Et pourquoi pas le Mistral pour les Britanniques?

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E.L. Palmer est un commentateur indépendant anglo-saxon (australien) qui s’est acquis une certaine notoriété dans une attaque farouche et constante, et fort bien documentée, contre le JSF. Cela ne l’empêche pas, sur son blog intitulée ELP Defens(c)e, d’aborder évidemment d’autres sujets, pour lesquels il est également considéré comme une source sérieuse. Nous nous arrêtons à l’un d’entre eux, en date du 5 décembre 2009. Palmer fait des hypothèses sur l’avenir particulièrement difficile de la Royal Navy.

Nous nous arrêtons à ce passage…

With that, it can be seen that the Royal Navy needs an affordable small carrier with, lets say the hybrid propulsion of the U.S.S. Makin Island. And really hybrid propulsion all the way around for other new-build surface ships as the future cost of fossil fuel can dock ship and crew.

»We don’t know if the F-35B will be successful. There is another naval fighter to consider for a small carrier; the Block II Super Hornet. While there may be a French option there, it will be pricey. And while mentioning the French, the affordable Mistral class of utility flat-tops would serve the Royal Navy well.»

@PAYANT Nous examinons ici l’hypothèse de Palmer, non comme une information exprimant une éventuelle réalité, mais vraiment comme une hypothèse venue à l’esprit d’un analyste de défense. C’est pour observer que l’idée du Mistral pour la Royal Navy n’est nullement absurde, si la Royal Navy devait effectivement affronter la période de vaches très maigres qu’elle va sans aucun doute connaître, et si des projets de faire du deuxième “porte-avions” britannique prévu un porte-hélicoptères se concrétisaient. Bien entendu, l’idée du Mistral impliquerait, au moins pour la deuxième unité, une rupture complète avec une formule hybride (porte-hélicoptères avec d’éventuelles capacités pour des avions ADAC/V a décollage vertical) et l’abandon d’une partie importante de la commande britannique de JSF (de 132 à 50 au mieux – d’ailleurs, l’hypothèse de Palmer s’appuie notamment sur la quasi-affirmation de l’échec du F-35, notamment dans sa version F-35B). Le Mistral aurait pour la Royal Navy l’avantage incomparable d’un coût très réduit par rapport à ses projets de porte-avions et l’avantage annexe, non évoqué par Palmer, d’un rapprochement d’interopérabilité de la France.

(Par contre, nous sommes extrêmement dubitatifs quant à l’affirmation de Palmer selon laquelle le Super Hornet de Boeing est préférable au Rafale en termes de coûts, pour la Royal Navy et pour son premier porte-avions. Une récente nouvelle de Bloomberg.News, du 19 novembre 2009 réaffirme et confirme la tendance; Bloomberg.News observe que le contrat brésilien pour le programme FX-2 porte sur €5 milliards, que Boeing offre de “24 à 36 avions” pour cette somme, avec les aménagements supplémentaires classiques, tandis que l’offre française, également avec de tels aménagements, concerne 36 Rafale. Cela met les deux avions, dans le meilleur des cas pour le Super Hornet de Boeing, au même prix, et peut-être à un prix plus élevé pour Boeing s’il y a moins de 36 Super Hornet. La nouvelle de Bloomberg.News est très pessimiste pour Boeing, à partir d’explications assez alambiquées concernant la nomination d’un nouvel ambassadeur US à Brasilia, qui nous semblent plutôt de circonstance, pour dissimuler le refus brésilien d’un choix US.)

Ce qui est remarquable avec le cas de Palmer, commentateur de tendance très anglo-saxonne et, comme tel, quasiment indifférent aux systèmes d’arme français, c’est le constat que le Mistral a gagné une notoriété internationale touchant justement ces milieux anglo-saxons, quant à la qualité et la puissance technologique de ce système très complexe, puisqu’il vient sous sa plume sans autre supputations, comme une évidence intéressante. Il est évident que l’“aventure russe” du Mistral a constitué un facteur très important sur ce plan de la promotion et de l’image.

Quel que soit l’état de sa puissance militaire et de ses capacités d’innovation et de production dans ce domaine, la Russie conserve l’image d’une grande puissance, et d’une puissance jalouse de sa souveraineté nationale, donc extrêmement réticente vis-à-vis de la démarche d’acheter des matériels non-russes, surtout de cette importance stratégique qu’a le Mistral. L’intérêt des Russes pour le porte-hélicoptères français, leur insistance jusqu’ici perçue comme un intérêt technologique et opérationnel, représentent une puissance dynamique de promotion pour ce système français, et pour les capacités technologiques françaises en général.

Cette circonstance correspond au changement fondamental en cours dans la situation des transferts et de l’exportation d’armement, où les USA sont en train de perdre leur position de domination absolue depuis la fin de la Guerre froide. Ce déclin est du d’abord au déclin de leur puissance, qui conduit divers pays à réorienter leurs équipements vers d’autres sources pour des raisons politiques, et aux problèmes techniques et de gestion, voire plus graves, que le Pentagone rencontre dans certains programmes, à l’image exemplaire, bien entendu, du JSF. La France est, potentiellement, pour les années à venir, un des grands bénéficiaires de cette réorientation à cause de sa position originale, notamment pour des raisons politiques (indépendance nationale) de principale “alternative occidentale” à la fourniture d’armements par les USA.


Mis en ligne le 10 décembre 2009 à 10H34