Et pourtant non … Vraiment “too much”, GW

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Et pourtant non … Vraiment “too much”, GW


10 juin 2004 — Ils sont étranges… Alors qu’ils tiennent le bon bout, ils risquent de tout compromettre en en remettant une couche, et même deux couches, — l’OTAN et le “Grand Moyen-Orient”.

Si les Américains ont demandé que l’OTAN aille en Irak, demande vouée par avance à l’échec et d’ailleurs sans aucune réalité (l’OTAN n’a aucune force et ses membres pro-américains sont totalement épuisés de ce côté), c’est parce qu’ils continuent à vivre dans leur “univers impitoyable” évidemment américaniste, où ils ont tout à dire et les autres rien ; et l’implacable bureaucratie washingtonienne, aussi subtile qu’un taureau déchaîné, tient depuis longtemps comme une riche idée d’impliquer l’OTAN en Irak. Les Américains ont donc trouvé les Français sur leur route. On a pu entendre le soupir de soulagement rentré de nombre de pays de l’OTAN qui n’osent évidemment rien dire mais se trouvaient pétrifiés à l’idée de voir remise sur la table cette idée d’impliquer l’OTAN en Irak.

La même chose (cette position des Américains, en taureau déchaîné vivant dans leur bulle bureaucratique) peut être dite de l’idée de refaire un “nouveau” Moyen-Orient (a GME, ou Great Middle East, nouvel acronyme de la bureaucratie US, signe qu’effectivement l’affaire est entrée dans le “pipe-line”). Cette idée, que GW veut imposer, a provoqué un autre affrontement, toujours avec les mêmes inflexibles Français comme énorme obstacle sur la route du “succès”.

Quelle est l’explication de ce retournement de situation ? Il suffit de lire la première phrase de l’article du Guardian (cité en lien), sans doute également pêchée dans la confidence d’une source du Foreign Office, — les malheureux Britanniques, dans cette affaire, suivent effectivement comme de tristes caniches, selon la caricature à succès, la stupidité de la diplomatie américaine. La phrase dit ceci : « Attempts by President George Bush to exploit the diplomatic triumph of the United Nations resolution on Iraq were last night running into stiff opposition at the G8 summit, as France joined Arab countries in deriding the White House plans for a greater Middle East initiative. ».

« Diplomatic triumph », ce qui s’est passé à l’ONU ? De qui se moquent-ils ? Rarement on vit une interférence aussi grande entre le virtualisme (l’affirmation du soutien de la communauté internationale, suffisant pour un bon axe de campagne électorale pour GW) et la réalité (la résolution 1546 contient bien plus de concessions américaines que le moindre signe d’un triomphe quelconque, c’est une défaite américaine pas moins). La démonstration est faite de l’absence totale de la diplomatie américaine, de l’incompréhension totale des Américains des événements diplomatiques. La 1546 n’est pas la soumission de “la communauté internationale” aux ordres des Américains mais la reconnaissance par la communauté internationale qu’il est inutile de bloquer toute possibilité d’évolution en Irak. Les Américains ont appliqué dans cette affaire leurs conceptions philosophiques, cette fois renversées (qui n’est pas contre nous est avec nous).

[Quant à nous, et par rapport à notre interprétation précédente, nous avouerons notre faute considérable d’avoir cru que les Américains avaient été instruits de leurs déboires depuis avril 2003, et qu’ils avaient compris qu’il importait d’agir plus habilement pour obtenir l’apparence de l’harmonie extérieure permettant de fournir un thème à la campagne électorale. Il n’en est rien. Les Américains sont aujourd’hui plus conformes à leurs pires défauts (leur incapacité de cueillir le moindre fruit de l’expérience) que nous pouvions imaginer. C’est un enseignement considérable.]

Un autre point remarquable, un autre “enseignement remarquable” des événements tels qu’ils se déroulent est l’extraordinaire dégradation des capacités d’influence US, des “rapports de forces d’influence” si l’on veut, avec désormais le fait que l’opposition ouverte aux projets US ne craint plus de s’exprimer de façon ouverte, sonnante, spectaculaire. C’est dire si nous sommes entrés, avec une très grande rapidité qui ne cesse de nous étonner, dans une ère nouvelle, celle de l’affrontement diplomatique ouvert. La fausse querelle Europe (France)-USA est enterrée ; s’ouvre le véritable affrontement, où l’Europe, devant la position française soutenue plus ou moins discrètement ici et là, va devoir elle-même prendre position ou perdre toute possibilité d’existence.


« Buoyed by the 15-0 UN security council vote, Mr Bush and Tony Blair were seeking a three-pronged follow-up that would involve greater Nato involvement in Iraq, plans to bring western-style democracy and economic reform to the Middle East and north Africa and a resolution to the Israeli-Palestinian conflict.

» Britain and the US believed the UN show of international unity could mark the end of the west's year-long schism and draw a close to a turbulent period in which the two leaders have been dogged by violent insurrection and allegations of torture in Iraq.

» “After almost two months of rough news, we had finally had a series of significant moves forward on the political side,” said a senior Bush administration official.

» But the tensions between the US and Europe resurfaced at the G8 summit of industrial countries in Sea Island, Georgia, when the French president, Jacques Chirac, said that greater Nato involvement in Iraq would be neither “timely nor well understood”.

» He also gave strong backing to those Middle Eastern countries that have called on Mr Bush to drop his support for the Israeli prime minister, Ariel Sharon, in order to clear the path for peace in the region. Mr Bush by contrast was wholehearted in his support for Mr Sharon's decision to pull out of the Gaza Strip and parts of the West Bank.

» Mr Chirac said: “We must steer the parties back without delay on to the road to political settlement, and halt the escalation of violence.” Only by doing so would the G8 “be able to dispel the hostility towards the west which is so widespread in the Middle East”.

» Mr Bush yesterday presented a watered down version of his plan to stabilise the region to the handful of Arab leaders that accepted invitations to attend a G8 summit for the first time. The most feted was Iraq's newly appointed prime minister, Ayad Allawi, who was praised by Mr Bush for “having the courage to stand up and lead”.

» Turkey and Jordan were broadly supportive of the plan. But leading Arab states including Saudi Arabia and Egypt snubbed the event to protest what they view as heavy-handed US attempts to impose western values on their cultures. »


On ajoutera encore, somptueuse cerise sur le gâteau, que l’affrontement, qui devrait être appelé à prendre une grande intensité si les Américains insistent (à moins qu’un de leurs stratèges électoraux conclue qu’il est temps qu’ils se contentent du “triomphe” de la résolution 1546 et n’insistent plus trop), conduit désormais à des analyses et des prises de position qui vont au cœur des problèmes. C’est le cas lorsque Chirac affirme (selon le rapport du Guardian) : « But Mr Chirac was also dismissive of Mr Bush's initiative. “There is no ready-made formula for democracy readily transposable from one country to another. Democracy is not a method, it is a culture. For democracy to take root solidly and durably in the Arab world, it must be an Arab democracy before all else.” »

Effectivement, placer en avant l’aspect de la culture, c’est-à-dire l’aspect de la différence, et faire de la démocratie un qualificatif de l’évolution d’une culture au lieu d’en faire un fondement de toute évolution, c’est affronter de plein fouet les conceptions américaines. C’est ouvrir le front le plus important, le front fondamental de l’affrontement des cultures, entre les déstructurants (le nivellement démocratique, outil de l’américanisation) et les structurants (l’identité culturelle).

Dans cette affaire, la pauvreté où la non-politique de Blair a fait descendre la position britannique passe toute description. Jamais les Britanniques n’ont paru autant fascinés par la tactique, qui est dans ce cas une tactique de la servilité complète aux conceptions nihilistes de l’américanisme, et autant ignorants des enjeux stratégiques et fondamentaux dont ils savent pourtant l’existence (leur politique stupide ne les empêchant pas d’être intelligents). D’où le sabir incompréhensible de Blair, applaudissant bien entendu au “triomphe” de GW, qui implique le nivellement de toutes les différences et affirmations identitaires, tout en reconnaissant que, oui, il est nécessaire que, tout de même, les différences et les affirmations s’expriment.


« Downing Street, relieved to have any small concession from Mr Bush towards multilateralism, said the Quartet would be back in Israel by the end of the month.

» “Sensible people looking at the situation in the Middle East know there needs to be reform and change,” Mr Blair said. “Now, that's not for us to dictate to people, but it is for us to help them get there.” »


Le mot de la fin, temporairement et à ce jour dans tous les cas, revient à The Independent conseillant au pathétique duo GW-Blair, après leur sauvetage in extremis par l'ONU d'adopter comme politique ce simple mot d'ordre : se la fermer. « Every time that Tony Blair and George Bush open their mouths, they make matters worse. » Et, dans l'éditorial du quotidien britannique : « And there is something particularly galling about having to listen to Tony Blair and President Bush glorying in a UN resolution which they know represents almost the opposite of their thinking in going to war in the first place »