En pleine campagne présidentielle, la marche vers la paralysie du processus politique

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La situation et les chiffres sont extraordinaires. Jamais le parti républicain n’a été aussi bas dans les sondages (27%) et une majorité d’Américains veut un démocrate comme président en 2009. Tous les sondages donnent une évolution où le candidat républicain McCain ne cesse de remonter et arrive désormais quasiment à égalité avec l’un ou l’autre candidat démocrate. L’affrontement Obama-Clinton est plus que jamais figé dans un échange d’arguments impératifs pour que ni l’un ni l’autre ne soit le “bon” candidat démocrate. Chiffre sans précédent dans l’histoire des sondages d’opinion, 73% des Américains pensent que leur pays est sur la mauvaise voie (“wrong track”).

L’article de Tim Reid, dans le Times de ce jour, est parfaitement révélateur de la situation d’une crise politique qui peut devenir une crise institutionnelle aux USA, en plein cœur d’une campagne pour les élections présidentielles, avec un pouvoir en place complètement discrédité, impuissant, éclaté. L’article prend pour argument l’appel d’un “super-délégué” démocrate très influent, Joe Andrew, ancien président du comité national du parti démocrate, passé hier du camp Clinton au camp Obama et appelant à une désignation rapide de ce même Obama comme candidat démocrate.

«Mr Andrew, appointed the party chairman in 1999 by Bill Clinton near the end of his presidency, said in a letter to other super-delegates: “John McCain, without doing much of anything, is now competitive against both of our remaining candidates. A vote for Hillary Clinton is a vote to continue this process, and a vote to continue this process is a vote that assists John McCain.”

»The Arizona senator, who wrapped up the Republican nomination almost two months ago, is running nearly even against both Democrats in head-to-head comparisons, at a time when public approval of the Republican Party is the lowest in a generation.

»According to a Wall Street Journal/NBC News poll released yesterday, only 27 per cent of voters have a positive view of the Republican Party, a majority want the Democrats to recapture the White House, and an unprecedented 73 per cent think that the country is on the wrong track.

»Yet despite such deep disaffection with the Republican brand, Mr McCain looks an increasingly viable general election candidate. One factor for his competitiveness is his reputation as a maverick who has been willing to buck party orthodoxy; another is that voters identify more with his “background” and “values” than with those of his two Democratic rivals.»

Les deux candidats démocrates ne cessent de se déchirer et le résultat statistique ou politique suit. Obama, très vite favori dans les sondages des électeurs démocrates au début des primaires, ne cesse de perdre du terrain sous les attaques qui choisissent essentiellement les causes les plus accessoires, – mais qui sont fort révélatrices au bout du compte, de ceux qui les lancent et de celui qui les essuie. Sa chute dans les sondages est complètement démagogique, due à la démagogie des attaques contre lui, – mais chute il y a, sans aucun doute, et lui-même pour l’instant incapable de l’enrayer («New polls show his once formidable, 20-point lead in North Carolina, whose primary is on Tuesday, has been cut to between 5 and 10 per cent. In March, by a 23-point margin, voters had a positive view of the Illinois senator. Now it has been slashed to nine points.») Quant à Hillary Clinton, elle a bâti sa remontée sur cette sorte d’attaque, et elle apparaît sous un jour de moins en moins flatteur («Should Mrs Clinton prevail, Mr McCain will face a candidate whose “negative” ratings have been pushed to their highest levels»).

Ainsi donc John McCain deviendrait-il populaire… Mais de tels mots, “populaire”, ont-ils encore un sens? Reid note, à son propos, ceci qui dit à peu près tout sur ce qu’amène ce candidat républicain dans l’esprit de beaucoup: «His opponents are already claiming that he is running for “George Bush's third term” – and wants to prolong the Iraq war – at a time when Mr Bush's disapproval rating is the highest for any US president.»

Il est difficile de ne pas distinguer dans cette situation les fils divers qui, s’ils sont noués convenablement par les événements, conduisent de la situation de confusion actuelle à une situation d’impasse politique. Le parti le plus populaire est paralysé dans une querelle qui ne sera tranchée qu’au prix de risques considérables, avec l’un ou l’autre terme de l’alternative. La perspective républicaine est rocambolesque, avec un candidat qui pourrait être élu alors que toutes les données de son univers politique sont d’une impopularité sans précédent dans l’histoire de ce pays. L’hypothèse est surréaliste : les USA peuvent-ils s’offrir, dans la situation où ils se trouvent, une impasse politique de cette envergure, qui pourrait être transcrite en une impasse institutionnelle gravissime? Il semble bien que cela soit possible.


Mis en ligne le 2 mai 2008 à 08H18