Et le Pentagone soudain inquiet...

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Comment faut-il prendre l’intervention de l’amiral Mullen, président du comité des chefs d’état-major (JCS), le 20 juillet à Fox.News? Il y a deux interprétations possibles. Le site WSWS.org considère (aujourd’hui) cette intervention comme un rappel à l’ordre du Pentagone au candidat Obama, contre sa politique de retrait d’Irak, désormais appuyé par le désormais très influent Premier ministre irakien Maliki. Pressé de s’exprimer sur la question d’un retrait d’Irak en seize mois décidé comme une politique conceptuelle, hors des considérations chronologiques de situation sur le terrain durant ce retrait, – et cela en laissant formellement de côté le fait que ce soit justement le programme du candidat Obama, – Mullen explique : «I think the consequences could be very dangerous in that regard. I’m convinced at this point in time that coming—making reductions based on conditions on the ground are very important. When I have discussions with commanders on the ground, basically—and I did a couple weeks ago—they are very, very adamant about continuing progress, about making decisions based on what’s actually happening in the battle space, and I just think that’s prudent.»

Pour WSWS.org, cette intervention a un sens politique pressant et puissant. Il s’agit d’une nouvelle intervention du pouvoir militaire, qui entend imposer ses vues stratégiques.

«Admiral Michael Mullen, chairman of the Joint Chiefs of Staff, intervened in the US presidential campaign Sunday. Mullen gave an interview to Fox News in which he rejected the shift in US policy in Iraq proposed by Senator Barack Obama, the presumptive Democratic presidential nominee, in favor of continuing the policy laid down by the Bush administration and backed by the Republican presidential nominee, Senator John McCain.

»The timing and venue of Mullen’s appearance were themselves a political statement. He chose to appear on “Fox News Sunday,” the weekend morning interview program of the television network most closely linked to the Republican Party, and on the day that Senator Obama arrived in Afghanistan for meetings with US and Afghan government officials, and one day before his scheduled arrival in Baghdad.

»With Obama giving a much-publicized interview on the rival Sunday morning interview program on CBS, “Face the Nation,” Mullen’s appearance on Fox, broadcast 30 minutes earlier, had the character of a prearranged Pentagon rebuttal of the candidate who is currently leading in the polls to become the military’s next commander-in-chief.»

Une autre façon d’apprécier l’intervention de Mullen est celle de Jim Lobe, dans son commentaire également d’aujourd’hui sur Antiwar.com. Lobe est parfaitement informé de l’“interventionnisme” des militaires dans la vie politique US mais il constate essentiellement le peu d’écho recueilli par la déclaration du président du JCS, dans un climat politique tout entier influencé par l’interview de Maliki et son soutien proche d’être explicite de la politique d’Obama.

«If so, that doesn't help McCain who, were it not for Maliki's remarks, was poised to seize on a weekend interview by the chairman of the Joint Chiefs of Staff, Adm. Michael Mullen, in which he warned that withdrawing all combat troops within two years from now would be “very dangerous” given the fragility of the situation in Iraq. Given Maliki's statement and the media hoopla surrounding Obama's trip, however, his words received little notice.»

Certes, l’intervention de Mullen renvoie au nouveau “style” de la voie politique washingtonienne où chaque centre de pouvoir expose publiquement ses exigences, y compris les militaires. Il s’agit plutôt d’une confirmation de quelque chose qui était considéré encore comme exceptionnel il y a quelques mois. Mais les choses vont vite. Aujourd’hui, la grande nouveauté, c’est l’affirmation presque comme un acteur à part entière de la politique US du Premier ministre irakien Maliki, soutenant le candidat Obama déjà quasiment perçu un peu partout comme un Président-bis au côté d’un GW qui continue à vivre dans sa bulle.

Dans cette étrange galerie d’un désordre complet où se mélangent les divers pouvoirs, jusqu’aux plus incongrus, l’intervention de Mullen prend alors une autre allure que ce qu’elle fut précédemment. D'une part, elle a moins de poids, moins de son caractère solennel, presque dramatique qu'elle avait à l'origine, parce qu'elle n'est plus exceptionnelle. D'autre part, il ne s’agit plus de se battre contre les fous de l’administration pour empêcher une attaque contre l’Iran, mais de tenter d’endiguer la marée déclenchée par les déclarations de Maliki conjointement à l’affirmation politique d’Obama, en faveur d’un retrait rapide d’Irak. Ce n'est plus une déclaration d'affirmation des militaires mais une déclaration des militaires soudain sur la défensive.

Soudain, le Pentagone prend peur. Il craint un retrait programmé quelles que soient les circonstances, qui pourrait ressembler éventuellement à une débâcle militaire (premier risque), qui pourrait mettre les USA dans une telle position de repli que les exigences du Pentagone de maintien d’une présence en Irak ne soient plus rencontrées (deuxième risque). Le Pentagone se trouve dépassé par la dynamique politique déclenchée par le couple inattendu Maliki-Obama; cette dynamique est d'autant plus forte que le couple ne s'est pas consulté, qu'il n'y a pas vraiment de caractère de machination (sinon l'habileté opportuniste de Maliki), même si un retrait correspond à des buts politiques d'un côté comme de l'autre; il y a surtout, pour alimenter avec force cette dynamique, une évolution politique assez évidente tenant à la lassitude générale de la présence militaire US en Irak.


Mis en ligne le 22 juillet 2008 à 09H08