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851Plusieurs sites font grand cas d’une longue analyse de l’analyste James Hasik, auteur d’une proposition longuement explicitée à propos du JSF, et rapidement résumée: “Kill It”.
• Stephen Trimble, sur son blog fameux DEW Line (Flight International), le 3 mars 2010, sous le titre romantique de “Imaginez un monde sans le JSF”…
«Analyst James Hasik, author of Arms and Innovation, yesterday posted a remarkable blog red-teaming a future without the Lockheed Martin F-35. You need to set aside several minutes to read through the logic, but it's well worth it.
»Perhaps Hasik's harshest comment:
»The JSF is just not militarily vital. Several years ago, I asked the head of strategy at a European aircraft manufacturer why his company had no obvious plans for a fighter beyond the current model. “All our customers,” he said, “have enough fighters for chasing Cessnas for the next fifty years.”…
»Rather, Hasik envisions a future without the F-35 program…» – ce monde, avec tous les concurrents qu’il fait pour le remplacer.
• DefenseTech.org, le 3 mars 2010, commente également.
«… James Hasik makes the case for killing the F-35. As we’ve learned is the cause of most human errors, Gates made his decision to go all-in on the F-35 on the basis of incomplete information, Hasik writes. Now, the F-35 is not justly hugely over budget but development is over a year behind schedule and slowing.
»Hasik figures the U.S. has at least a ten year window before any potential foe could build a fighter fleet that poses a real challenge. Money freed up from the F-35 should go to building a fighter that can best anything the Chinese are likely to build over the next few decades.
»As Trimble says, it’s worth a read.»
• Quant à Hasik, (le 2 mars 2010 sur son site Jameshasik.com), il présente effectivement un long argumentaire sur le cas. Avec ce passage où il évoque toutes les mesures déjà prises contre le JSF, pour en arriver à l’“option nucléaire”…
«Let’s take this a stage further. Would it be possible not just to shoot a general or a program manager, but rather, the whole program? The challenges appear overwhelmingly huge. In the United States, the leadership of the USAF and the USMC see no clear alternative to simply continuing to pour whatever money they must into the program. (The Navy is an exception, and I’ll get to that below.) But the US has a further problem: the airplane is not just joint, it’s international. Like the International Space Station, the JSF is still stumbling along in part because it’s too international to deorbit.
»Those partner countries that have signed up for the program do have alternatives, and that points to the list of parties with a commercial or political interest in termination. Even Lockheed Martin, though, should think long and hard about how its competitors might work this issue. Boeing could stand the most to gain, and has a particular interest in killing the F-35C, the tailhook version which competes for the Navy’s funding with the F/A-18E/F—an airplane for which the Navy has shown increased affection of late. Close behind though would stand Saab, Dassault, and EADS (as the one shareholder in Eurofighter GmbH with little interest in the JSF program). These three European companies have an interest in killing the F-35A, the conventional land-based version, as Norway, Denmark, the Netherlands, Italy, Canada, Turkey, and Australia would all open up as marketing targets (Belgium and even Portugal might eventually make that list as well). Northrop Grumman, BAE Systems, and Alenia are perhaps of split opinions, in that all are major subcontractors to Lockheed Martin for the F-35, but that each has interests in the X-47B or Eurofighter programs, which would stand to gain from the F-35’s loss. In short, most of the combat aircraft industry would arguably like to kill this thing, and the rest is at best dispassionate.
»So, whether as an ambition or a red-teaming exercise, just how would one go about trying to kill the JSF?...»
@PAYANT … “JSF Fatigue”, si l’on veut, selon cette sorte d’expression qu’affectionne l’anglo-américain, marquant ainsi la dimension psychologique de l’affaire autant que l’importance de la communication et l’effet sur la psychologie des activités de la civilisation anglo-saxonne. Après des mois et des mois, après deux ans de punching ball contre un avion qui était auparavant aussi sacrée que la virginité de Marie, la fatigue se fait sentir.
Le programme JSF partant véritablement en lambeaux, voici donc que commencent à s’élever des voix qui, sans passion aucune, vous disent: “Allez, on laisse tomber.” Il n’y a rien pour nous étonner. Nous sommes persuadés depuis longtemps que le JSF, “too big to fall”, est inexorablement promis à tomber, et d’ailleurs pour des raisons bien plus graves que celles qui tiennent à ce seul programme et à la façon dont il a été conçu et développé. Qu’un Trimble, journaliste réputé et honorable s’il en est, et d’ailleurs beaucoup plus prudent que bien d’autres de son calibre, fasse cette place à l’essai de Hasik est significatif. Le programme JSF est désormais marqué du signe de la mort parce que, littéralement, plus personne n’y croit. Le désenchantement semble atteindre les militaires eux-mêmes (le chef d’état-major de l’USAF, pourtant en théorie son plus ardent défenseur) et peut-être même des gens chez Lockheed Martin.
Il y a là un curieux phénomène psychologique dû à l’action de la communication, avec son extrême de ce que nous avons nommé le virtualisme et ce qui devient par simple logique antagoniste l’autre extrême, qui est la réalité. Il y a eu à peu près, – de 1995 à 2007-2008, – douze à treize années d’affirmation de l’inéluctabilité de l’invincibilité de la dictature du programme JSF sur le XXIème siècle, avec des “informations” évidemment sans rapport avec la réalité (plutôt que “fausses”: nous parlons d’un monde qui a existé, d’une “bulle” qui était “le monde du JSF”, qui était construit avec des matériaux de communication propres à lui-même, sans rapport avec la réalité). Ce traitement de communication a exercé sur la psychologie une tension extrême, constante, intrusive, caractérisée dans sa formulation rationnelle par une exigence absolue de puissance et de domination (du JSF), et de son succès inéluctable cela va de soi. Cette pression psychologique impliquait une extraordinaire puissance de communication du programme mais recélait évidemment, à l’inverse, une fragilité extrême dès lors que l’intrusion de la réalité commençait à mettre en cause ce bloc de certitudes de communication. Effectivement, la réalité a commencé à frapper à la porte du programme JSF, disons autour de l’été 2008 d’une façon affirmée et notable. La formidable position du programme JSF a révélé son extraordinaire fragilité à cause de l’aspect totalement fabriquée et imposteur de cette construction virtualiste. La perception, l’“image” du programme JSF se sont brusquement détricotées en l’espace de deux ans; l’attaque contre le JSF, de plus en plus extrême, est devenue une attitude presque aussi conforme que l’avait été l’attitude d’encensement du programme auparavant. (Nous sommes d’autant plus à l’aise à l’énoncé de ces constats que nous avons, nous, constamment soutenu la conviction que le sort de JSF serait sans doute celui, tragique, de l’effondrement. )
La conséquence de la “JSF Fatigue”, ou plutôt son expression dans la réalité, c’est donc une sorte de détente psychologique qui saute à l’autre extrême, par quelque rapide échelon intermédiaire, pour constater que, finalement, le meilleur sort qu’on pourrait faire au JSF c’est de le tuer. Cette conviction s’étaye de plus en plus d’arguments rationnels, mais ne doutez pas qu’il y a au départ ce basculement de la psychologie, enchaînant sur le conformisme général de la pensée et l’empire de la raison qui font chercher une rationalisation de cette nouvelle situation psychologique. Certains vous opposeront encore, au nom de la même raison, l’histoire de la puissance US de ce dernier demi-siècle, la corruption à Washington et dans tous les relais dans les pays qui sont “JSFisés”, etc. Ils n’ont pas tort dans la liste des faits qu’ils énoncent mais, à notre sens, ils parlent d’une autre époque, qui n’est plus. Personne ne peut trancher entre ces deux avis de fond de ceux qui disent que “de toutes les façons le JSF se fera, parce que les USA sont si puissants et tout se fait toujours aux USA”, et ceux qui disent: “Il est devenu tout à fait possible, et même probable que le JSF ne se fera pas, nous sommes dans une autre époque“. Au point où l’on est, ce n’est pas un débat courant, c’est une question de conviction autant que d’intuition, et l’argument dépasse largement le JSF.
Du point de vue des faits eux-mêmes, il faut admettre des changements considérables. Même la puissance du Pentagone n’est garante de rien, car la puissance du Pentagone peut, elle aussi, ressentir la “JSF Fatigue”, si ce n’est le cas déjà, et haïr demain (presque aujourd’hui) ce qu’elle adore aujourd’hui (hier?). Il y a déjà beaucoup de signes dans ce sens, la colère des uns et des autres contre Lockheed Martin, le limogeage de l’un ou de l’autre, les plans de restructuration qui s’accumulent, les délais qui s’annoncent, tous ces signes de la terrible et destructrice “discorde chez l'ennemi”. Le JSF est devenu un porte-poisse, un excrément qui semble attirer toutes les mouches de la déconfiture et peut-être de la mort du Pentagone et du technologisme. A son encontre, on doit commencer à parler d’une sorte de haine furieuse comme, hier, on pouvait parler d’une passion aveugle à son profit.
Mis en ligne le 5 mars 2010 à 05H54
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