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3659• Comment les Émirats Arabes Unis, tout frais émoulus de leur commande de 80 ‘Rafale’, écartent avec une certaine insolence l’offre US qui leur est fait don, d’acheter, aux normes US et sous surveillance US, 80 F-35, alias JSF. • Stupéfaits, les USA n’en reviennent toujours pas ; à moins qu’ils en reviennent avec la menace de nucléariser les EAU comme une vulgaire Russie s’ils ne font pas, librement et avec empressement, « le bon choix ». • Macron, lui, craindrait-il peut-être, éventuellement, que l’oncle-Joe ne soit pas très content, façon-Australie ?
Les Émirats Arabes Unis (EAU) ont signifié qu’il arrêtait « pour réévaluation » les négociations concernant l’offre américaniste de vente de 50 avions de combat dit “de 5ème génération” F-35, le célébrissime et furtif JSF. Cette position émiratie, déjà connue officieusement par les Français de Dassault qui viennent de boucler un contrat pour 80 ‘Rafale’ Standard 4 livrables entre 2027 et 2031, a été officialisée dans des termes qui confirment l’exceptionnalité de la position des EAU face à cette “machine à exporter” fondée sur toute la puissance de pression et d’influence des USA qu’est le F-35, – par ailleurs catastrophe industrielle et opérationnelle, mais ceci n’interférant guère sur cela tant le JSF/F-35 est essentiellement construit sur une formidable machinerie de communication propagandiste.
Les termes employés sont prudents et diplomatiques de la part des EAU, mais ils sont fermes dans les raisons avancées pour leur décision. Les USA, de leur côté, répondent de diverses façons aux questions qui pourraient être soulevées sur cette affaire, avec une sorte de mélange improbable de confusion et d’ambiguïté. Un texte de RT.com dit notamment ceci :
« Les plans d’acquisition [proposés par les USA] ont été renvoyés pour “réévaluation”, a déclaré mardi à Reuters un responsable anonyme des Émirats arabes unis, confirmant un rapport antérieur du Wall Street Journal sur une rupture potentielle de l'accord.
» “Les exigences techniques, et l'analyse coûts/bénéfices ont conduit à cette réévaluation”, a déclaré le responsable, ajoutant que Washington reste toujours “le fournisseur privilégié des EAU pour les besoins avancés en matière de défense et que les discussions concernant le F-35 pourraient être rouvertes à l'avenir.”
» Les [EAU ont mis en cause les] “conditions de sécurité de défense mutuelle pour l'acquisition”, considérant la proposition finale d’utilisation comme trop restrictive. Ces conditions auraient été mises en place par Washington en raison des relations étroites qu'entretient Abu Dhabi avec la Chine, dans le but de protéger les avions de pointe d'éventuelles tentatives d’“espionnage” par Pékin.
» Les États-Unis sont très ambigus sur le sort de l'accord, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, ayant déclaré plus tôt que les liens entre Washington et la nation du Golfe étaient une question stratégique, allant bien au-delà du simple commerce des armes. Dans le même temps, Kirby a déclaré que les États-Unis cherchaient à répondre aux questions soulevées par Abu Dhabi, mais qu'ils renvoyaient les autres questions sur le commerce des armes au département d'État.
» “Nous insisterons toujours, dans le cadre des exigences statutaires et de la politique, sur une variété d’exigences en matière d’utilisation finale”, a déclaré M. Kirby.
» Un responsable anonyme du département d'État, qui s'est entretenu avec Reuters sous le couvert de l'anonymat, a déclaré que Washington cherchait à aplanir les questions en suspens pour faire aboutir l'accord. “Nous avons bon espoir de pouvoir régler les questions en suspens”, a déclaré le responsable. »
Ces déclarations confuses du côté US, avec notamment une passe superbe de la patate chaude du Pentagone au département d’État, puis une déclaration complètement inconsistante du second, ont été complétés par une intervention du secrétaire d’État lui-même, Blinken, actuellement en déplacement. L’intervention, exposant des arguments imprécis et insaisissables, ajoute quelques bancs épars d’épais brouillard à un ciel américaniste déjà fort encombré d’épaisses nuées de simulacre dans cette affaire.
« S’exprimant lors d'une conférence de presse à Kuala Lumpur, en Malaisie, Antony Blinken a déclaré que Washington devait procéder à certains examens [concernant l’affaire EAU/F-35].
» “Nous avons voulu nous assurer que notre engagement envers l'avantage militaire d'Israël est assuré, nous avons aussi voulu nous assurer que nous pourrions faire un examen approfondi de toutes les technologies qui sont vendues ou transférées à d'autres partenaires dans la région, y compris aux Émirats”, a déclaré le secrétaire d'Etat américain.
» “Nous sommes néanmoins prêts à aller de l'avant si les Émirats décident de poursuivre ces projets”, a-t-il ajouté. »
Tout se passe, dans cette affaire qui est symboliquement et stratégiquement importante, comme si les USA laissaient entendre que ce sont eux qui ont retiré temporairement, ou réexaminé leur offre, en fonction de l’un ou l’autre aspect polémique très classique : “espionnage” de la Chine amie des EAU et qui ne songe qu’à copier l’exceptionnelle machine ; mécontentement d’Israël qui veut garder ce bijou qui terrorise les cieux pour lui-même et personne d’autre dans la région et exige des limitations draconiennes sur les F-35 pseudo-émiratis.
Nonobstant ces divers éléphants dans le magasin de porcelaine, le côté US rajoute qu’il est prêt à reprendre les négociations. Les EAU se précipitent pour assurer qu’ils sont toujours amis avec les USA, et très privilégiés, etc. Bref, tout le monde s’embrasse mais il reste qu’on ne s’entend pas vraiment, sinon vraiment pas et pas du tout, – avec une colère furieuse du côté des EAU devant les exigences US, avec une complète stupéfaction du côté US qu’on puisse refuser une “telle” offre pour une “telle” merveille.
D’un autre côté comme on l’a vu, et pour tenter de nous donner un goût de vérité-de-situation, on répétera que ce sont bien les Émiratis qui ont rompu les négociations, particulièrement insatisfaits des conditions US. Ce qui compte, dans les raisons qui ont été avancées, c’est surtout celle-ci : « les restrictions opérationnelles souveraines ». Les Émiratis, qui possèdent selon les Français et de longue date, des compétences exceptionnelles au niveau technologique, ont toujours été très jaloux de leur indépendance opérationnelle en même temps qu’ils comprennent vite le genre de restrictions qu’on veut leur imposer. Ils se sont aperçus, lors de diverses interventions, qu’ils ne possédaient pas cette indépendance et que, par divers moyens de contrôle électronique, les USA restaient en capacité d’interdire toute opération qui leur déplaît.
Il y a eu diverses démonstrations de cette situation. Intervenant notamment aux côtés des Égyptiens dans des opérations de frappe anti-terroriste en Libye, ils ont toujours été contraints de ne pas utiliser leurs avions les plus avancés, – des F-16 Block 60, ou F-16E, modèle très avancé du F-16, – préférant leurs Mirage 2000-9 dont ils ont la complète maîtrise, conformément aux us & coutumes français.
Le site ‘Opex360.com’ notait, le 6 juillet 2020, à propos d’une opération-“mystère” contre une base terroriste en Libye, et sans avancer sans doute par manque d’imagination l’explication évidente pour les EAU :
« Au moins deux pays sont susceptibles d’avoir été impliqués dans cette action contre la base d’al-Watiya : l’Égypte et les Émirats Arabes Unis. Ce qui ne serait d’ailleurs pas une première. En effet, en août 2014, de mystérieux raids aériens avaient été menés contre des positions tenues par la milice Fajr Libya dans les environs de Tripoli, théâtre de combats impliquant les brigades de Zenten, proche du Parlement alors nouvellement élu [et repliés, depuis, à Tobrouk]. Il apparut, plus tard, que ces bombardements avaient été effectués par des Mirage 2000-9 émiratis.
» D’ailleurs, c’est l’hypothèse avancée par un porte-parole des forces loyales au GNA, Abdulmalik al-Medeni. Selon lui, les frappes contre la base d’al-Watiya auraient été l’œuvre de Mirage 2000-9 déployés par les Émirats Arabes Unis à Sidi al-Barani, en Égypte.
» Cela étant, pour une mission visant à supprimer des défenses aériennes adverses [SEAD], on peut supposer que la force aérienne émiraties aurait eu recours à ses F-16E, capables d’emporter des missiles AGM-88 HARM. À noter que son homologue égyptien dispose également de cette munition dans son arsenal. »
La question se pose donc de savoir comment va évoluer cette affaire qui est décrite comme « sans précédent par la vigueur du refus des Émiratis » (confidence verbatim), et ce refus ayant laissé KO de stupéfaction (comment peut-on refuser... ?) les clowns américanistes. Reste à voir si, réalisant la situation, les USA ne vont pas exercer la pression folle et la brutalité irresponsable qu’ils mettent aujourd’hui dans tous les actes de cette sorte. Il n’empêche que la situation actuelle pourrait être interprétée comme étant une sorte de “victoire indirecte” du ‘Rafale’ sur le F-35, avec des perspectives pour d’autres commandes si les EAU persistent dans leur héroïque refus. Pour l’instant, les USA ne se sont pas vraiment aperçus de la commande de ‘Rafale’ et de ce qu’elle peut signifier. (La presseSystème US est pleine de longs articles sur la folie des EAU de ne pas vouloir le F-35, où l’on peine à trouver mention de la vente des 80 ‘Rafale’.)
... Mais peut-être s’en apercevront-ils, les ‘Ricains’, et alors sera-ce le déchaînement, avec peut-être un remake hollywoodien façon sous-marins australiens ? Nous avons de quoi en craindre notablement, pour avoir été rafraîchi, ou mis au parfum par un “vent favorable” (nom de code dans la presse belge pour indiquer une source), un vent venu de presque l’essence du sujet de la confidence. Cela est pour dire que, dans cette affaire qui fait beaucoup d’énormes bruits discrets, les milieux gouvernementaux français, dans la tradition d’héroïsme qu’on leur connaît, ne voudraient pas que l’on puisse s’imaginer, à Washington où l’on est tant aimé, que la France soit dans un camp qui ne serait pas celui du Bien (de “‘D.C.-la-folle”, station Lockheed Martin).
Macron songerait-il à s’effacer, selon les normes de la ‘cancel culture’ et de l ‘exquise politesse franco-européenne, par exemple en achetant 80 F-35 et en les livrant aux EAU en guise de ‘Rafale’ ? Ainsi pourrait-on le réélire pour qu’il puisse faire don de Dassault Aviation à Lockheed Martin, comme il fit don d’Alstom à General Electric ; du point de vue de la com’ dirait un Gabriel Attal, cela tient la route, “en même temps” dans les deux sens pour n’en faire qu’un. On se croirait à Verdun : “No Pasaràn” (euh, c’est-à-dire : “Ils ne passeront pas”, –ceux qui ne sont pas du camp du Bien).
Mis en ligne le 15 décembre 2021 à 15H00
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