... et JSF’s Panic

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JSF’s Panic

15 janvier 2004 — Il faut lire ces appréciations en ayant, bien sûr, notre précédent texte sur le sujet du JSF à l’esprit, tout comme l’hebdomadaire Defense News avait à l’esprit le texte qu’il publie par ailleurs sur le sujet. Mais plus, sans doute, certainement, — Defense News avait plus à l’esprit.

Il s’agit d’un éditorial sur la même question du programme JSF, paru dans le numéro du 12 janvier de Defense News. Ce texte est extrêmement dur et par conséquent remarquable pour éclairer le sujet du programme d’avion de combat JSF. Pour cette raison autant que pour les raisons pratiques habituelles avec Defense News (accès limité au site), nous le reproduisons par ailleurs.

Une remarque préliminaire est que Defense News est fortement partisan de la coopération internationale et des liens transatlantiques. Son inquiétude pour le programme JSF est à la mesure des menaces que l’hebdomadaire perçoit. S’il développe avec son éditorial du 12 janvier certaines réflexions concernant une information publiée sur son site le 5 janvier et publiée dans sa version papier également le 12 janvier, on a la perception d’un renforcement et du sérieux de la menace (contre le bon déroulement du programme JSF) ainsi perçue.

Mentionnons rapidement trois points de l’éditorial, qui fixent bien l’inquiétude dont nous parlons.

• Le premier concerne le fait même, — le constat que le programme JSF semble effectivement prendre la voie catastrophique qu’ont suivi tous les grands programmes du Pentagone, avec une aggravation avec les plus récents. Les derniers grands programmes (B-2, A/F-22 surtout, C-17 également) ont tous montré ces difficultés techniques et ces énormes dépassements de coût. La référence, indirecte mais précise, de l’hebdomadaire au programme A/F-22 comme exemple de la voie où s’engage le JSF est impressionnante.

« After two years of development, the Pentagon and JSF contractor Lockheed Martin have concluded that the ambitious effort to develop three versions of a common aircraft will cost $7.5 billion more than anticipated. As with most nascent fighters, the plane is overweight; like most modern weapons, its software has started out buggy.

» The move, which comes months after the Air Force revised the risk assessment on its centerpiece F/A-22 Raptor fighter, should provoke a long-overdue realization that the way the Pentagon estimates its program costs is flawed. »

• Quelques mots sur les méthodes d’évaluation des coûts et des risques des grands programmes fixent les conditions qui accompagnent le développement du JSF. Ils nous expliquent de façon simple et évidente pourquoi, la réalité apparaissant de plus en plus clairement, le JSF a également toutes les chances (!) de devenir une catastrophe fiscale et technologique.

«  The U.S. military’s unwillingness to admit the risks associated with developing complex systems is why most major programs go over budget and fall behind schedule.

» A chief culprit? Major acquisition programs are budgeted on a “50-50” basis, meaning that officials assume there is a 50 percent chance that the effort will come in on time and cost. Would you budget your household on a 50 percent risk? Of course not. Yet that’s just how the world’s largest military runs programs worth tens, even hundreds, of billions of dollars. »

• Le troisième point est le constat que les principales forces qui doivent acquérir le JSF, — c’est-à-dire l’USAF et la Navy — continuent en réalité à ne pas être vraiment engagées dans ce programme, qu’elles ont leur propre alternative, et qu’elles pourraient s’éloigner progressivement ou brutalement du JSF si l’“occasion” se présentait. Dès lors, juge l’hebdomadaire, une seule solution : en appeler au pouvoir civil, pour qu’il impose le JSF contre toutes ces forces déstabilisantes, y compris le programme lui-même qui génère ses propres vices qui sont autant d’arguments contre lui. L’engagement de Rumsfeld est nécessaire, impératif, pour rassurer les alliés (si Defense News écrit cela, bien sûr, c’est qu’il sait bien, par informations venues d’où il faut, que certains alliés commencent à paniquer). Mais comment Rumsfeld pourrait-il intervenir ? Il est totalement mobilisé par la catastrophe irakienne et la guerre de science-fiction contre la terreur ; en plus, il est dans une administration en fin de mandat, et nul ne sait s’il sera reconduit au Pentagone. D’ailleurs, Rumsfeld a-t-il le goût de se battre pour conserver dans un programme des alliés, des Européens en plus, auxquels il prête si peu d’intérêt en temps normal? Si c’est une question de commande (du JSF), Rumsfeld et compagnie ne doutent pas qu’ils sauront les imposer aux pays choisis en temps voulu.

« That’s why Rumsfeld has to become a staunch public supporter of the JSF: to reassure program managers that coming clean about risks won’t necessarily doom their program.

» Already, some see the request as ominous, one of a thousand cuts that may kill the giant JSF effort. Critics are sure to jump on the 17 percent cost increase and the production delays to about 160 planes. And despite the staunch support of British Royal Navy and U.S. Marine Corps officials, the plane has only lukewarm appeal for the U.S. Navy and Air Force leaders, who privately prefer to put the money toward F/A-18E/F Super Hornets, F/A-22s, even Block 70 F-16s, instead of a new, multiservice, multinational aircraft.

» Rumsfeld, who has shied away from discussing specific weapons in public, must openly back the JSF program. This would reassure allies, who may begin to fret about a program they are helping to develop. »

A l’éditorial de Defense News, on ajoutera un texte de Aviation Week & Space Technology (AWST), autre grande revue du domaine. (Le texte figure effectivement en même temps que l’édito de Defense News.) Sur le JSF, AWST développe une réflexion implicite assez proche, observant l’évolution du programme, les manipulations budgétaires, et s’agaçant manifestement de ces manoeuvres de la bureaucratie du Pentagone. Le texte donne d’une façon générale une impression de grande confusion, avec, dans ce cas, l’apparition d’un autre facteur qui est le fait d’une concurrence grandissante entre le JSF et des alternatives de véhicules sans pilote (UAV et UCAV) au fur et à mesure que le JSF serait retardé.

De façon bien caractéristique pour notre interprétation, les deux titres des deux textes auxquels nous nous référons expriment le même agacement devant l’absence de vérité budgétaire, ou de transparence budgétaire : « Real Budgets, Please » pour Defense News, alors que, pour AWST, c’est « Cost Growth, or Not? ».