Est-il donc si difficile de dire : “nous avons perdu” ?

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Habitués à l’hypocrisie structurelle de la politique anglo-saxonne (y compris la branche américaniste, cela va de soi), souvent relayée par la presse officielle, saluons avec d’autant plus de respect le commentaire de Matthew Parris dans le Times de Londres du 9 décembre. Le titre illustre l’état d’esprit de l’auteur, que nous essayons pour une fois de rendre en bon français : «Je devrais applaudir le rapport Baker. Alors, pourquoi est-ce qu’il me rend malade?»

Cette chronique ne dissimule rien des formidables hypocrisies de la politique US-UK en Irak. Elle ne dissimule rien de la formidable hypocrisie du rapport Baker qui prétend rejeter la responsabilité de la fin de la guerre, qui devrait être évidemment heureuse, sur la créature enfantée par cette même politique, — le gouvernement-marionnette mis en place à Bagdad, — sous peine de vouer aux gémonies la marionnette si elle ne parvient finalement pas à cette fin heureuse.

Parris démonte le processus formidable mis en place par la commission Baker pour tenter de camoufler une formidable défaite avec son cortège d’erreurs et de malheurs, dont la responsabilité échoit aux seuls anglo-saxons, en une opération “réaliste” et pleine d’habiletés mesurées à l’aune d’une prétendue raison.

«Tony Blair will like the Baker report. It is shallow and dishonest. It shows how to weasel a way out of trouble and leave former friends to fall, undefended, by the wayside. It suggests how blame may be shifted onto hapless Iraqi ministers, and fatuous “milestones” and “timetables” confected with a view to their being demonstrably missed. It explains how international conferences may be set up in order that they should fail. For Britain and the United States, Baker is now, with no shadow of doubt, the only way out. So is “Forward with James Baker III!” to be my banner?

»Well it should be. But something rises in my gorge at the moral and intellectual shabbiness of the exercise. If we have lost this war, and with it the likely capacity to forestall the vacuum that our defeat will surely leave behind, shouldn’t we just say so?»

Voilà bien l’antienne du propos. Comment ne parviennent-ils pas à affronter la réalité? Comment ne parviennent-ils pas à ce qui serait finalement une libération, — d’enfin confronter les conséquences de leurs actes et d’assumer les effets de leurs responsabilités?

Graves questions. Matthew Parris n’a pas beaucoup d’espoir. Il lui reste à supporter son estomac noué, avec la nausée qui va avec. Certes, il continuera à faire son travail au Times de Londres. Il faut bien vivre. Au moins, il aura écrit ce qu’il a écrit ce jour-là, et certes tout le monde ne peut en dire autant.

«But Mr Baker has, and furious neocons realise it too. The term realpolitik has become a cliché in media treatment of the ISG report this week but the irony is this: Baker’s conclusions are anything but realistic: they represent unrealism of the most fanciful kind. His route map is to La-la Land. He knows it. His report is the sugar. The pill is Defeat.

»Forgive me but I am finding the sheer cynicism of all this difficult to stomach. Is “we lost” so very hard to say? Now that he has limbered up with a range of moving apologies for things done by dead people who are not him, perhaps, on one of his increasingly fleeting visits to this country, Tony Blair might try his hand at the big one.»


Mis en ligne le 10 décembre 2006 à 10H23