Et si McCain était élu grâce à “Hurricane Sarah”?

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La situation électorale US, malgré les fantastiques mesures suggérées par le fonctionnement du système pour la normaliser, nous a réservé une surprise de plus. Le “facteur humain” est décidément incontrôlable, ou bien est-ce que la profondeur de la crise d’identité des USA, au-dessus de toutes les autres crises du système, est plus abyssale encore que l’on ne le suppose. L’intrusion de Sarah Palin, ex-“Sarah who?” pour notre compte, introduit en effet un facteur absolument insaisissable dans ses conséquences.

Palin a connu à la convention républicaine un triomphe sans précédent, bien décrit ce 7 septembre par le Sunday Times, – qui boit du petit lait en bon conservateur, mais qui devrait se méfier des arrière-goûts amers pour ce qui concerne son pro-américanisme. Palin est décrite par cette expression intraduisible, mais que tous devrait comprendre: «Palin, 44, a pistol-packing political powerhouse». (Si, décidément, vous avez du mal à comprendre, reportez-vous à cette autre expression : “Hurricane Sarah” et baptisez-là “Annie du Grand Nord” comme l’on disait avant “Annie du Far-West”.)

«The enthusiasm generated by Sarah Palin, the Republican party’s new “northern star”, on her first tour of Middle America this weekend has revived Senator John McCain’s presidential campaign to such a remarkable extent that she is outshining her running mate.

»It is an unprecedented position of power for a vice-presidential candidate that carries great risks and rewards for McCain as he adjusts to operating in the shadow of a political phenomenon.

»As the McCain-Palin road show took to the suburbs and small towns in the Republican party’s target states, fans were running to see her rather than McCain, the 72-year-old former Vietnam prisoner of war.

»“I only found out half an hour ago that she was coming,” said Brenda River, 45, a hairdresser, mother of four and grandmother, as she hurried to the Freedom Hill amphitheatre in a conservative suburb of Detroit, Michigan. “I’m in her shoes, totally. I love her.”»

Bien entendu, la conclusion évidente vint aussitôt à l’esprit de nombreux militants républicains: c’est “Hurricane Sarah” qui devrait être candidate à la présidence. Cela n’a pas du enchanter McCain…

«…Although he [McCain] revelled in the excitement, he seemed at times to be overwhelmed by the audience’s passion.

»By the end of the rally it was hard to tell whether this was still McCain’s party. Matt Stath, a retired lorry driver, said: “She should run for president. I’d vote for her for president and McCain as vice-president. She’s going to be the most beautiful vice-president in history».”

Il ne nous importe pas pour l’instant de considérer l’événement de l’apparition foudroyante de Sarah Palin du point de vue politique. (Elle est de l’extrême droite chrétienne du parti républicain; elle se croit menée par Dieu et croit qu’une attaque contre l'Iran serait conforme à “la volonté de Dieu”; et ainsi de suite. Tout de même une petite note sympathique pour préciser que la seule matière de politique extérieure que connaisse Palin semble être les anti-missiles comme ceux qu’on promet à la Pologne, et qu’elle les adore, – ce qui nous promettrait des beaux jours si elle devenait vice-présidente : «John Bolton, the former US ambassador to the United Nations who met her briefly in Alaska, said: “I thought she was very sharp. She was very knowledgeable about missile defence – Alaska has missile interceptor bases which are on a trajectory from North Korea.”») Laissons ces réflexions bien trop rationnelles pour la fièvre de nos temps barbares. Ce qui nous importe, c’est l’extraordinaire facteur de déstabilisation que pourrait devenir Palin.

D’abord, elle tend à déstabiliser la campagne en faisant basculer l’aspect de nouveauté postmoderne, paradoxalement pour elle qui est ultra-conservatrice, de Obama vers l’équipe républicaine. On pourrait croire aujourd’hui que la perspective d’un président noir, à côté de celle d’une pétulante vice-président flanquée d’un président de 72 ans en mauvaise santé, a perdu toute cette originalité qui faisait frissonner nos salons postmodernes et révolutionnaires au printemps dernier. Ensuite, elle tend à déstabiliser McCain lui-même, en faisant dépendre le destin du candidat McCain de sa propre popularité. Elle place une éventuelle présidence McCain sous l’ombre d’une contribution importante et d’une popularité affirmée de sa vice-présidence, alors que la fonction de vice-président a acquis un poids considérable avec l’équipe Bush-Cheney. Ses options extrémistes et déstabilisantes pourraient alors devenir un facteur d’aggravation de la situation de l’exécutif US, autant que de la politique US évidemment. Le désordre extrémiste de Bush serait poursuivi et accentué; il pourrait même pénétrer à la Maison Blanche puisque cet extrémisme-là ne rencontrerait pas nécessairement toutes les options de McCain, beaucoup plus modéré que Bush et Polin sur les questions culturelles, éthiques, etc.

Cela posé, reste à voir si “Hurricane Sarah” va confirmer sa prestation de la convention sur la longueur de la campagne électorale. On verra, par ces temps d’extrême volatilité politique, où les réputations et les têtes couronnées d’avance roulent plus vite que le vent.


Mis en ligne le 8 septembre 2008 à 10H15