nos goûts et nos couleurs. Devant la vérité du monde qui se révèle à l’occasion de la crise centrale et dans la crise centrale, devant l’eschatologisation des événements du monde, le sapiens n’a plus qu’à observer les choses et à tenter de rendre compte de ce qui s’impose à lui, s’il est loyal, honnête et pas trop aveugle. Ce sont les événements qui décident, et nous n’avons aucun contrôle sur eux, et certainement pas ceux qui sont aux postes de contrôle ; notre choix est réduit à la lucidité de distinguer cette vérité-là. La vérité du JSF, c’est qu’il s’agit d'une des plus formidables applications dans les processus industriel, technologique, militaire, et bien entendu pour la psychologie puisque nous sommes dans la maison des fous, de la logique de l’”idéal de puissance”, de la logique du Système, jusqu’au bout, jusqu’au bout, jusqu’à l’effondrement final… Nous accompagnerons le JSF dans sa chute, en l’interviewant régulièrement, pour savoir comme les choses se passent, et si, finalement, l’explosion finale sera encore plus gigantesque que nous n’attendions.


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