Est-ce une révolte ? Est-ce une révolution ? On verra, Sire...

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Est-ce une révolte ? Est-ce une révolution ? On verra, Sire...

Pour clore toutes les spéculations, Snowden nous a communiqués, via le Guardian (ce 24 octobre 2013), divers documents de la NSA nous indiquant que c’est au moins 35 dirigeants mondiaux que la NSA écoute, contrôle, espionne, cajole, suit avec attention, etc. Ainsi nous est épargné l’épuisante comptabilité, un par un, au gré des explosions nationales, de cette activité remarquable de la participation directe de la NSA à la conduite de l’extérieur de l’exceptionnalisme US (qu’il s’agisse du bloc BAO, étendu d’une façon général à ROW [Rest Of the World]). En marge d’un sommet notablement furieux de l’Union Européenne (voir Russia Today, le 25 octobre 2013), la diffusion du document-Snowden a remarquablement contribué à élevé le niveau chaotique de cet ensemble au rang de crise majeure de ce qui reste du brinquebalant leadership US, à la fois sur le bloc BAO et sur ROW.

... D’ailleurs, non, on ne parle plus de leadership US en crise, diminué, en pleine phase d’autodestruction ; on parle clairement et plus abruptement de l’“isolement des USA”. C’est le thème d’un long article d’analyse et de commentaire du Guardian du 25 octobre 2013, écrit de Washington par Dan Roberts et Paul Lewis. Ainsi est-il en train de se créer une crise nouvelle (crise de communication typique), qui est celle de la dissolution accélérée jusqu’à l’entropisation du leadership américaniste sur le monde, ou dans tous les cas d’une crise prenant acte de cette dissolution, la synthétisant et la substantivant à la fois, la grandissant même, lui donnant des dimensions de cataclysme, – dissolution équivalant alors à un effondrement et menaçant effectivement le pouvoir US d’entropisation, c’est-à-dire de se dissoudre dans le néant ... Ainsi en va-t-il de l’effet formidable du système de la communication devenu absolument antiSystème, qui absorbe tous les “événements” et les “bruits de communication” nés des divers commentaires et informations, pour les synthétiser en une crise cohérente, spécifique, une crise nouvelle née de la chaîne crisique qui affecte aujourd’hui Washington, avec notamment la formidable puissance de la crise Snowden/NSA. (Voir le 14 octobre 2013, à la fois sur cette “chaîne crisique” spécifiquement US, et sur la transmutation antiSystème achevée du système de la communication.)

L’article du Guardian est intéressant parce qu’il effectue une soudure importante entre plusieurs crises (celle de Snowden/NSA, évidemment, mais aussi la crise de confiance au Moyen-Orient vis-à-vis des USA, notamment autour de la valse à mille temps de l’Arabie Saoudite dont on découvre chaque jour un nouveau “plan” et de nouveaux projets à coloration anti-US) ; parce qu’il met en évidence, non seulement l’“isolement US” sur le plan formel, au niveau politique et surtout de la communication, mais surtout l’isolement psychologique des USA enfermé dans sa psychologie spécifique, avatar fondamental de la psychologie-Système. Dans ce dernier cas, la crise Snowden/NSA est un formidable exercice de démonstration de cet enfermement psychologique. La direction politique US, comme d’ailleurs les jugements US en général, y compris du public, semblent incapables de comprendre le fondement des effets dévastateurs au niveau de la communication qui gouverne tout aujourd’hui des révélations-Snowden, sous le prétexte que “tout le monde espionne tout le monde”, assorti contradictoirement des affirmations implicites rassemblant leurs spécificité psychologique de l’indéfectibilité et de l’inculpabilité que “seuls les USA ont la puissance suffisante pour effectuer ce type de surveillance” et que “l’exceptionnalisme US autorise les USA à réaliser cette sorte de surveillance, au contraire des autres [de ROW]”.

«International anger over US government surveillance has combined with a backlash against its current Middle East policy to leave President Obama increasingly isolated from many of his key foreign allies, according to diplomats in Washington. The furious call that German chancellor Angela Merkel made to the White House on Wednesday to ask if her phone had been tapped was the latest in a string of diplomatic rebukes by allies including France, Brazil and Mexico, all of which have distanced themselves from the US following revelations of spying by the National Security Agency.

»But the collapse in trust of the US among its European and South American partners has been matched by an equally rapid deterioration in its relationships with key allies in the Middle East. Saudi Arabia this week joined Israel, Jordan and United Arab Emirates in signalling a shift in its relations with the US over its unhappiness at a perceived policy of rapprochement toward Iran and Syria. [...]

»“The [NSA] revelations have clearly caused tension in our relationships with some countries and we are dealing with that through diplomatic channels,” said White House spokesman Jay Carney on Thursday. “These are very important relations both economically and for our security, and we will work to maintain the closest possible ties.”

»But the Guardian has spoken with several diplomats and foreign government officials – all of whom agreed to talk only on the condition of anonymity – who say the White House is still underestimating the anger felt over recent disclosures. They argue that US officials are being deliberately disingenuous when they claim that all countries engage in similar forms of espionage, even against allies. While it is widely accepted that the US, Britain, France, Russia and China engage in counter-espionage, other countries do not have the tools to conduct surveillance on the scale of the NSA.

»A European diplomat said that the White House had presented a false comparison by claiming all countries were engaged in the same tactics. “How would the US respond if it discovered a friendly country was covertly listening to the calls of thousands of US citizens – including Obama?” the diplomat said.»

Le côté US, quand il commence à prendre conscience de cette colère extérieure qui explose de partout, en prend argument pour alimenter les querelles intestines du pouvoir washingtonien ou bien s’enferme dans une attitude boudeuse du type “tout le monde se plaint que notre leadership s’effondre mais personne ne nous laisse l’exercer”. Il n’y a là aucune duplicité, aucune “mauvaise foi” si l’on veut, mais un signe de plus de cet enfermement psychologique qui se traduit au niveau politique, ou plutôt fantasmagorique, par la dialectique sans fin, quasiment pavlovienne, de l’exceptionnalisme. Cela interdit absolument au sapiens américaniste, absolument étranger à tout enseignement de l’expérience, de réagir d’une façon constructive, disons pour “limiter les dégâts”. Les dégâts sont destinés à s’accumuler sans aucun frein et l’attitude américaniste ne fera qu’apporter une aide puissante à cette accumulation.

«The combination of diplomatic setbacks has led to particular scorn from Obama's critics on the American right, who compare his growing international unpopularity with his criticism of George W Bush for damaging America's reputation through the Iraq war. “This is a perfect storm,” said Jim Carafano of the Heritage Foundation, a conservative think-tank. “Countries are getting impatient with US foreign policy largely because they see it as one of disengagement, but the NSA scandal has given them fresh reason to mistrust us, too.”

»So far the official response in Washington has been muted, but there are signs of growing American frustration with the criticism it is receiving at the same time that it is expected to act as world leader. On Wednesday, for example, Washington's outgoing ambassador to Saudi Arabia, James Smith, rebuked those calling for greater US involvement in the Middle East. “Much criticism has been directed at the US and there is a mounting frustration at the perceived lack of a coherent foreign policy in the region but then we hear the same refrain that somehow only we can fix it,” he told an Arab/US policy conference in Washington.»

• Dans ce champ de ruines qui ne cessent de s’empiler, la nouvelle selon laquelle les pays du BRICS s’activent à mettre en place des réseaux communs de communication, pour protéger leurs liaisons internet et autres, est venue comme un élément nouveau de grande importance, mais sans réelle surprise si l’on considère la situation générale. (Bien entendu, il faut placer les projets brésiliens d’“indépendance de communication” dans ce contexte, et même le programme BRICS les éclaire d’autant mieux.) Il faut noter que cette nouvelle précise que les BRICS travaillaient à cela avant la défection de Snowden, mais l’on se doute que cette défection n’a fait qu’accélérer exponentiellement leur entreprise commune. Traduit en termes politiques généraux, l’événement montre combien les conséquences des séquences actuelles de la crise d’effondrement du Système renforcent décisivement la dimension stratégique de cet ensemble de pays dits-“émergents”, et qu’on pourrait désigner, c’est selon, comme “alternatifs” ou comme de facto antiSystème ... Nous préférons certainement la deuxième qualification, puisque nous doutons complètement qu’un ensemble cohérent puisse se constituer comme alternative avant l’achèvement de l’effondrement du Système, – lequel effondrement, comme nous ne cessons de le dire, apportera de tels bouleversements que toute la problématique de la situation du monde en sera en toute logique complètement bouleversée, et complètement à revoir.

Le site Washington blog détaille le programme BRICS, ce 24 octobre 2013, avec de nombreux détails. Infowars.com reprend l’analyse ce même 24 octobre 2013, d’une façon plus concise. Il apparaît d’ailleurs que la chose n’est pas vraiment nouvelle puisque ce projet avait déjà été exposé, le 3 octobre 2013, dans Russia & India ReportBRICS plan for alternate internet by 2015 draws enthusiastic response»)... Cela démontre la grande différence entre l’information et le “système de la communication” : l’information donne un fait brut, qui a ou n’a pas d’effet, le système de la communication transforme le “fait brut” en un “événement” spécifique, qui est d’une autre nature que le “fait brut”, qui suscite de nouvelles situations et de nouveaux effets. L’information du 3 octobre, passée relativement inaperçue, participait disons des projets BRICS dans le cadre de la “chronique” de la crise Snowden/NSA ;l’“événement” de communication de ce jour donne une dimension stratégique considérable au BRICS, dans le cadre général de la dissolution du leadership US.

Infowars.com (qui cite également le quotidien indien Hindu), présente la nouvelle, avec d’ailleurs la précision que cela n’interrompra pas l’activisme de la NSA avec ses capacités d’écoute notamment contre le nouveau réseau, – en clair, que la “guerre” contre la NSA se poursuivra, avec d’autres contre-mesures en développement : «BRICS countries are close to completing a brand new Internet backbone that would bypass the United States entirely and thereby protect both governments and citizens from NSA spying.

»In light of revelations that the National Security Agency hacked German Chancellor Angela Merkel’s phone, in addition to recording information about 124 billion phone calls during a 30-day period earlier this year, the fallout against the NSA has accelerated. Brazil is set to finalize a 34,000-kilometre undersea fiber-optic cable by 2015 that will run from Vladivostok, Russia to Fortaleza, Brazil, via Shantou, China, Chennai, India and Cape Town, South Africa.

»According to the Hindu, the project will create, “a network free of US eavesdropping,” which via legislative mandates will also force the likes of Google, Facebook and Yahoo to store all data generated by BRICS nations locally, shielding it from NSA snooping. “The BRICS countries have the muscle to pull this off,” notes Washington’s Blog. “Each of the BRICS countries are in the top 25 largest economies in the world. China has the world’s second largest economy, India is 3rd, Russia 6th, Brazil 7th, and South Africa 25th.”

»However, some privacy experts fear that this will do little to stop the NSA, given that it has tapped undersea cables since the Cold War era. Others are more positive. “Any alternative would be a positive thing,” writes Michael Dorfman. “The more choice you have, the better. Yet no-one can say for sure whether this new Internet will be safer than its US counterpart and will be able to protect the rights of regular users, including the privacy of personal data and free access to resources, more effectively.”»

«Mais c’est une révolte ? Non Sire, c’est une révolution», – échange fameux entre Louis XVI et le duc de La Rochefoucauld à l’annonce de la prise de la Bastille. La même question se pose-t-elle pour cette mise en cause globale et générale du leadership américaniste sur le monde, par délégation-Système certes ? Une autre similitude est l’état de décomposition fortement avancée des deux directions, – celle de Louis XVI en 1789, et celle du leadership américaniste, dans l’état de dissolution qu’on a dit. Là s’arrête l’analogie, qui s’avère plus symbolique et circonstancielle qu’historique et structurelle.

Les pseudo-révoltés (le bloc BAO, structuré en gruyère face à la NSA, et quelques autres), ou même les pseudo-révolutionnaires (les BRICS), sont tous, à des degrés divers selon leur degré de lucidité antiSystème allant de zéro à une réelle manifestation, – à la fois complices, collaborateurs consentants ou forcés, otages, prisonniers. Ils le sont, tout cela, du leadership US ? Oui, d’une certaine façon, quoique l’affirmation est complètement paradoxale puisque le leadership US est en état de dissolution accélérée frisant l’entropisation, – comment être “complices, collaborateurs consentants ou forcés, otages, prisonniers” de quelque chose qui disparaît ? C’est là tout le sel absolument surréaliste de la situation, si on la considère d’un œil passif qui ne s’en tiendrait qu’à l’apparence des situations et qui prétendrait tout de même y comprendre quelque chose. Mais l’on sait que notre appréciation est que le leadership US est devenu, complètement depuis 2008 (formation du bloc BAO), un simple substitut du Système, et que c’est donc du Système qu’ils sont tous, que nous sommes tous “complices ... prisonniers”, y compris les USA par conséquent.

Ce n’est plus, à ce stade d’une “époque” exceptionnelle (“maistrienne”) de l’Histoire haussée au niveau métahistorique, affaire de volonté ni de choix, mais une situation métahistorique exceptionnelle où des forces supra-humaines parlent, et parlent fort, couvrant absolument les cris de colère, les geignements et les manœuvres tordues, les supputations pour apercevoir quelque chose de nouveau de la communauté-sapiens. Mais l’on sait aussi que notre appréciation (suite) est que le Système continue son basculement gigantesque, avec la transmutation de sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction. Selon cette appréciation, c’est donc ce qui est train de se passer avec la dissolution du leadership US. On terminera en nous répétant encore et encore, y compris par rapport à ce qui est suggéré plus haut, et en répétant qu’il est nécessaire que le processus s’accomplisse jusqu’au bout, avec les bouleversements fondamentaux nécessaires, certainement déjà en cours sans que nous les identifions de quelque façon que ce soit, et qui vont complètement modifier les éléments fondamentaux de la situation métahistorique du monde.


Mis en ligne le 25 octobre 2013 à 07H13

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