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1398Il nous a paru très intéressant de publier cette interview de Avidor Eskin réalisé par Sputnik.News, sur la situation en Ukraine et sur la position US actuelle selon lui (Eskin), avec notamment ce symbole de Nuland présentée comme déployant tous ses charmes pour la promotion d’une solution pacifique négociée en Ukraine. Avigdor Eskin, Russe juif né en 1960, devenu sioniste et émigrant en Israël en 1978, s’est affirmé comme un personnage contesté, et un ultra-conservateur sioniste en Israël. Il a gardé des liens très forts avec la Russie et, dans la crise ukrainienne actuelle, s’est affiché comme partisan de la Russie et de Poutine, ce qui est très apprécié comme on l’imaginera aisément dans les milieux conservateurs et nationalistes russes. Cette position vis-à-vis de la Russie et de la crise ukrainienne correspond effectivement à certaines tendances de la droite extrême israélienne et explique une position extrêmement ambiguë du gouvernement israélien vis-à-vis de la crise ukrainienne, et une distance certaine avec la position US qui n’est nullement goûtée à Washington. Cette situation politique et idéologique n’est pas le moindre des paradoxes de la crise ukrainienne, et, d’une façon générale, illustre l’extrême difficulté d’établir un classement clair des positions des uns et des autres dans nombre de problèmes, – au Moyen-Orient comme dans la crise ukrainienne, – cela correspondant parfaitement à la situation générale de désordre-hyperdésordre dont la politique-Système aveugle imposée par le Système et nullement réalisée en tant que telle par les dirigeants-Système qui l'appliquent est la cause, et dont on voit chaque jour des exemples multiples.
Évidemment, le point le plus spectaculaire de l’interview d’Eskin est son commentaire favorable de la toute récente rencontre (le 18 juin), en Allemagne, de Victoria Nuland avec l’adjoint au ministre des affaires étrangères russe Karasine. Nuland était en tournée européenne à propos de la crise ukrainienne, comme Kerry l’annonçait dans son intervention du 16 juin devant la presse accréditée du département d’État (voir le 21 juin 2015) : «Victoria Nuland will be over visiting some folks in the region shortly – today, tomorrow, and the next days.» Justement, puisque nous nous référons à notre texte du 21 juin 2015, on pourra apprécier l’extraordinaire différence d’analyse entre ce que nous dit Eskin (de Nuland, mais d’une façon générale de la position US) et les analyses des différents experts US cités dans l’article (Parry, Carden, Cohen) qui ne cessent de déplorer et de dénoncer la position maximaliste anti-russe sinon belliciste de l’administration Obama du fait d’Obama lui-même, et la trahison de l’“esprit de Sotchi” ; pourtant, ces trois experts ont toutes les compétences nécessaires pour juger de la situation US, et ils sont, objectivement parlant sur cette crise ukrainienne, proches de la position d’Eskin, – les uns et les autres objectivement antiSystème dans ce cas, quelles que soient leurs autres positions. Par contre, certes, Eskin énonce un jugement, notamment sur la position de Nuland, qui se rapproche de ce que nous avons pu discerner de la position “personnelle” de Kerry lors de son intervention du 16 juin ... Il est bien difficile de s’y retrouver, si l’on entend s’y retrouver d’une manière rationnelle et cohérente en se tenant exclusivement à ce qu’on entend aujourd’hui par rationalité et cohérence.
Donc, Eskin est très optimiste. Il applaudit au vote si surprenant par son unanimité de la Chambre des Représentants au Congrès US contre toute aide au bataillon Azov, ridiculise l’activisme de John McCain, parle même des bonnes manières de Donald Trump, etc. Il dit que le climat à Washington est en train d’évoluer, ce qui confirmerait l’“esprit de Sotchi” plutôt que le trahir, mais il dit cela comme s’il n’avait pas entendu les vitupérations contre la Russie, voire les quasi-insultes à l’intention de Poutine, du président Obama lors du G7 et la litanie antirusse de toute la presse-Système et des principales déclarations des dirigeants-Système du bloc BAO. (Et il ignore, volontairement ou simplement parce qu’il ne le sait pas, que les contacts US de la bureaucratie européenne de l’UE continuent aujourd’hui, plus d’un mois plus tard, à marteler comme nous le rapportions déjà le 19 mai 2015 une position dure et à démentir, contre l’évidence, que les USA [Kerry-Nuland] se soient montrés très conciliants et très amicaux avec les Russes à Sotchi : «Des sources indépendantes rapportent que, dans les briefings donnés par les divers contacts du gouvernement US à leurs homologues des pays du bloc BAO dans lesquels les Européens figurent en bonne place, la version américaniste officielle, de l’administration Obama, est qu’il ne faut pas “croire ce que la presse rapporte” (pauvre presse-Système, pourtant si aimable par sa discrétion !), que la partie US a été d’une “dureté extraordinaire” vis-à-vis des Russes, sur tous les sujets, y compris l’Ukraine bien entendu, qu’elle est donc sortie complètement victorieuse de cette confrontation qu’elle avait elle-même suscitée sans que personne ne lui ait rien demandé. Cette version est martelée partout dans les réseaux officiels du bloc BAO, d’une façon officieuse comme il se doit».)
Sur la situation en Ukraine même, l’analyse d’Eskin va dans le même sens, c’est-à-dire dans ce cas dans le sens d’un jugement défavorable, et surtout d’un constat que les extrémistes de Kiev-la-folle ne cessent de voir leur crédit baisser et leur situation s’affaiblir. Il donne des précisions sur le climat vis-à-vis des juifs ukrainiens, notamment en fonction de la puissance des extrémistes néo-nazis, et parle d’une émigration importante de cette population fuyant l’antisémitisme et craignant pour sa sécurité. Cet aspect des déclarations d’Eskin est moins sujet à l’ambiguïté générale dans laquelle baigne le reste, – ambiguïté générale non pas à cause de lui, Eskin, mais simplement à cause du désordre général empêchant de fixer une image claire de la situation. A nouveau, là aussi comme dans tant d’autres circonstances, on se trouve devant ce mur que les évènements et les perceptions (au pluriel) qu’on en ressent, dressent devant nous pour permettre justement ce fameux jugement des seules rationalité et cohérence permises par l’esprit du temps postmoderne. On connaît bien entendu notre position là-dessus, selon laquelle les évènements, justement, ont échappé à notre contrôle ... Ils ont même échappé, semble-t-il, au contrôle de Victoria Nuland qui se comporte donc désormais en parfaite petite messagère de son patron John Kerry, – lequel s’avère finalement, s’il a une jambe cassée, garder le bras long, ou le retrouver dans tous les cas au sein de son administration puisqu’il semble “tenir” Nuland. Tout cela alimente l’extrême relativisme forcé de notre jugement si l’on s’en tient justement à ces seuls évènements, plutôt que le fixer. Cela rend parfaitement logique de juger que, même si elle ajoute au désordre et parce qu’elle ajoute au désordre, la position d’Eskin est intéressante à connaître.
L’interview de Avigdor Eskin a été publiée sous le titre «Nuland : US Not Interested in Further Escalation in Ukraine», le 22 juin 2015 par Sputnik.News.
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Sputnik.News : «One of the top US officials, Victoria Nuland has called for the implementation of the Ukraine peace accords. Officials have confirmed their joint support for the full implementation of the February 12th Minsk agreements. Do you feel that this is a real change in policies or is this somewhat of a tactical change maybe a sleight of hand?»
Avigdor Eskin: «When someone is so ultimately hawkish as Victoria Nuland starts talking differently with Russian partners and instead of bringing cookies to Maidan, consumes Russian products as well – it makes a certain change in the atmosphere. She had a very good meeting with Mr. Karasin, she made few reasonable statements. And she made clear that the US will support Russia in efforts of holding fire in Donetsk and Lugansk. They are not interested in any escalation. That is what she emphasized over and over again. Moscow is not interested in escalation as well. Due to some changes in the US Congress – there is progress. We can see their decision to stop any help to the Azov battalion.»
Sputnik.News : «But on the other hand there's talks of John McCain sending weapons to Ukraine, so on one hand it seems as if we have a good cop and a bad cop. Victoria Nuland is being on record as being very anti-Russian. Are you suggesting that we’re moving towards a second phase or a different phase of this new cold war rhetoric?»
Avigdor Eskin: «John McCain is less influential today then someone like Jeb Bush or Donald Trump, he is not even a candidate. You can see some good statements made by Trump. McCain is not the real decision maker in anything to do with Russia. He can be friend of Saakashvilli – that is his level, of a friend of someone else in Kiev. His influence is close to zero today. America saw and realized the results of his actions.»
Sputnik.News : «When you talk of Saakashvilli, you touch upon an interesting point. He’s appointed governor of Odessa, and Odessa is close to Transnistria, and Transnistria itself is somewhat of a replay South Ossetia – Georgian war. Isn’t that what we are going to see? More conflict in the region?»
Avigdor Eskin: «I don’t think Saakashvilli will do what he did in Georgia. But in Georgia he did everything to make Georgia lose its territory. From his commentaries we can see that the guy went crazy. He did everything that the Russian side would have no other option to reply. Was it right or wrong – history will tell. But Saakashvilli was a curse for Georgia, I’m sure he’ll be much more careful in Odessa.»
Sputnik.News : «There is a bill that is put up by two congressmen to block the Ukrainian Neo-Nazi Azov battalion. What impact is the US Congress decision will make?»
Avigdor Eskin: «The US admits that Nazi battalions and glorification of Nazi ideology really exists. They admit what has been coming from Russian side. And we are talking about Government policy and not just anti-Semitic and Nazi element. Ukrainian President announces Bandera and Shukhevich as national heroes, the Verkhovna Rada passes a legislation to glorify those Ukrainians who collaborated with Nazis. And if the US understands this better now – I’m sure there’ll be much easier ways to find a solution for Ukraine, and relations will improve. The US need to understand that people who lost so many lives in WW2 just cannot be idle to this kind of policy.»
Sputnik.News : «Donald Trump announced his candidacy last week. Trump was easy on Russian president. He said that Putin is extremely popular, people love what he is doing, and said that you can get along with these people (Russian), you can make deals with those people. If he is elected, could it be a positive development?»
Avigdor Eskin: «I think any of such things would be a positive development. I think in modern world USA and Russia should be allies, should defend western civilization from ISIL and other threats. According to the UN There are 60 mln refugees in the world this year. And all these people, where do you think they will go? To Africa, Rwanda? I mean, the western world faces horrible danger, and instead of being united – US and Russia reach new and new levels of tension. It’s the reminiscence of the past. It has nothing to do with today’s realities. Russia can take place which is clearly defined by its boundaries. And the US will not move NATO further east. And then you would see how good the relations can be between the two countries. And any candidate who will take this as one of his points will gain from this for sure.»
Sputnik.News : «What is going on in Ukraine now? There have been numerous anti-Semitic incidents there.»
Avigdor Eskin: «Nowadays Neo-Nazi groups there are not trying to hide their feelings towards the Jews and other minorities. They recently refused the fact that there will be a memorial to Jews slaughtered during the WW2, some of them by Ukrainian collaborators. And now some hooligans desecrated another memorial in Nikopol, Dnepropetrovsk area. Dnepropetrovsk is out of control of Kolomoiskyi now. And Kolomoiskyi is one of the persons who created a wave of anti-Semitism in Ukraine. So all together Jews are under direct threat now there, and many of them have left and are leaving for Israel now.»
Sputnik.News : «Feelings of people that have been held down for a long time are coming to the surface?»
Avigdor Eskin: «Despite this very groomy and tragic situation in Ukraine – on Victory Day May 9 there were millions of people celebrating it, and not celebrating in memory of Neo Nazi collaborators. There is a great potential for Ukrainian people to get into new peaceful and constructive relations with Russians. We have to pray that Western Europe and USA will help to do it, so that then together we could face real troubles that stand before us today.»
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