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24 août 2003 — Voici un cas qu’on pourrait juger d’application immédiate, etun cas inattendu, dans un domaine indirect intéressant, de ces rapports entre le pouvoir politique et les questions de la crise environnementale en général, — cas que nous évoquons par ailleurs ce même jour. D’autre part, ce même cas doit être évidemment lié à la guerre en Irak et au désastre politique que celle-ci constitue pour Blair. Tous ces rapprochements n’ont rien de sollicité : la crise de l’environnement autant que la crise irakienne procède, directement et indirectement, de la même tendance à la déstructuration au coeur de la grande politique anglo-saxonne aujourd’hui. Le conflit de cette politique avec le pouvoir qui la développe, — le pouvoir est évidemment une structure, — est inévitable et il a, évidemment, un caractère complètement paradoxal puisqu’il affecte ceux-là mêmes qui conduisent et inspirent cette politique déstructurante.
Ici, on voit Tony Blair retarder, voire abandonner sa décision d’imposer les produits, ou organismes agricoles génétiquement modifiés (OGM) à cause de son énorme impopularité actuelle (6% des Britanniques lui font confiance) dans le cadre de ses avatars irakiens et post-irakiens (l’enquête Hutton, la mort de Kelly, etc).
« Senior officials at the centre of the issue concede that the Prime Minister has accepted that it would be politically “too risky” to force through widespread commercial planting of GM crops in the teeth of public opposition, following the catastrophic collapse in public trust following the Iraq War and Dr David Kelly's apparent suicide.
» The Government's formal decision on the technology, expected next month, will now not be taken before the end of the year “at the earliest”, official sources say. And ministers and officials are now going out of their way to insist that the Prime Minister is not “gung-ho” about it, even though his personal enthusiasm — coupled with attacks on GM sceptics as “anti-science” — has long defined the Government's position. »
On voit combien le pouvoir politique actuel le plus moderniste dans ses méthodes et ses activités, — c’est le cas du gouvernement britannique lorsqu’il est ramené à Tony Blair — se trouve dans une position où tout ce qu’il considérait comme original et dynamique dans sa politique se retourne contre lui, exactement sur le terrain où il évolue d’habitude, qui est le terrain de la communication (système spin, expression technique du système politique que nous qualifierions de “libéral-virtualiste”).
• C’est tout l’enchaînement de la politique de Blair ces deux dernières années qui conduit à une position politique elle-même décrite comme si fragile qu’il est obligé de céder dans des domaines complètement différents de celui qui provoque cette chute de popularité. (L’enchaînement de la politique de Blair ces deux dernières années : le suivisme des Américains couplé au soutien du principe de la “guerre humanitaire”, voire de l’“impérialisme humanitaire”, a conduit à la situation irakienne actuelle).
• C’est la forme de cette politique, complètement axée sur la communication, qui a conduit Blair à des actes mis en question de toutes parts (arguments pour le déclenchement de la guerre contestés, rapports de renseignement mis en question, etc, tout cela menant directement ou indirectement à la mort du docteur Kelly, à l’enquête Hutton et à l’effondrement de popularité de Blair).
• C’est évidemment cette forme de politique qui rend Blair si sensible à toutes les formes techniques qui alimentent son fonctionnement. C’est parce que son action politique est basée sur la communication, sur le système spin, que Blair est complètement vulnérable à des arguments statistiques fondamentaux pour la communication (les enquêtes d’opinion).
• Enfin, cela peut paraître accidentel mais c’est indirectement révélateur : c’est sur un thème qui oppose également le système libéral-virtualiste à ses adversaires critiques des politiques de type postmoderne qu’il cède. Le thème des OGM est un thème qui est au coeur de la polémique de la globalisation, de la rentabilisation économique, et notamment au coeur du thème plus général de la crise environnementale, domaines dans lesquels le système libéral-virtualiste est fondamentalement partie prenante.
Jusqu’ici, la paralysie actuelle de Tony Blair s’est exprimée indirectement et passivement (concentration de toute l’activité sur l’affaire irakienne aux dépens d’autres orientations stratégiques et diplomatiques, affaiblissement considérable face aux Américains dans domaines connexes : questions de défense, d’industrie d’armement). On a le premier signe qu’elle s’exprime désormais directement, en lui interdisant certaines actions dans des domaines complètement étrangers aux domaines des causes initiales de sa faiblesse.
Conclusion anecdotique et plutôt psychologique : Blair ressemble de plus en plus au Nixon du Watergate. Un premier mandat très offensif, une réélection triomphale, puis une affaire accessoire (car c’est comme cela qu’il faut considérer les tripatouillages autour des arguments pour faire la guerre, qui conduisent à son actuelle débâcle) ; puis une paralysie progressive dans toute son action gouvernementale à cause d’une chute vertigineuse dans les sondages. (Mais Nixon, en 1974, avait un pourcentage de confiance de la population d’un peu plus de 20%, tandis que 3% des Britanniques ont aujourd’hui plus confiance en Blair qu’avant les récents événements. C’est le dynamisme postmoderne, dont Nixon était privé.)