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4153Récemment, une branche culturelle de l’AIPAC, le puissant lobby pro-israélien qui assure le monitoring de tout élu ou élu potentiel aux USA, a invité des membres du Congrès étasuniens à visiter Israël. C’était début août 2019.
Parmi les 41 du Parti démocrate, aucun n’a communiqué sur son séjour alors que les 31 Républicains ont envahi la twitoosphère de leurs commentaires laudateurs et enthousiastes. Ils exposent dans les réseaux sociaux leur rencontre avec Netanyahu et leur visite aux installations anti-missiles, le fameux Dôme de fer censé arrêter les roquettes artisanales lancées par les Palestiniens assiégés à Gaza. Ce système a été co-développé par la firme américaine Raytheon et l’israélienne Rafael, il est en partie fabriqué aux Usa. Récemment, le Pentagone a passé commande de deux unités, les batteries devraient être déployées et entrer en service d’ici 2020. Le but serait de moderniser la capacité de défense anti-aérienne et anti-missile. Compte tenu de l’inefficacité relative de ces batteries démontrées par le nombre des roquettes palestiniennes qui ne sont pas interceptées, cette dépense supplémentaire sur le budget de 2019 dit exactement l’essence de ce qu’est devenu l’État fédéral étasunien. A la fois premier consommateur de l’armement produits par les firmes étasuniennes et machine de guerre.
Ce mutisme obstiné des Représentants démocrates sur leur périple en terres palestiniennes témoigne d’une légère bascule de l’opinion américaine, en particulier l’électorat démocrate. Bernie Sanders n’a pas renié la photo prise avec des activistes juifs du groupe IfNotNow où il se tenait devant une pancarte où était inscrit ‘Juifs contre l’occupation’. Le groupe a engagé des permanents pour cet été chargés de mener une campagne auprès des candidats aux primaires du Parti démocrate sur cette question de l’occupation des Territoires palestiniens. Elizabeth Warren qui faisait campagne dans le New Hampshire a déclaré qu’elle ferait pression sur Israël pour qu’il cesse une occupation militaire sur les Palestiniens dépourvus de droits dans les territoires saisis par la force en 1967.
Bien entendu, faire cesser l’occupation reste une expression bien vague qui ne préjuge ni de la ‘nature ethnico-religieuse de l’État d’Israël, ni des effets de la construction de colonies qui a dessaisi les Palestiniens de Cisjordanie de l’essentiel de leurs terres, ni de l’accaparement du Néguev et de la non reconnaissance de villages de Bédouins, ni du devenir des Réfugiés, encore moins du sort de Jérusalem et des hauteurs du Golan.
Cette façon d’envisager la fin de l’occupation pourrait se traduire par une recommandation de retirer l’armée des petits confettis résiduels de Cisjordanie sans interdire leur encerclement pour protéger les 40% grignotés par les énormes implantations coloniales annexées de fait. Ou encore plus subtilement et plus cyniquement encore, la simple substitution au vilain mot ‘occupés’ par le terme plus délicat de territoires ‘disputés’.
Pour ne pas passer pour antisémite, bien que lui-même soit juif, et pour continuer d’être un bon supporter d’Israël, Bernie Sanders préconise de conditionner l’aide étasunienne à Israël à sa bonne volonté de se conformer à certaines règles internationales. De cette manière Sanders évite d’adopter un discours clair avec un mot d’ordre qui l’engagerait vers un vrai programme politique. Il s’agirait de déclarer que « pas un seul dollar n’irait à tout ce qui pourrait alimenter l’occupation ».
Néanmoins, parmi les six millions de Juifs étasuniens, surtout la jeunesse qui n’a vécu ni 1967 ni 1973 mais qui en revanche a été contemporaine des crimes israéliens contre les Palestiniens de Gaza, est en train d’émerger une tendance à s’affranchir de la confusion entre leur judéité et l’adhésion sans critique à l’État d’Israël.
Jewish Voice for Peace, créé en 1996, est le plus ancien et le plus radical des mouvements juifs critiques de l’État d’apartheid. Il lutte résolument pour l’autodétermination des peuples et la fin de l’occupation et du blocus de Gaza. Il soutient le mouvement BDS. Les crimes de guerre commis par l’armée sioniste lors du dernier bombardement à grande échelle en 2014 ont grossi ses rangs. A côté de cette tendance qui n’hésite pas à qualifier Israël d’État d’apartheid, la dissidence juive se répartit selon un large spectre. IfNotNow par exemple refuse de prendre en charge la campagne pacifique et non violente de BDS mais accueille en son sein toutes les tendances qui souhaitent mettre fin à l’occupation. JStreetest une organisation juive libérale, elle promeut la solution des deux États qui est devenue dans les faits impossible en raison de la volonté délibérée de faire avancer les implantations des colonies en coulées qui s’invaginent dans les territoires palestiniens. Elle ne criminalise pas BDS mais ne le soutient pas.
Le dernier sondage consistant qui a réalisé une enquête d’opinion auprès des Juifs israéliens et étasuniens date de 2016.Les Étasuniens estimaient alors dans leur majorité que la sécurité d’Israël était mise en péril par la construction de nouvelles colonies versus les Israéliens qui pensaient le contraire. Interrogés sur le soutien des Usa pour Israël, les Américains l’estiment suffisant à l’inverse des Israéliens.
Le ‘Mellman Group’ a essayé d’identifier en octobre 2018 le comportement électoral des Juifs étasuniens. Ils se considèrent à plus de 60% comme démocrates et libéraux et déclarent qu’ils voteront à plus de 70% pour un candidat démocrate. S’ils approuvent la politique de Trump à l’égard d’Israël, il est remarquable de noter qu’ils déclarent à 76% être défavorables à sa réélection. L’écrasante majorité des électeurs juifs sont pro-israéliens mais seulement 32% n’émettent aucune critique vis-à-vis du gouvernement de l’entité sioniste.
Ainsi la politique agressivement pro-israélienne de Trump ne lui gagne pas de sympathisants dans cette communauté qui oriente ses choix selon des critères de politique intérieure. En réalité, en proclamant l’annexion de Jérusalem, illégale selon le droit international, il travaille à répondre au segment des Evangélistes chrétiens sionistes. Ce bastion électoral des chrétiens fondamentalistes, concentrés dans le Sud, comprend la Bible à la lettre et veut hâter l’arrivée du Messie qui se produira selon leur interprétation quand tous les Juifs seront réunis en Palestine. Ils sont des militants très actifs et engagés en faveur d’Israël. Trump n’a plus que ce socle de solide pour 2020 car grâce à ses taxes douanières, les agriculteurs ont perdu leur débouché chinois pour l’exportation et une bonne part de leurs revenus. Les promesses de réindustrialiser le pays ne sont pas tenues et ne pouvaient l’être, ce qui lui soustrait une autre part des voix qui s’étaient portées sur lui en 2016. A cet égard, il est légitime de mettre en doute les chiffres insolemment bons affichés de l’économie étasunienne. Si elle avait réellement recouvré une bonne santé, pourquoi la politique des taux d’intérêts de plus en plus bas de la Fed seraient-ils si vitaux ?
L’évolution perceptible de l’opinion juive étasunienne est expliquée en partie par l’éloignement temporel des nouvelles générations de l’extermination de masse des Juifs européens qui n’ont pas eu la possibilité de fuir le nazisme sur le vieux continent. Mais on peut constater qu’elle suit d’assez près la pente de la perte d’hégémonie à la fois économique et idéologique du néolibéralisme prôné par l’élite intellectuelle des Usa. Trump a encouragé Netanyahu d’empêcher deux Représentantes du Congrès américain musulmanes et critiques de la politique israélienne de rentrer dans le territoire palestinien devenu Israël en 1948. Ce faisant, il n’a fait que pratiquer qu’une figure de rhétorique qui est la redondance. Depuis des années, les ministres de l’Intérieur et de la Sécurité intérieure de l’entité sioniste interdisent l’entrée du territoire à quiconque tente de défendre le droit des Palestiniens.
Cette recommandation trumpienne n’avait pour seule vertu que de rassurer les chrétiens fondamentalistes sionistes. Comment donc dans son chef cette performance déclarative pouvait-elle masquer ou au moins atténuer l’effet de la très apparente paralysie de la Maison Blanche : Les Usa ne peuvent se risquer à attaquer militairement l’Iran ?
L’interdiction d’entrée du territoire a été du plus mauvais effet dans ce contexte de revirement de l’opinion occidentale en général-excédée du privilège accordé à l’État juif qui a plus qu’épuisé son capital de sympathie- et américaine en particulier. L’AIPAC s’en est émue. L’autorisation finalement accordée à titre humanitaire à Rachida Tlaïb d’aller rendre visite à sa grand-mère a finalement été récusée par celle-ci. Au nom de tous les Palestiniens humiliés, elle a refusé les conditions dans lesquelles auraient eu lieu ces retrouvailles avec sa terre et sa famille. Sur le plan de la guerre de la communication, les Palestiniens ont gagné cette partie.
L’engouement des Juifs des Usa et de l’Europe pour Israël jusque-là assez réticents vis-à-vis de l’idéologie sioniste n’avait flambé qu’après la guerre des six jours. Une propagande très bien orchestrée, bien étudiée elle constituerait un cas d’école, les avait persuadés qu’un second Holocauste était en cours. Cette attaque surprise avait été déclenchée parce que les renseignements de l’entité connaissaient le niveau d’impréparation des armées arabes et la supériorité technique de leur aviation. Après plus de soixante ans d’enrôlement pour la défense inconditionnelle d’une entité qui ne cache plus son suprémacisme ni sa volonté d’expulser les Palestiniens d’une manière ou d’une autre, de préférence par une contrition savamment dosée, une partie significative d’entre eux répugne à cautionner ses crimes de guerre.
Qu’on aimerait les voir sortir en masse dans les rues protester contre les moissons hebdomadaires au cours desquelles se font faucher entre 3 à 5 jeunes Palestiniens à la limite des frontières du camp de concentration de Gaza. Hurler aux crimes de l’occupation quand sont détruites les minoteries et se font exploser les stations d’épuration d’eau ou encore les rares centrales électriques palestiniennes encore en fonctionnement. Quand sont réduites à des ruines les écoles construites avec l’argent des citoyens européens au titre d’une aide humanitaire en lieu et place d’un courage politique absent. Quand après des heures d’attente aux check points disséminés sur le territoire de Cisjordanie non encore officiellement annexé, les indigènes se font refouler en raison d’un ordre militaire confus. Quand pour la sécurité de colons les ambulances ne peuvent acheminer malades et blessés palestiniens qui meurent sous les yeux indifférents ou hallucinés de soldats de l’armée la plus immorale du monde.
Hier matin, 17 août, 5 heures, l’aviation de l’armée d’occupation a effectué deux raids sur la ville de Gaza, deux au sud de la bande de Gaza et un autre à son centre. A cette heure, on ignore le nombre des victimes et l’ampleur des dégâts matériels. Mais cette agression constitue un traumatisme de guerre supplémentaire pour les enfants terrorisés qui ne connaissent que les limites de cette cage qui leur garantit l’insécurité.