F*** ou f******? BHO et un super-scandal as usual

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Il faut dire que l’affaire du scandale du gouverneur de l’Illinois Rod Blagojevich est aux petits oignons. Un gouverneur arrêté, le gouverneur démocrates de l’Etat de l’Illinois, celui du President-elect, négociant aux enchères la succession du siège de sénateur du même President-elect. Les enregistrements du gouverneur Rod Blagojevich négociant les enchères, saisis par les policiers, sont également aux petits oignons, comme il se doit mais encore plus qu'à l'habitude.

(Le mot de passe “F***” ou “f******”, selon la volubilité constatée, qu’on retrouve ci-dessous, signifiant, dans le code puritain de la transcription américaniste des choses de la vie, le fameux “fuck”, ou “fuck you”, qui semble le signe de ralliement de la conversation habituelle dans le pays des Pères Fondateurs. Cet étrange montage typographique qui nous est offert, – “F***” ou “f******”, – semble une non moins étrange barrière transparente, on dirait comme un clin d’œil ironique et paradoxal fait au puritanisme fondamental du domaine, auquel effectivement le conformisme par réflexe et empressement sacrifie avec cette typographie. L’emploi extraordinairement constant, syncopé, presque comme un élément du rythme même du langage américaniste postmoderne, nous fait parfois nous demander si “fuck” transformé en “F***” ou “f******”, n’est pas plutôt un signe de ponctuation volubile et postmoderniste après tout.)

«The Illinois Governor was arrested on Tuesday for what prosecutors called a “political corruption crime spree” that included putting Mr Obama’s vacated Senate seat up for sale. “I’ve got this thing and it’s f****** golden, and, uh, uh, I’m just not giving it up for f****** nothing,” he allegedly said in one wiretapped conversation.

»On the tape recordings, Mr Blagojevich is said to have blasted the incoming president over the choice of new senator, saying that he did not want to give that “motherf***** [Obama] his senator. F*** him. For nothing? F*** him,” he said. “They’re not willing to give me anything except appreciation. F*** them.”»

Ces extraits viennent d’un article du Times, de ce 11 décembre, nous annonçant que Jackson Jr., le fils du révérend Jackson et très proche d’Obama, pourrait être inquiété, ou dans tous les cas perturbé. Au-delà du cas, le même journal, dans un autre article du même 11 décembre, se demande dans quelle mesure le scandale va ou non toucher le President-elect, ou disons “ternir son image”. A première vue, il ne semble pas qu’il y ait le moindre lien fautif, mais l’affaire est l’occasion, surtout, de mettre en évidence le comportement d’Obama en temps normal.

«In August 2006, when it was publicly known that Governor Rod Blagojevich and his staff were being investigated for corruption, Barack Obama took the microphone at the Illinois State Fair. “We’ve got a governor in Rod Blagojevich who has delivered consistently on behalf of the people of Illinois,” he declared to the crowd as he endorsed the Illinois Governor for re-election.

»Now, with the allegations that Mr Blagojevich tried to hawk Mr Obama’s vacant Senate seat to the highest bidder, the scandal — and the stench of Chicago politics that the President-elect hoped he had put behind him — is raising a slew of uncomfortable questions.

»Mr Obama’s endorsement of Mr Blagojevich in 2006 was an example of the way that he operated in Chicago. He rarely bucked or challenged the corrupt status quo — in stark contrast to his image as a reformer. His meteoric rise through Chicago politics was based on making strategic alliances with the city’s entrenched, and often ethically challenged, power brokers — Mr Blagojevich included — then moving on before being tainted by association. Several of these figures he once relied on have since become immersed in corruption scandals.

»Mr Obama officially made transparency a central theme of his administration last week, yet he was facing growing calls yesterday to reveal what, if any, contact there had been between his staff and Mr Blagojevich over the efforts of the governor to sell his Senate seat.

»Asked on Tuesday, the President-elect said: “I had no contact with the governor or his office so we were not” — he then corrected himself: “I was not aware of what was happening.” The switch from “we” to “I” suggests he was unsure whether his team may have had contact with the governor.»

Il est vrai que tout cela, dans un premier réflexe, vous fait naître un goût amer, et l’on en vient à se demander: et si Obama était comme les autres, et encore meilleur que les autres à dissimuler qu’il est “comme les autres”? C’est une hypothèse intéressante mais finalement vite réglée, dont on peut être assuré qu’elle est évidemment rencontrée. Obama ne serait pas là où il est s’il n’était pas habile à ces jeux, surtout à Chicago, réputé comme un des points les plus rugueux de la pratique de la cruelle et impitoyable politique intérieure américaniste. C’est même là une partie non négligeable de l’énigme qu’il continue à être, ce President-elect, notamment dans sa capacité d’avoir été ce qu’il a été et d’être aujourd’hui comme s’il était très différent. Il est évident qu’Obama a pratiqué, ou subi c’est selon, cette corruption dans tous les cas intellectuelle qui caractérise les jeux politiciens du domaine, et l’affaire “F***” ou “f******” du gouverneur de l’Illinois en est un rappel malheureux mais nécessaire, – mais un rappel extravagant aussi, en passant, car la pratique de mettre un siège de sénateur quasiment aux enchères a quelque chose de jubilatoire dans l’outrance, – une sorte de caricature de la corruption, qu’on s’attendrait à voir figurer plutôt dans un album des Pieds Nickelés. (Notre époque postmoderniste, assortie de notre régime démocratique et de nos très nombreuses vertus qui vont avec, a gardé une certaine fraîcheur d’esprit.)

L’énigme subsiste, non pas de savoir si Obama est touché par ce scandale ou pas, mais de savoir, si, comment et quand il a changé ou il n’a pas changé, – si, comment et quand il changera ou ne changera pas. En attendant, le scandale et ce qu’il nous dit de l’évidence que nous avons si souvent tendance à oublier pour la satisfaction de nos illusions idéologiques, contribuent utilement à nous rappeler l’existence du monde très réel.


Mis en ligne le 11 décembre 2008 à 09H59