Enjeu majeur : le Moyen-Orient transformé en “zone dénucléarisée”

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Des indications, notamment données par le Wall Street Journal et confirmées par Hillary Clinton, semblent montrer que les USA sont intéressés par l’exploration de l’instauration d’une “zone dénucléarisée” au Moyen-Orient. L’article, daté du 1er mai 2010, indique que cette ouverture qui concerne, si elle se confirme, un point absolument essentiel des crises en cours dans la région, est évoquée essentiellement entre les USA et l’Egypte.

La conférence (une tous les 5 ans) sur le traité de non-prolifération des armes nucléaires qui s'ouvre aujourd'hui devrait permettre de situer exactement la validité et les perspectives de relance de l’idée d’une zone dénucléarisée.

«The U.S. is negotiating with Egypt a proposal to make the Middle East a region free of nuclear weapons, as the U.S. seeks to prevent Iran from derailing a monthlong U.N. conference on nuclear nonproliferation that begins Monday.

»U.S. officials familiar with the move call it an important step in assuring countries that Washington—criticized by some for its silence about Israel's undeclared nuclear arsenal—will equitably address weapons proliferation across the region, as Iran seeks to shift focus away from its own nuclear program.

»Washington also reassured Israel it won't foist a nuclear-free zone on the region until all parties agree to it and significant progress has been made on Mideast peace. […]

»The designation of the region as a zone free of weapons of mass destruction was a nonbinding agreement that emerged from a 1995 U.N. review of the Non-Proliferation Treaty, a 1970 pact to limit the spread of nuclear weapons. That 1995 agreement was pivotal because it won the indefinite extension of the treaty, but no action on the zone has been taken since.

»Senior Obama administration officials said Friday the White House is willing to significantly advance a Mideast nuclear weapons-free zone, and would support a conference on the subject at a future date. U.S. officials said talks with Egypt would resume in New York in the coming month. Such a zone is envisaged to include Israel, the Arab states, Iran and Turkey.

»“We've made a proposal to them [Egypt] that goes beyond what the U.S. has been willing to do before,” said the senior U.S. official involved in the nuclear diplomacy.»

Notre commentaire

@PAYANT Il nous étonnerait beaucoup que ces déclarations annoncent une percée décisive dans ce qui est le souhait de la plupart des pays concernés dans cette zone, y compris l’Iran, mais certainement pas Israël, – d’ailleurs, non signataire du traité de non-prolifération et, par conséquent, tranquillement installé dans une position légale, dans le cadre de ce que l’esprit même de la communauté internationale considère comme une illégalité internationale. (Car l’appréciation générale est, aujourd’hui, que tout non-signataire du TNP est en contravention au moins avec l’“esprit” des conceptions actuelles sur la prolifération nucléaire.) D’ailleurs, Israël vient de renouveler son refus de signer le TNP.

Les Américains sont intervenus dans le sens de mettre sur la table de la conférence la question de la concrétisation de cette zone dénucléarisée au Moyen-Orient dont le principe est acquis depuis quinze ans parce qu’ils n’ignorent pas qu’il s’agit d’une voie élégante pour régler la question du nucléaire iranien sans paraître céder. Ils sont appuyés, sinon inspirés dans cette voie par certains de leurs alliés de poids, alliés plus ou moins indépendants d’eux, comme le sont justement l’Arabie Saoudite et la Turquie, deux pays qui insistent fortement pour la création effective de cette zone. Pour Israël, la question ne se pose pas en termes de légalité internationale ou non, d’équilibre des relations internationales, etc., mais en termes unilatéraux de la définition fondamentale de leur sécurité nationale.

Si l’on se place du point de vue israélien et de sa politique sécuritaire maximaliste, on convient aussitôt de la logique de cette position. Les Israéliens qui ne conçoivent leur politique de sécurité nationale qu’en termes de survie font de l’arme nucléaire, dont ils ont au moins 200 exemplaires, la condition fondamentale de cette politique de survie. Cette logique-là est à la fois impeccable et implacable. Si l’on presse Israël de céder et d’accepter d’examiner le principe d’une zone dénucléarisée, on met en question toute la politique de sécurité nationale d’Israël.

C’est pour cette raison, et nullement pour les résultats qu’on pourrait en attendre, que l’évolution de la position US est intéressante. Les USA, en posant la question de la zone dénucléarisée, posent en réalité sur la table désignée pour les négociations internationales toute la politique de sécurité nationale d’Israël. C’est-à-dire qu’ils jugent implicitement que cette politique est négociable alors qu’elle n'est, par principe même, du point de vue israélien, absolument pas négociable. C’est une politique absolue, qui ne peut souffrir la moindre dérogation. Qu’on juge ce principe inepte, absurde, sans espoir, etc., bien entendu, – on peut le faire, et, même, on irait jusqu’à dire que ce devrait être l’évidence même. Mais l’on doit aussi avoir à l’esprit que si l’on estime que la politique est négociable, c’est qu’on met en cause son principe, et tout est alors bouleversé pour Israël. On ouvre la boîte de Pandore.

Si les Américains font effectivement ce qu’ils annoncent qu’ils vont faire, sans se préoccuper du résultat encore une fois, ils marquent l’ouverture d’une divergence fondamentale entre eux et Israël, qui concrétise et entérine d’une façon somme toute dramatique sur un terme plus court qu’on ne croit la brouille née à la mi-mars entre Obama et Netanyahou. En quelque sorte, la brouille prend le chemin de devenir institutionnalisée. Ce serait donc un événement d’une incontestable importance, dans le sens qu’il mettrait en place une mécanique de discorde là où il n’y avait jusqu’alors qu’une brouille sévère, mais encore, pouvait-on penser, limitée à l’humeur d’un moment particulièrement intense ne mettant pas en cause l'aspect intangible des relations entre les deux pays. Il faut bien reconnaître qu’en cette circonstance, Israël, conduit par la paranoïa de Netanyahou, aura tout fait pour cela, puisqu’il est même parvenu à se mettre à dos l’esprit assez simple de Nicolas Sarkozy. Le cas israélien, face à cette conférence, est curieusement, ou bien d’une façon révélatrice c’est selon, dénuée de toute nuance, à l’image du caractère absolu qui caractérise sa politique sécuritaire. Cette absence de nuance est elle-même la cause principale de la mise en lumière de la seule idée qui, effectivement, menace les fondements de cette politique sécuritaire et unilatéraliste, qui est cette idée de “zone dénucléarisée”.


Mis en ligne le 3 mai 2010 à 06H21