Expression de l’“air du temps” : Notre Fin Dernière

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Expression de l’“air du temps” : Notre Fin Dernière

On lit par ailleurs diverses réflexions qu’on définirait par les termes “catastrophique” ou “eschatologique”, c’est selon. (Il y a, aujourd’hui, ces articles allant dans ce sens, dont on trouve les liens à la même date du 8 septembre 2014 et du 8 septembre 2014, dans Ouverture libre.) Il ne s’agit pas d’une tendance idéologique, ou même de la tendance bien connue et souvent polémique qu’on connaît sous les néologismes de “complotisme” ou de “catastrophisme”, mais de réflexions et de commentaires d’un genre plus classique et fondamental à la fois, dégagés pour l’essentiel de la conjoncture pour embrasser l’aspect structurel fondamental de notre situation générale ; simplement, l’évolution de cette situation générale fait que les orientations catastrophiques et eschatologiques sont de plus en plus privilégiées par la logique des événements qui sont l’objet de commentaires. Les orientations catastrophiques et eschatologiques sont de plus en plus, et avec une accélération significative depuis quelques mois et quelques semaines, la “tendance classique” des commentaires... Cela nous en dit long sur l’“air du temps”

Nous singularisons dans notre chapeau de présentation les crises dites ISIS et Ukraine, qui recouvrent, chacune d’elle pour son compte, des champs beaucoup plus vastes que les deux seuls sujets spécifiques évoquées (ISIS et Ukraine). En fait ces deux crises, qui tendent à se compléter aussi bien géographiquement que du point de vue des événements, que du point de vue des types d’action politico-militaires et surtout de communication qu’elles suscitent, recouvrent des territoires et des problèmes beaucoup plus vastes que leurs sujets spécifiques ne suggèrent. On arrive très vite au constat que ces deux “crises” additionnées représentent une “nébuleuse crisique” d’une énorme puissance qui tend à figurer et à opérationnaliser à peu près tous les problèmes et tous les affrontements caractérisant l’action de surpuissance du Système et la résistance antiSystème qui s'y oppose en suscitant la transformation de la surpuissance du Système en autodestruction. Il s’agit finalement d’une intégration de la confrontation globale caractérisant notre civilisation, et le Système qui prétend la conduire, arrivant à son point fondamental de rupture.

Dans ce cas à la fois extraordinaire et qu’on pourrait même qualifier de sublime, il est logique que les commentaires se saisissent de plus en plus de cet aspect des choses pour évoluer vers des analyses et des jugements d’ordre général dont le sujet devient tout simplement le sort final du Système, le sort final de notre civilisation, voire le sort final de notre espèce. La tonalité catastrophique et eschatologique va alors de soi, sans qu’il soit nécessaire le moins du monde de soupçonner dans le chef de leurs auteurs des esprits touchés par les tendances eschatologiques ou complotistes prises dans le sens d’une pathologie de la psychologie. Le “catastrophisme” et l’“eschatologisme” sont désormais le terrain normal de le réflexion rationnelle et du commentaire mesuré.

En effet, ce que nous montrent les deux crises considérées étendues à leur constitution réelle de “nébuleuse crisique” représentant “à peu près touts les problèmes et tous les affrontements caractérisant l’action de surpuissance du Système et la résistance antiSystème...”, c’est le complet blocage, l’impuissance, l’aveuglement, la paralysie complète, l’enfermement dans la fiction générale (ce que nous nommons narrative ou fantasy-narrative selon l’intensité de la chose) de nos directions politiques, de nos élites, de leur presse-Système, essentiellement dans le cadre de ce que nous nommons le bloc BAO. Il s’agit là encore d’un constat quasiment objectif, fait par des commentateurs d’orientations sinon d’idéologies différentes, mais se rejoignant dans la mesure assez similaire qu’ils établissent de l’ampleur écrasante du phénomène. Littéralement, ce problème-là mobilise, d’ailleurs par définition évidente puisqu’il s’agit du problème ultime, l'essentiel de l'attention possible de ce qu'un commentaire peut et veut avoir de fondamental. Le reste est pour le mieux complètement accessoire, pour le plus courant déflexion, dissimulation de l’essentiel, manœuvre voulue ou inconsciente de diversion, – du menu fretin, finalement, – cela qui est notamment une spécialité de la presse-Système certes.

Est-ce à dire que nous sommes à un tournant des choses de l’évolution générale du monde ? Dans le domaine de la perception, nous serions tentés de répondre que c’est sans aucun doute le cas. Or, la perception, c’est-à-dire la communication et l’interprétation qui en est donnée, qui forment aujourd’hui l’essentiel de l’évolution politique et de la puissante réalité métahistorique, la perception forme elle-même la principale voie conduisant à une possibilité d’analyse cohérente des événements à partir du matériel psychologique qu’elle fournit. Il est devenu impossible, dans un univers où l’objectivité n’existe plus, où les “faits” et les “événements” sont constitués d’une dynamique d’une volatilité extrême caractérisée par le désordre, la terrorisation des esprits, l’intervention dans tous les sens d’acteurs extrémistes et irresponsables qui ont pourtant des moyens importants de proposer sinon d’imposer une influence totalitaire empêchant toute forme cohérente et impérative de s’imposer, il est impossible disons-nous d’espérer une seule seconde de s’en tenir à la détermination rationnelle d’un constat d’une situation qui serait caractérisée par l’évidence de son existence effectivement de forme cohérente et impérative. La perception éclairée par l’expérience ne peut donc se contenter d’elle-même, s’en tenir au seul fait de percevoir, parce que cela la conduirait à l’incohérence, au désordre, à l’incompréhension sinon à l’altération mentale du jugement ; elle doit complètement s’investir dans la tâche de l’interprétation.

C’est la raison pour laquelle, ces dernières années, face aux mêmes événements, tant d’interprétations différentes, souvent concurrentes et contradictoires, sont apparues même chez des commentateurs faisant profession de ce que nous nommions d’ores et déjà d’attitude antiSystème. Il s’agissait évidemment de la diversification, de l’atomisation des jugements qu’implique l’interprétation spécifique à partir de la perception, – deux caractères intellectuels et psychologiques marqués d’une très forte subjectivité. En un sens, on pourrait encore retrouver cette diversité de démarche à propos d’ISIS et de l’Ukraine, et, au-delà, de la nébuleuse crisique que ces deux “crises“ réunies représentent.

Mais par-dessus tout cela apparaît l’autre courant que nous mentionnions, – désigné plus haut comme “la ‘tendance classique’ des commentaires”, ou d’une façon plus triviale l’“air du temps”, – et c’est aussi pour cela que nous proposons qu’on doive dire que ces deux “crises”, simili-crises en réalité, sont en réalité des éléments artificiels d’une énorme nébuleuse crisique qui représente ce que nous nommons l’infrastructure crisique. Simplement, mais d’une façon ô combien différente dans l’activité de la chose, cette infrastructure crisique non plus à l’état latent mais soudain passée à la phase de la pleine et terrible éruption, exactement comme un immense volcan endormi ou plutôt restée à l’état de latence s’éveille enfin et explose dans tous les sens, secouant le monde de toute la force de sa colère contenue. Le phénomène engendre naturellement, de plus en plus systématiquement et, dirons-nous, de plus en plus objectivement collectif sans aucune organisation consciente, par simple évolution similaire des jugements, cette unité de commentaire dans le sens du catastrophisme et de l’eschatologisme, c’est-à-dire dans le sens de l’interprétation de ce qui ressemble de plus en plus à la voie désormais clairement tracée vers ce qu’on pourrait désigner comme l’événement final.

L’esprit se réconcilie alors avec lui-même. Il était orphelin de l’objectivité et de la vérité depuis que les affaires du monde ont été traitées volontairement, systématiquement, on dirait même selon un paradoxe orwellien sans souci de cohérence même invertie, avec le plus complet mépris pour la vérité et l’objectivité... Rappelez-vous (par exemple, le 30 décembre 2013, des Notes d’analyse sous le titre «Notes sur la présomption de culpabilité») :

«Nous avons très largement adopté cette conception qui nous semblait s’imposer à la lumière du comportement officiel, dès ouverte la période commencée le 11 septembre 2001. Nous étions préparé à ce tournant radical dans la visibilité presque choquante à force de systématisme affiché des “mensonges” officiels (ensuite virtualisme, puis “narrative”), dès la guerre du Kosovo. (Voir le 10 juillet 1999 et le 10 septembre 1999.)

»Nous avons constaté dès l’attaque contre l’Afghanistan une véritable institutionnalisation de cette “façon d’être”, qui se concrétiserait peu à peu, dans les années qui suivirent, en une véritable contre-légitimation (ce qui va au-delà de la délégitimation : une “contre-légitimation” serait une affirmation sans la moindre dissimulation, au travers de cette politique successivement mensonges-virtualisme-“narrative”, que le pouvoir non seulement peut se passer de légitimation mais va jusqu’à tenir la légitimité pour inutile et dommageable parce qu’elle le lie à un ou à des principes). Il s’est donc agi de l’instauration de ce qu’on pourrait désigner comme une “doctrine” selon laquelle il faut suivre une politique “officielle” consistant à ne plus tenir la vérité ou ce qui est considéré comme tel (quoi qu’il en soit “en vérité”, – autre histoire, certes) comme la référence des démarches officielles de communication, mais au contraire presque comme “une ennemie”. L’important, l’essentiel, est que cela fut dit et même proclamé officiellement, sous couvert des nécessités de sécurité nationales devant le fait proclamé unique et extraordinaire par ces mêmes autorités de “la Guerre contre la Terreur”. En ce sens, la démarche n’était pas orwellienne (où l’on cherche à dissimuler, à tromper), mais ouverte et presque, – paradoxe dans les termes, – caractérisée par une “vérité” proclamée, celle que désormais l’on mentirait volontairement...

»Nous analysions cet événement dans ses prémisses et ses premiers signes, donc d’une façon encore très sommaire, dans le numéro 8 du volume 17 de la Lettre d’Analyse “dedefensa & eurostratégie”, du 10 janvier 2002, sous le titre “Je doute, donc je suis”. Ce texte a été repris sur le site “dedefensa.org” le 13 mars 2003...»

Ainsi, par quels chemins étranges retrouvons-nous l’objectivité, c’es-à-dire la vérité de la situation, – par le chemin du mensonge accepté comme tel, manipulé et retourné contre le menteur au nom de ce qui devint, dans notre esprit, dans le chef des autorités qui nous dispensaient la parole officielle, l’affirmation péremptoire et vertueuse de “la présomption de [leur] culpabilité” ... Par cette voie incroyablement tortueuse et pleine de contradictions, de contresens, de paradoxes, nous retrouvons la voie claire et dégagée de ce que nous nommons depuis quelques temps, – pour ne pas parler de Vérité dans toute sa puissance, – les “vérités de situation” qui nous réconcilient avec la réalité de notre existence même.

Mais il faut dire que ces autorités elles-mêmes, les plus indignes “collabos” qu’on puisse imaginer, ceux du Système, asservis au Système comme des figurants de circonstance, ces autorités (!) sont dépassées, foulées au pied, ligotées dans leur impuissance et leur imposture, réduite à l’étroitesse de leur pensée, au conformisme d’une médiocrité impitoyable. Peu à peu, elles passent la main, leur verbe tarit dans la monotonie du lieu commun mille fois psalmodié, leur conviction réduite au conseil de la communication, leur perception ramenée à des illusions sans lendemain, leurs psychologies épuisées. Face à elles, face à ces caricatures d’“autorités”, l’esprit se réconcilie avec lui-même, certes, mais à quel prix, qui est celui de la reconnaissance de la voie finale du catastrophisme et de l’eschatologie. Le prix de cette retrouvaille d’une objectivité-vérité dans le chef de la perception est extrêmement élevé ; il est par ailleurs, pour nous qui n’avons jamais douté de cette issue depuis au moins l’événement du 11 septembre 2001, inéluctable, inévitable, irréfragable ; en quelque sorte, il s’agit de rien moins que de notre destin retrouvé.

Maintenant, comme jugeaient les Anciens, c’est aux dieux à dire leur volonté et à dicter leur loi.


Mis en ligne ler 8 septembre 2014 à 03H45

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