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17345 novembre 2008 — Les qualificatifs sont à mesure de l’événement mais c'est dans l'événement qu'il faut chercher sa véritable mesure. Rien de ce qui s’est passé hier aux USA n’aurait été possible si la situation n’y était pas celle d’une crise tragique. Ce vote historique est celui d’une période tragique de l’Histoire, nullement le renforcement des arguments intéressés des idéologues habituels de notre temps. Ce vote historique est celui de notre crise générale, et, cette crise, ces mêmes “idéologues habituels de notre temps” en portent la responsabilité qu’ils ont reprise avec entrain de leurs prédécesseurs.
Citons aussitôt un commentaire éclairé, fait avant l’élection (publié le 4 novembre). Il s’agit d’un texte de Charles Cook, éditorialiste du National Journal que nous avons déjà cité pour un autre texte remarquable. Charles Cook, faisant par avance le pari sans risque de l’élection d’Obama, commente cette élection déjà acquise. Il termine son texte par un parallèle: l’élection en 2007 comme gouverneur de Louisiane, l’Etat natal de Cook, de Bobby Jindal, un républicain de 36 ans qui a la particularité d’être le fils d’un immigrant indien (disons, venu de l’Inde, pour n’entretenir aucune ambiguïté). Triomphe du multiculturalisme, de la tolérance, etc.? En Louisiane?
«As this campaign draws to a close, I'm reminded of what happened last year in my home state of Louisiana. For more than three-quarters of a century, Louisiana has suffered from what were frequently some of the worst public policy decisions imaginable. Sadly, competence and farsightedness among the state's top officials were the exception rather than the rule. Throw in the lousy luck of being hit by Hurricane Katrina in 2005, and the state's saga was really distressing.
»Last year, Louisiana elected Bobby Jindal, a 36-year-old son of Indian immigrants, to be governor. Jindal is from Baton Rouge, graduated from Brown University, then turned down Harvard Medical School and Yale Law School to go to Oxford as a Rhodes scholar. He next joined McKinsey and Co. management consultants. That's not exactly the typical career path for Louisiana governors.
»Louisiana did not elect Jindal to impress the rest of the country or the world with its multiculturalism or to make some symbolic gesture. In the aftermath of Katrina, the state was facing fourth down and long yardage in a losing game. Voters decided to take a risk. It was as if the people of Louisiana said, “We are in deep trouble and have tried everything else. This kid seems really smart, seems to know an amazing amount about the issues, and seems so confident and poised. Let's give the ball to the kid and see if he can do something with it.”»
Cook termine sur une note d’espoir, puisque c’est cela, l’espoir, qu’il entretient. Espoir à propos de la Louisiane, donc espoir à propos de l’Amérique. C’est une démarche humaine et respectable, mais ce n’est que cela, – comme, de même, la Louisiane n’est que la Louisiane et pas les USA… «If Louisiana weren't in such bad shape, Jindal almost certainly could not have won. But, so far, he has performed admirably and lived up to his advance billing. Indeed, he is one of the few bright spots on the Republicans' horizon.»
Ainsi suffit-il de faire une substitution de deux mots à laquelle Cook nous invite. “America did not elect Obama to impress […] the world with its multiculturalism or to make some symbolic gesture. […] Voters decided to take a risk. It was as if the people of America said, ‘We are in deep trouble and have tried everything else. This kid seems really smart, seems to know an amazing amount about the issues, and seems so confident and poised. Let's give the ball to the kid and see if he can do something with it.’ [...] If America weren't in such bad shape, Obama almost certainly could not have won.”
On a beaucoup parlé, durant cette campagne de “l’effet Bradley”, qui a beaucoup à voir avec la question du racisme. Le paradoxe de cette élection est peut-être ce qu’on pourrait désormais nommer “l’effet Obama” (ou “l’effet Jindal”, selon la réflexion de Cook), qui serait un “effet Bradley” à l’envers. Pourquoi ne serait-ce pas notamment parce qu’il est Africain-Américain qu’Obama a rassemblé derrière lui un tel soutien populaire? Non pas parce qu’il est ce qu’il est, mais parce qu’il semble alors différent, on comprend pourquoi, et que, vraiment, tout ce qui a précédé est si catastrophique?
…Et cela, évidemment, ne nous dit rien, absolument rien d’Obama, ni de sa politique, ni de la position qu’il prendra vis-à-vis du système, et pas grand’chose, ni de l’évolution du racisme, ni de la tolérance de l’Amérique et ainsi de suite; et cela nous en dit beaucoup, au fond et fondamentalement, de l’état de désespoir des électeurs, de la profondeur terrible de la crise de l’Amérique, de notre crise de civilisation. L’événement est historique, sans aucun doute, et il est bon de savoir pourquoi il est historique.
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