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1456Le Christian Science Monitor étant un quotidien honorable de la presse-Système aux USA, on tiendra son article du 22 mai 2013 sur le “nouveau leadership russe” dans la crise syrienne comme également honorable, façon Système, et d’autre part significatif d’une évolution du jugement US, – et sur la crise syrienne, et sur la Russie. On sait que nous tenons nous-même cette affirmation russe, déjà évidente depuis de nombreux mois dans ce cadre, comme évidente dans la séquence actuelle (voir le 14 mai 2013). Il est néanmoins particulièrement important que ce fait objectif commence à être reconnu, et éventuellement exploré, dans la presse-Système, notamment et singulièrement des USA.
Au départ, le journal, l’auteur de l’article, les habituels “experts” US consultés (qu’ils l’aient été ou pas), restent prudents. Confiants dans la vertu de la banalité conformiste, ils ont tendance à faire de ce leadership une affaire conjoncturelle, de circonstance, et d’ailleurs liée à des objectifs précis et finalement plutôt limités. Il s'agit (dans tous les cas pour les experts) d'une marque convaincante de leur impuissance à comprendre ce fait qui les dépasse, – qu’une diplomatie puisse fonctionner avec fermeté en s’appuyant sur des principes structurants ... «Russia believes that its long-held vision of how to achieve peace in civil war-torn Syria has at last become possible due to a shifting balance of forces in the war and changing perceptions in the West, experts say. Newly assertive in advance of an upcoming peace conference to be jointly sponsored by the US and Russia, Moscow is insisting that rebel factions who come to the meeting must do so “without preconditions,” meaning no demands for Mr. Assad's removal. It is also advocating that Syria's main regional ally, Iran, should be included in the talks along with other players like Saudi Arabia.»
• L’article note tout de même les évolutions de l’administration Obama, reculant de plus en plus les conditions d’un éventuel engagement US plus marqué en Syrie, ou soumettant cette possibilité d’engagement à des conditions de plus en plus complexes et tellement insaisissables qu’elles font de cette possibilité un labyrinthe kafkaïen. (Ce dernier point est remarquable, qui restitue autant un réflexe de l’époque rassemblée en un Système encombré de narrative bien plus que de constats de la réalité, que l'effet de la psychologie du président des USA qui semble enfermée dans les calculs, les hésitations, les manœuvres, et dominée par une distance vis-à-vis des événements qui pourrait être une vertu et qui s’avère être un aliment pour la paralysie et l’impuissance paradoxale, – l’“impuissance de la puissance”, en quelque sorte, qui est effectivement un aspect du Système lui-même, autant que des USA évidemment.) Cette “évolution” constante de l’administration Obama, qui est l’exact contraire de l’évolution russe, après avoir désorienté les Russes semble désormais être maîtrisée par eux, – mais pas nécessairement comprise, exercice difficile et éventuellement inutile là où il n’y a rien de conceptuel à comprendre. A cet égard, la “libération” psychologique de la Russie explicitée par le député Alexei Pouchkov («La Russie est en train de mettre un terme à sa dépendance de la superpuissance mondiale», voir le 4 février 2013 et le 1er mars 2013) est complètement confirmée et explique en bonne partie l’aspect de plus en plus évident et presque structurel désormais de cette affirmation du leadership russe.
L’article donne même une interprétation acceptable, et juste en partie, des diverses variations autour des livraisons d’armes de la Russie à la Syrie, – déjà faites, peut-être en cours, à faire, ou pas nécessairement assurées, ou pas du tout c’est selon. L’argument est développé en fonction de nouvelles qui sont extrêmement incertaines, et qui ont également été la marque dans cette incertitude des “évolutions” de l’administration Obama autant que des commentaires US. (Notamment, le sort de la nouvelle de la livraison de missiles terre-mer Yakhont est remarquable par sa complexité, entre les extraordinaires palinodies de l’administration Obama pour “plutôt” démentir cette nouvelle [voir le 17 mai 2013], et les affirmations truffées d’approximations et d’erreurs collatérales du New York Times [voir le 21 mai 2013] pour affirmer cette nouvelle complètement incertaine et en faire le cœur d’une argumentation grossièrement moralisante qui en hérite toute l’artificialité.)
Le Christian Science Monitor écrit donc, à ce propos des “livraisons” d’armes russes : «In another newly self-confident message, clearly aimed at the West, Moscow has let it be known that it will complete deliveries of advanced weapons systems to Assad's forces. They include the hypersonic Yakhont anti-shipping missile – some of which have reportedly been delivered – which could threaten warships up to 200 miles off Syria's coast. Moscow has also indicated that it will complete a contract to supply sophisticated S-300 anti-aircraft systems, which are capable of shooting down modern fighter aircraft at great distances and altitudes. In combination, the two weapons could deeply complicate any Western effort to repeat NATO's limited intervention in Libya, which led to the downfall of dictator Muammar Qaddafi.»
• Finalement, pour donner l’impression d’une certaine compréhension du comportement russe, l’article a recours à des spécialistes (des experts, mais pas US), qui ont été interrogés. Il est particulièrement indicatif de l’infécondité des esprits à ce stade de l’évolution du Système, et notamment au sein du bloc BAO, que la parole soit donnée, pour faciliter cette compréhension, à des experts russes. Effectivement, dans ce naufrage de la pensée américaniste-occidentaliste, après tant de mois et d’année d’auto-intoxication exceptionnellement débiles sur l’explication du comportement russe, c’est la meilleure chose à faire... Ce que nous voulons signifier par là, c’est que ce recours aux experts russes pour comprendre la Russie, qui commence effectivement à être pratiqué dans le commentaire dans le bloc BAO, qui est en soi une excellente chose, est dans ce cas du bloc BAO qui a toujours considéré qu’il était apte lui-même, seul et sans consultation des autres, à comprendre les autres, un signe d'une reconnaissance certainement inconsciente de cet effondrement intellectuel par simple interprétation indirecte de sa démarche. Le bloc BAO, les USA dans ce cas, ne comprend plus rien au désordre qu’il a lui-même créé et au comportement des autres dans ce désordre, et il commence, contraint et forcé, à consulter “les autres” à ce propos. (Sorte de supplique adressée aux Russes : “Pouvez-vous nous expliquer le comportement de la Russie, cela nous aidera peut-être à tenter de comprendre le notre et le désordre extraordinaire que nous avons créé”.)
Voici donc Georgy Mirsky, expert à l’Institut de l’Economie et des Relations Internationales de Moscou : «The West seems to have thought that they could get Putin to pressure Assad into leaving, and all would be well. That's complete nonsense. Assad will stay till the very end, and he has many resources to do so. Meanwhile, the opposition is increasingly being taken over by radical Islamists, who look like the only people capable of defeating Assad. But these are the followers of bin Laden. Are the Americans really ready to go on supporting them?»
Voici surtout Fédor Loukianov, éditeur de Russia in Global Affairs, chroniqueur à Novosti, etc., que nous avons déjà beaucoup cité (voir notamment le 24 décembre 2012 et le 21 mars 2013) : «By publicly revealing these missile deliveries, Russia is saying to the West that this peace conference is the last chance to attain a negotiated settlement. If the conference fails, which seems quite possible, then the Russian message to the West is that if you step up arms deliveries to the rebels, our aid to Assad will be increased too. [...] In cold war times it was clear why these superpower standoffs took place. But we no longer live in a bipolar world, and Russia does not seek these days to challenge US hegemony in any systematic way. For Russia, at this point, the key is to try to reverse that post-cold war trend which aims to legitimize Western interventions to settle local conflicts. There are a lot of reasons why Russia feels this way; perhaps our leaders fear that, eventually, such precedents might even be used against us. But non-intervention is now a basic Russian principle... So Russia's actions around Syria today can best be understood as Moscow's way of saying ‘No’. International action to remove Assad is not going to happen. It's not the way forward.»
Mis en ligne le 24 mai 2013 à 06H05
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