Est-ce Moscou qui va décerner le Nobel de la Paix à BHO?

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Avec la visite de James Jones à Moscou la semaine dernière, les négociations USA-Russie pour un nouvel accord START ont accéléré. Il est évident que les USA, Obama plus que jamais, veulent un accord START-II. Une nouvelle série de négociations commencera le 9 novembre à Genève, le temps de digérer la précédente qui a duré onze jours d’affillée. Un communiqué russe des affaires étrangères, retransmis par Novosti le 2 novembre 2009, donne une idée du rythme des négociations, en même temps qu’il nous apprend, c’est nouveau, que les deux pays veulent conclure avant le 5 décembre. C’est ce qu’on appelle une négociation “à marche forcée”…

«Un nouveau volet de négociations russo-américaines visant à mettre au point une entente appelée à remplacer le Traité START s'est déroulée du 19 au 30 octobre à Genève. Les parties ont poursuivi un travail intense afin de concerter le texte de la future entente, tout en tenant compte des instructions des présidents des deux pays, selon lesquelles l'accord doit être signé avant le 5 décembre 2009… [..] Le prochain volet de négociations débutera le 9 novembre.»

Le 30 octobre 2009, le journal Kommersant (selon Novosti) avait apporté des précisions qui ne manquent ni d’intérêt ni de piquant…

«La Maison Blanche est impatiente de signer un nouveau traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs d'ici le 10 décembre, date à laquelle le Prix Nobel de la Paix sera remis, à Stockholm, au président américain Barack Obama. La Russie est prête à lui faire ce plaisir, lit-on vendredi dans le quotidien Kommersant. […]

»Le problème de la réduction des vecteurs d'ogives nucléaires, ainsi que l'exigence de la Russie de mentionner dans le traité la corrélation entre les armements stratégiques défensifs et offensifs faisaient partie des questions les plus litigieuses. L'un des participants russes aux pourparlers avec le général James Jones a assuré que le problème des vecteurs et la question de la corrélation entre les armements offensifs et défensifs avaient été réglés. “Des compromis ont été trouvés sur ces points, a annoncé un interlocuteur du journal sans fournir plus de détails. Mais nous avons encore certaines préoccupations, sur lesquelles pour l'instant nous ne nous sommes pas entendus avec les Américains. D'ailleurs, le processus continue”.»

Notre commentaire

@PAYANT Ces diverses précision, quoique restant d’ordre général, sont extrêmement intéressantes. Elles indiquent que les relations entre les USA et la Russie sont en train de passer à la vitesse supérieure et que les récents embarras, surtout dus à des interférences (déclarations Vershbow, notamment), tendent de plus en plus à être marginalisés. Il apparaît désormais clairement qu’il y a une très forte détermination du côté US, et d’Obama personnellement, pour réellement rétablir des relations constructives et de confiance avec la Russie. Il se confirme par conséquent que, pour le président US, il n’est pas question de laisser se développer des interférences sur cette dynamique, que les USA ne veulent pas (ne veulent plus) et, de toutes les façons, n’ont plus les moyens d’une politique de tension et d’antagonisme avec la Russie.

Nous noterons trois faits qui nous apparaissent intéressants à mettre en évidence.

• Le premier peut paraître plus anecdotique, il est à la fois succulent et ironique, etc. Il n’en tient pas moins sa place comme facteur de pression pour arriver très vite à un accord. Obama veut donc un traité START-II avant la remise de son Prix Nobel de la Paix le 10 décembre. Comme dit Kommersant, la Russie, sympa, «…est prête à lui faire ce plaisir». Cela, d’autant plus que les Américains, qui ont compris qu’un tel plaisir se paye également un petit peu, ont dû mettre la gomme pour se montrer conciliants. Cette fois-ci, nous ne le contesterons plus: d’où l’intérêt du Prix Nobel… Dans tous les cas, cette intervention nous conforte dans l’idée que ce Prix Nobel fut complètement une surprise pour Obama et qu’il le pousse à rechercher des arrangements qui le justifient a posteriori. Il n’est pas assuré que les républicains ne préparent pas une campagne pour dénoncer l’attitude d’Obama de bradage des intérêts US de sécurité nationale pour justifier un Prix Nobel de la Paix.

• Le second est l’apparition sur la scène de ces négociations, donc dans un très grand domaine international, de James Jones, le directeur du National Security Council et, par conséquent, conseiller du président pour les questions de sécurité nationale. Il n’est plus question de Gates ou de Clinton, et Jones apparaît de plus en plus comme l’homme de confiance d’Obama pour les questions internationales allant vers des arrangements. Ce militaire, ancien chef d’état-major du Marine Corps et ancien SACEUR, très ami des Français (il est a été élevé en France et parle couramment français), apparaît comme le plus “colombe” dans l’équipe de sécurité nationale d’Obama, en outre adversaire de la politique maximaliste israélienne et du plan de renforcement McChrystal en Afghanistan. Après des débuts difficiles, Jones s’impose comme un des hommes-clef d’Obama et sa prise en main des négociations START tend à renforcer l’impression qu’Obama veut un accord à tout prix et, au-delà, un arrangement avec les Russes.

• Dans les précisions que donne Kommersant sur les progrès réalisés lors du cycle de négociations qui s’est terminé le 30 octobre, il y a l’annonce d’un lien explicite dans le traité entre armements stratégiques offensifs et armements stratégiques défensifs. C’est établir un lien, ou “linkage”, de type stratégique classique, entre le traité et le réseau anti-missiles, donc faire entrer toute la problématique casse-tête du BMDE, de l’ex-BMDE nouvelle mouture et structure, etc., dans la logique légaliste fondamentale d’un traité stratégique. C’est ce que voulaient les Russes: emprisonner la question des anti-missiles dans un cadre légal, écarter la position de franc-tireur et de provocation permanente du réseau anti-missiles. Pour eux, c’est un point fondamental. Si la chose est confirmée, il s’agira à la fois d’une mesure de bon sens, sinon d’évidence même des relations stratégiques, et à la fois d’une défaite majeure de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” qui a caractérisé l’action de l’administration Bush et de ses divers satellites déstructurants, centres d’influences, initiatives privées, liens avec les divers bandes au pouvoir en Géorgie, en Ukraine, etc.


Mis en ligne le 2 novembre 2009 à 11H59