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5538Dans l’espèce de chorémanie, ou folle embardée de danse de Saint-Guy qui a saisi et qui emporte l’Amérique en sarabande, – une « dépression nerveuse nationale » nous dit plus sobrement notre auteur ci-dessous, – l’affaire de la compensation de l’esclavage en espèces dissonantes et trébuchantes pourrait tenir une place très singulière. Robert Bridge la présente dans le texte ci-dessous sous l’angle du point de vue du candidat démocrate Joe Biden, qui a été l’objet d’une demande directe d’un élu Africain-Américain devant une assemblée démocrate de la même communauté, – en lui mettant le marché en mains sans la moindre ambiguïté : “Si vous voulez que les Noirs votent pour vous, il faut passer à la caisse”.
Il y a l’argument de Biden déjà développé dans un instant d’école buissonnière arrosé de libations diverses dont le candidat de 77 ans est coutumier, lorsqu’il déclara à un interlocuteur noir, – un présentateur-radio fameux du nom de Charlamagne, qui disait ne pas s’être prononcé pour son choix pour la présidentielle, – que s’il ne votait pas démocrate alors c’est qu’il n’était pas un Noir ; eh bien, cet “argument” qui tendrait à (re)faire des Noirs rien de moins après tout que des “esclaves” du parti démocrate, risque de faire long feu, du type pétard mouillé, face à l’argument des réparations.
Les riches dirigeants de la communauté noire, ceux qui sont déjà dans les 1% d’au-delà de la couleur de peau, comme le milliardaire Robert Johnson, ont déjà fait leur compte : les 40 millions d’Africains-Américains de la communauté noire s’estimeront dédommagés et enterreront la hache de guerre aussi vite que disparaîtront, comme par un miracle de la bonne bienpensance, le racisme et les “privilèges blancs”, lorsque $14 000 milliards leur seront versés comme dédommagement pour les quatre siècles d’aventure esclavagiste. Comment Johnson a-t-il calculé ça ? Mystère, note Bridge, mais enfin c’est le chiffre retenu.
Il est colossal, mais ce n’est pas le seul problème, et ce n’est d’ailleurs peut-être pas le plus grave lorsqu’on voit la façon dont fonctionne en mode-turbo les planches à billets dernier-cri de la Fed. La politique de la Fed aujourd’hui semblerait être l’impression des billets à l’infini... Alors, $14 000 milliards ?
Non, le problème est d’abord politique, psychologique, identitaire, communautariste, etc. Cette demande de réparations prend les démocrates de court, dans la mesure où ils tenaient pour acquis que les Africains-Américains “en majesté” devraient évidemment voter, évidemment démocrate, comme un seul Africain-Américain ; exactement selon ce que nommerions doctement “le Principe de Biden” : « Eh bien, je vous dis, s’était donc écrié Joe dans un moment d’égarement cognitif, si vous avez un problème pour savoir si vous êtes pour moi ou pour Trump, alors vous n'êtes pas noir. » D’où la réplique de son interlocuteur Charlamagne, noir et bien noir sans aucun doute, et qui va au cœur du problème, notamment même si implicitement, au cœur brûlant de cette question des réparations : « Cela n’a rien à voir avec Trump. Cela a à voir avec le fait que je veux quelque chose pour ma communauté. »
Alors qu’avec cette « dépression nerveuse nationale » qui brandit le drapeau de l’antiracisme en faveur des Noirs semble triompher la politique communautariste en faveur des minorités prônée par le parti démocrate et par sa gauche surtout bien sûr, mais tout le monde se trouvant déportée sur la gauche, curieusement sinon paradoxalement le labyrinthe ainsi créé ferait peut-être surgir quelques problèmes inattendus et d’un poids considérable. Alors que les démocrates pensaient disposer dans le chef de la communauté noire d’un “électorat captif”, c’est peut-être le contraire qui se dessine : le parti démocrate devenant un “parti captif”’ du vote africain-américain...
La Grande-Émeute intra-américaniste donne en effet à la communauté noire une position de force, surtout par rapport aux démocrates qui sont leurs alliés naturels ; elle bouscule le rapport des forces dans cette alliance essentiellement et donne à la communauté africaine-américaine une position dominante vis-à-vis de son “allié” du parti démocrate (dans lequel on trouve des Africains-Américains bien entendu, mais il n’est pas déplacé d’avoir quelques amis dans la place). Cette communauté peut effectivement demander des promesses fastueuses au vieux Joe, s’il veut que les Noirs votent pour lui, parce qu’un Noir reste un Noir même s’il ne vote pas pour Joe, même s’il décide de ne pas voter pour Joe si Joe ne lui fait pas la promesse réclamée...
Cette affaire des réparations est un véritable casse-tête et, potentiellement, une bombe à retardement. Bien peu de monde, dans l’électorat du parti démocrate, comprendrait qu’une telle promesse ne soit pas donnée aux Africains-Américains, dans les circonstances actuelles et si le problème venait à prendre une place prépondérante. Nous pouvons même présumer que, contrairement à ce que suppose Bridge (« Compte tenu de son soutien douteux à la communauté noire dans le passé, Biden, fidèle à la tradition politique, pourrait rapidement oublier sa promesse de réparation une fois à la Maison Blanche »), il est à notre sens difficilement envisageable qu’un Biden élu avec cette promesse, et grâce à cette promesse, puisse la faire passer à la trappe sans déclencher une insurrection qui l’amènerait à demander des conseils à Trump.
A notre sens encore, la même question se poserait dans les mêmes termes de rapports de force avec un autre démocrate que Biden, et même, – et encore plus, – avec une candidate noire à la vice-présidence, sinon à la présidence, fût-elle Michelle Obama, etc. Si cette affaire est effectivement institutionnalisée, elle devient une des poutres-maîtresses de la campagne et ne peut être traitée comme l’une de ces vagues promesses qu’on s’empresse d’oublier. Que cette hiérarchie des priorités plaçant la question des réparations en tête de liste soit un constat extrêmement attristant, on peut en juger de la sorte, et c’est même une sorte de jugement de l’évidence dont il n’est même pas nécessaire de discuter ; mais c’est une question d’époque, où rien de bon ni de beau ne peut se manifester malgré les valeurs et les vertus innombrables qui se manifestent en tous sens.
Toujours selon les hypothèses envisageables, la dernière qu’évoque Bridge dans son texte, d’un Trump promettant brusquement à la communauté africaine-américaine d’accepter de lui verser ces réparations, et renversant ainsi la situation complètement à son avantage, est tout à fait concevable. Un personnage comme Trump, par ailleurs si prompt à faire marcher la planche à billets, est bien du genre à réaliser ce coup de force qui modifierait complètement l’“échiquier politique”, – ou plutôt le labyrinthe politique américaniste...
L’opérationnalisation de cette affaire des réparations du fait de l’esclavage est, répétons-le, tout à fait possible dans le climat actuel, surtout si les super-riches de la communauté (comme Johnson) la prennent en main et la gèrent comme une opération financière. Il s’agirait alors effectivement d’une véritable bombe à retardement, car le “rachat” de l’esclavage n’“achète” pas en prime le racisme comme on l’a supposé plus haut en guise de sarcasme ; au contraire il l’exacerbe. Une telle perspective, loin d’“acheter” une réconciliation, scellerait au contraire une perspective de séparation, qui établirait une distance peut-être définitive entre les communautés, – d’autant qu’existe si fortement cette élite noire financière et fortunée, entretenant ce que nous avons désigné comme une sorte d’ « apartheid vertueux », et qui est bien aussi rouée et manœuvrière que l’élite fortunée caucasienne-américaine, anciennement WASP (White Anglo-Saxon Protestant) tout court.
Le texte de Robert Bridge, journaliste et auteur de ‘Midnight in the American Empire, How Corporations and Their Political Servants are Destroying the American Dream’, est sur RT.com en version originale, le 5 juin 2020.
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On demande au candidat démocrate à la présidence, Joe Biden, de s’engager à verser $14 000 milliards de compensation à la communauté africaine-américaine pour les années d'esclavage, s'il est élu. Fera-t-il cette promesse, pour s’empresser de l’oublier une fois à la Maison Blanche ?
S'il est un temps où la communauté noire américaine est en bonne position pour exiger des réparations pour avoir été soumise à la traite des esclaves pendant des siècles, c'est bien aujourd’hui. Suite à la mort de George Floyd des mains d'un policier blanc, le pays est en proie aux convulsions des feux de la contestation d'un océan à l'autre. Dans le même temps, une grande partie de la population, lorsqu’elle n’ajuste pas ses masques chirurgicaux, geint et se lamente à propos de son prétendu “privilège blanc”. Pour compliquer encore cette dépression nerveuse nationale, nous sommes à cinq mois de ce qui promet d'être l'élection présidentielle américaine la plus controversée et la plus importante de notre histoire récente.
Parlons donc de Joe Biden, 77 ans, le candidat démocrate présumé à la présidence, qui pourrait être tenté d’ouvrir la pompe à billets de banque pour apaiser les Black Lives Matter et mettre fin au pillage, à l'incendie et au chaos général qui ébranlent les États-Unis jusqu’en leurs tréfonds. De ce point de vue, on n’a pas perçu comme une forme très subtile de corruption et de chantage l’intervention du sénateur de l'État du Delaware, Darius Brown, suggérant fortement à Biden de faire tout ce qu’il pouvait pour financer les réparations.
“Vous, les gens dans cette salle, nous vous aimons”, a déclaré M. Brown lors d'une cérémonie à l'église cette semaine, où M. Biden était l'invité d'honneur. "Mais nous sommes ici non seulement pour vous aimer, mais aussi pour vous pousser ... [à] soutenir la base démocratique afro-américaine. Et il ne devrait pas s’agir d’une étude sur les réparations, mais bien d’un financement des réparations.”
Le message était aussi clair que troublant : si Biden veut la bénédiction de la communauté noire en novembre, promettre des réparations est le moyen le plus rapide de l’obtenir. Alors, de combien d'argent parlons-nous exactement pour réparer l'un des chapitres les plus douloureux de l'histoire américaine ? Selon le milliardaire Robert Johnson, le fondateur de Black Entertainment Television (BET), un “transfert de richesse” de l’ordre de $14 000 milliards permettrait de remettre les pendules à l'heure. Curieusement, Johnson n'a jamais révélé comment il est parvenu à un tel chiffre, qui s'élève à quelque $350 000 pour chacun des 40 millions de Noirs vivant aux États-Unis.
Cette évaluation astronomique soulève tant de questions qu’elle fait tourner la tête. Tout d’abord, de nombreux Américains, principalement de la droite, feront valoir que le pays a déjà réalisé des efforts financiers massifs pour la communauté noire sous la forme de programmes sociaux coûteux, – comme la “discrimination positive”, accordant des avantages particuliers aux minorités précédemment discriminées dans des domaines tels que l’activité professionnelle et l’éducation. Tout cela faisait partie du programme national de la “Great Society” de Lyndon Johnson, qui a aussi dépensé des $milliards pour financer un système de protection sociale pour les personnes défavorisées, ainsi que des programmes qui ont bénéficié à tous les Américains, comme Medicaid et Medicare.
En outre, il n’y a pas de plus grande ironie que l’hypothèse d’une communauté noire considérant Joe Biden comme son sauveur politique. Après tout, ce n’est un secret pour personne que de nombreux Noirs ont subi des revers financiers majeurs pendant la présidence d’Obama, alors que Biden était vice-président. Le pourcentage de propriétaires noirs qui ont été expropriés à cause du retard sur leur prêt hypothécaire a été multiplié par 20 entre 2007 et 2013, alors que seuls les 10 % d’Américains les plus riches, – en grande partie composés de Blancs, – ont vu leur patrimoine personnel augmenter grâce à des plans de sauvetage massifs des banques qui ont permis de maintenir la valeur des actions au-dessus de la moyenne.
En même temps, il n’est pas passé inaperçu aux yeux de nombreux Américains, – en particulier des membres du parti démocrate, – que Biden n’a pas fait grand-chose pour aider la communauté noire sur le front de la justice tout au long de sa longue carrière politique.
À l'époque où Biden était sénateur, il a soutenu le projet de loi de 1994 sur la criminalité, – officiellement connu sous le nom de Violent Crime Control and Law Enforcement Act, – qui frappait les récidivistes de lourdes peines de prison, même pour des délits relativement mineurs. En conséquence, le système judiciaire a connu une explosion de la population carcérale, principalement composée de Noirs.
Le sénateur Kamala D. Harris, qui a été nommé comme possible colistier de Biden, a dénoncé le comportement législatif de l’ancien vice-président en matière de criminalité.
“Ce projet de loi sur la criminalité... c’était la première fois que nous avions une loi fédérale structurée sur trois délits”, a déclaré Harris. “Elle a financé la construction d’un nombre considérable de prisons dans les États.”
A part le fait que Biden semble être un personnage bien peu qualifié moralement pour distribuer des réparations à la communauté noire, il y a une question beaucoup plus urgente concernant le montant astronomique demandé. Quelqu’un a-t-il pensé qu’une somme aussi faramineuse ne signifiera pas grand-chose si les États-Unis font faillite alors qu'ils luttent pour payer une telle dette ?
Ces derniers temps, l’idée s’est imposée que l’Amérique est une source inépuisable d’argent et qu’elle peut tout simplement se sortir de tout problème en faisant tourner “sa planche [électronique] à billets”. Du renflouement du système financier à hauteur de $700 milliards en 2008, à la signature par Trump de la loi CARES de $2 000 milliards pour faire face aux retombées économiques de la pandémie Covid-19, il semble que les poches profondes de l'Oncle Sam n'aient pas de fond. Mais tôt ou tard et d’une façon ou l’autre, quelqu’un devra payer ces factures impayées, et ce “quelqu’un” sera le contribuable américain, – ce qui inclut la communauté noire.
Compte tenu de son soutien douteux à la communauté noire dans le passé, Biden, fidèle à la tradition politique, pourrait rapidement oublier sa promesse de réparation une fois à la Maison Blanche. Ce ne serait certainement pas la première fois qu'un homme politique oublierait une promesse faite en cours de campagne.
Enfin, n’oublions pas la possibilité, – même si elle est très hypothétique pour l’instant, – que Trump, qui a montré durant sa présidence sa tendance à ne reculer devant aucune dépense, au besoin en faisant follement tourner les imprimeuses électroniques de billets, décide de “conclure un accord” avec la communauté noire, résolvant ainsi la question des réparations une fois pour toutes. Après tout, il est connu pour son “art of the deal”.
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