Est-ce que ce fut leur «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles…»?

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James Carroll donne sa réflexion profonde sur le sens de l’événement du 11 septembre 2001. (Dans le Boston Globe du 11 septembre, relayé par CommonDreams.) Il en arrive à une conclusion importante et tragique, qu’il offre à ses lecteurs. Cette conclusion, c’est que 9/11, ce fut comme une préfiguration de la fin de la civilisation et, au-delà, un avertissement que la civilisation est mortelle.

On comprend la métaphore tragique et l’on serait même incliné à la partager. Mais il y a, comme chez tout Américain, fût-il un James Carroll, cette étrange attitude instinctive de ne pas différencier l’Amérique du monde, comme si le monde pouvait être réduit à l’Amérique et comme si l’Amérique pouvait être, à elle seule, le monde. Ce que nous dit Carroll, Paul Valéry nous l’a déjà dit, à nous Européens, au printemps 1919, après le carnage de la Grande Guerre et comme un commentaire tragique du carnage de la Grande Guerre : «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles…»

Si nous avons oublié cet enseignement de la Grande Guerre, nous autres Européens, comme les Américains qui ne s’en sont jamais avisés, c’est à cause de l’enfermement de notre âme, de la décadence de notre conscience historique, de l’arrogance de notre puissance technique en contrepoint de la crise de notre esprit. Nous comprenons parfaitement ce que Carroll nous dit. Nous comprenons aussi que l’avertissement de 9/11 n’a finalement servi qu’à mettre encore plus en lumière quelque chose qui, dans cette civilisation, semble irrémédiablement attiré par le néant de la destruction.

«But I believe now that the immediate trauma Americans experienced that first morning was still more primitive than that. Beyond politics, beyond nationality even, what humans saw in that flash was a glimpse of nothing less than the end of the world. Here is the final meaning of the name “World Trade Center” — what happened that day was a world-event, almost certainly the first fully realized one in history. The collapse of the Twin Towers on themselves was a manifestation of the radical contingency of the human project itself. The terrorists were mere instruments of this world-historic destruction, far exceeding as it did any outcome they could have imagined. Their purposes were mundane, even irrelevant, when compared to the transcendent epiphany that resulted from the unprecedented combination of venality, accident, technological innovation, and instantaneous global communication.

»What did we see? Not merely the end of the majestic towers, although their majesty was essential to what we saw. Not merely the mortality of those men and women whose bodies could be glimpsed in free fall (hemlines and neckties fluttering), although their mortality was absolute. We saw the stunning courage of a legion of heroes, rushing right before our eyes into selfless jeopardy, and we saw, finally, how such heroism was futile. In that destruction, we saw the destruction of the mainspring of meaning and hope -- not the clash of civilization, but the end of it. This was more than a sense of individual mortality, the sure knowledge of a coming death that each one carries. We humans live with that by assuming the open-ended continuation of other lives, our children and their children — on into the indefinite future. But on 9/11, we saw the future itself as mortal.»


Mis en ligne le 12 septembre 2006 à 06H41