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685Le 6 octobre dernier, Seymour Hersh avait un entretien-conférence avec son rédacteur en chef du New Yorker au cours de festivités organisées par cette fameuse publication new-yorkaise. La discussion roulait sur les questions de sécurité nationale, l’Iran, Bush bien entendu. C’est à propos du président que Hersh fit une remarque intéressante. Pour lui, Bush n’utilise pas les mots selon leurs sens précis et dans toutes leurs implications mais comme “un moyen commode” (“a convenient mean”) pour des buts divers, — un bon mot ou une plaisanterie, terminer plus rapidement une phrase dont on ignore où elle vous mène, éviter une question à une conférence de presse, répondre sans savoir quoi répondre et ainsi de suite. Pour Bush, le mot n’est pas l’expression d’une pensée mais un moyen de défense pour ne pas se trouver lui-même trop exposé à l’inquisition de forces extérieures.
Par conséquent, la panique ou la gravité sont-elles de mise? D'un côté, le fait est qu’il est POTUS (President Of The United States), d'un autre côté le fait est que, dans certaines circonstances, il dit n’importe quoi.
Le bruit fait hier autour de la déclaration de GW Bush selon laquelle le comportement de l’Iran risquait de provoquer la Troisième Guerre mondiale nous a laissés assez indifférents. C’est-à-dire que nous n’avons pas cru à la substance de la chose qui, dans une autre bouche (bof…), serait effectivement effrayante, – qui, en soit, si l'on veut, est effrayante.
Voici le passage: «I believe [the Iranians] want to have the capacity, the knowledge in order to make a nuclear weapon. And I know it’s in the world’s interests to prevent them from doing so. I believe that the Iranian—if Iran had a nuclear weapon, it would be a dangerous threat to world peace. We’ve got a leader in Iran who has announced that he wants to destroy Israel. So I’ve told people that, if you’re interested in avoiding World War III, it seems like you ought to be interested in preventing them from having the knowledge necessary to make a nuclear weapon.»
Au contraire, certains se sont arrêtés à cette phrase qui, semble-t-il, a eu un certain écho, — mais pas assez d’échos, semble-t-il, selon d’autres… Allez savoir. Certains y ont vu une escalade dans la menace, significative et annonciatrice d’événements graves (voir WSWS.org du 19 octobre ou encore Michel Chossudovsky).
Tard dans la soirée, hier, la Maison-Blanche faisait une mise au point, réduisant la mention de la Troisième Guerre mondiale à un point de rhétorique, quelque chose de pas très loin d’une plaisanterie de Café du Commerce ou du clin d’œil à peine égrillard entre amis. Selon AFP:
«US President George W. Bush's warning that Iran must be denied nuclear arms to avoid “World War III” was just “a rhetorical point,” not a prelude to Armageddon, his spokeswoman said Thursday.
»At a White House press conference on Wednesday, Bush said that he had told world leaders “if you're interested in avoiding World War III, it seems like you ought to be interested in preventing them (the Iranians) from have the knowledge necessary to make a nuclear weapon.”
»“The president was not making any war plans, and he wasn't making any declarations,” said press secretary Dana Perino. “He was using that as a rhetorical point.”
»Perino said Bush was trying to underscore international efforts to convince Iran to freeze sensitive nuclear work that can be a prelude to developing atomic weapons. Tehran says its program is for civilian energy purposes.
»“That that would lead to a very dangerous — a potentially dangerous situation, and potentially lead to a scenario where you have World War III,” Perino said.»
L’impression générale est qu’il n’y a plus guère de contrôle sur les mots, entre autres choses; cela fait que nous serions assez du parti de Hersh, mais étendu au-delà de GW Bush. (De toutes les façons, d’ailleurs, l’absence de contrôle va, si l’on veut, jusqu’à l’annonce de la mise au point, dite par le journaliste d’AFP selon une formulation qui paraîtrait bien moqueuse, ironique, méprisante: «…“World War III” was just “a rhetorical point,” not a prelude to Armageddon, his spokeswoman said Thursday»). Il est vrai que l’apocalypse de l’Iran nous est promis maintenant depuis presque trois ans (dans tous les cas depuis le “all the options are on the table” du 21 février 2005 à Bruxelles), d’une façon régulière, disons au moins une fois par semaine. Nous avons eu à plusieurs reprises les dates de l’attaque (fin février 2007, 7 avril 2007, août 2007, pour prendre les plus récentes.)
Qui a tort de juger très importante une telle déclaration, ou de la juger sans réelle importance? Personne ne peut vraiment plus le dire avec une réelle certitude. On peut toujours argumenter que le fait même de formuler la chose est un fait politique; que l’évocation explicite de la possibilité d’une Guerre mondiale, également; on peut y voir l’annonce cachée de la prochaine dernière… Peut-être, peut-être pas. Nous naviguons au milieu d' événements ou de non-événements comme autant d'ilôts isolés et incompréhensibles, dans des situations pleines de surprises extraordinaires. (Nous n’aurions osé écrire cela le 21 février 2005, de crainte de nous ridiculiser. Mais aujourd’hui, 32 mois et presque autant de menaces dans le même sens plus tard? Il faut bien avouer son incertitude et son incrédulité dans un monde devenu absolument relatif, absolument malléable comme du caoutchouc lorsqu’il s’agit du langage et de la communication.)
En un mot, qu'est-ce qui est le plus vrai? L'annonce de la prochaine “World War III” de la semaine ou l'assassinat de POTUS le 19 octobre 2007, filmé au début 2006? Pas de réponse.
Mis en ligne 19 octobre 2007 à 13H38