False flag contre l’Iran ? Les suggestions sont les bienvenues

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False flag contre l’Iran ? Les suggestions sont les bienvenues

L’attaque-surprise et massive de l’Iran n’est vraiment pas une chose aisée à décider. Patrick Clawson, directeur des recherches à l’ Institute for Near East Policy (NEP) de Washington, le reconnaît sans ambages, au cours d’une intervention publique. Le NEP est un think tank de type neocon bien documenté et bien achalandé, sur fonds de l’AIPAC et de tout ce qui l’accompagne.

Clawson débat de ce qu’il nomme “crisis initiation”, ou comment “initier”, déclencher, précipiter une crise qui, enfin, précipite l’attaque de l’Iran. Il s’agit, bien entendu, d’y impliquer les USA pour venir en aide à l’Israël absolument assiégé de Bibi Netanyahou. Finalement, Clawson ne trouve rien de mieux, la chose ayant fait ses preuves, qu’un montage de provocation, ce qu’on nomme aujourd’hui dans un langage qui fait marcher l’esprit selon l’automatisme des expressions-tendances, – une affaire de type false flag. Il développe son idée, qui est aussi neuve que le Pont-Neuf et aussi originale qu’une attaque contre les Twin Towers de New York.

John Glaser, de Antiwar.com, nous rapporte quelques éléments de la chose, le 27 septembre 2012, à partir d’un DVD montrant les agitations de Clawson, qui est en train de faire le tour de l’Internet (to go viral, dit-on).

«“Crisis initiation,” [Clawson] calls it. It’s very hard to do. And therefore “it’s very hard for me to see how the United States President can get us to war with Iran.” Clawson recites a number of past incidents in history that presidential administrations have been able to use to justify going to war: the attack on Pearl Harbor, the sinking of the Lusitania, the Gulf of Tonkin, the explosion of the USS Maine, the attack on Fort Sumter… Finally, he advises: “If the Iranians aren’t going to compromise, it would be best if somebody else started the war.”»

Là-dessus, Glaser nous signale une autre intervention, dans The National Interest, d’un Reza Sanati, du Middle East Studies Center, qui nous détaille la narrative of regime change qui va bien, correspondant à l’American rationale, qui devrait se dérouler pour faire bonne figure, according to this scenario… Oyez, oyez, si le courage vous tient encore dans sa poigne puissante.

«In the narrative of regime change, the American rationale is not difficult to understand. According to this scenario, Washington would keep pressure on the EU to cut off its oil exports from Iran, place extraterritorial sanctions on Iran’s banking infrastructure that impede international business and put massive pressure on Iran’s existing trade partners. Subsequent damage to the Islamic Republic’s revenues and thus the average Iranian’s quality of life would put intolerable strain upon the regime.

»The Iranian government would either cave into U.S. demands, be overthrown by popular uprising or lash out militarily – a move that would legitimize American aggression against Iran. Thus, with this approach, Washington feels that it has Tehran boxed in. Even if Iran capitulates, the United States may not remove any of the sanctions; it could string out relief by claiming human-rights abuses or support for terrorism. If sanctions lead to street demonstrations, the United States may entertain what Vali Nasr has referred to as the Libya scenario: “economic pressure causing political unrest that invites intervention by foreign powers that feel safe enough to interfere in the affairs of a non-nuclear-armed state.” Moreover, as many U.S. hawks have suggested, it would be preferable for Iran’s government, under economic pressure, to lash out at the American behemoth in a rash, uncalculated way, therefore providing a casus belli that puts the United States in a sympathetic light.»

Le fait est que ces diverses spéculations, narrative, false flag cousues main et ainsi de suite, finissent par provoquer une profonde, une épuisante fatigue. Dans tous les cas, on ne distingue plus le moindre intérêt à une discussion sur les projets d’attaque (de l'Iran, précisons) et la façon dont l’attaque se déroulerait, et les montages, et les provocations, etc… C’est là le caractère le plus remarquable de cette sorte de manifestations où l’on vous dit sans la moindre précaution de langage : eh bien, cherchons ensemble le moyen de monter une tromperie, une fausseté complète, qu’on puisse faire prendre pour une provocation réussie, qui entraînera qui-de-droit sur le sentier de la guerre, contre le diable iranien, – et tout cela devant être simulé et dissimulé, connu de personne et pourtant exposé du haut d'une estrade. Les protagonistes de cette sorte de marketing de la tromperie false flag érigée en porte-drapeau absolument vrai ne s’en rendent pas compte, sans aucun doute, mais ils sont en train d’user à une vitesse extrêmement rapide la solidité psychologique nécessaire à la bonne réalisation de cette sorte d’iniciative. S’il y a un jour provocation, une fois que le think tank aura rendu son rapport de marketing, et malgré le tohu-bohu qu’il y aura nécessairement lors de l’événement et de ce qui suivra immédiatement, on s’apercevra qu’on a ajouté au possible “brouillard de la guerre” le “brouillard” d’une psychologie complètement déboussolée par ces exercices qui pulvérisent la vérité à coups de narrative, de montages à ciel ouvert, de false flags battant comme des pavillons hauts.

En d’autres mots, cette sorte de pratique si complètement caractéristique de notre contre-civilisation dans sa phase ultime, participe à une formidable entreprise d’autodissolution de la psychologie de toute cette communauté de sécurité nationale qui serait impliquée dans ce qui pourrait être une attaque contre l’Iran, – si la chose est encore concevable. D’autre part et très curieusement, ou bien d’une façon très révélatrice, le développement de telles attitudes, de la part d’un parti-Système qui a dénoncé avec une vigueur formidable toutes les thèses complotistes depuis 9/11, à commencer par celles de 9/11 bien évidemment, qui étaient jugées comme caractéristiques d’une posture antiSystème, tend justement à accréditer complètement la légitimité de la recherche effective des explications complotistes dans tous les actes du Système. Ainsi les deux aspects se complètent-ils : l’affaiblissement des psychologies de ceux qui servent le Système, dans leurs activités-Système, et l’affaiblissement des dénonciations de démonisation lancées contre des activités antiSystème pourtant souvent vulnérables du point de vue de leur crédit et des moyens de communication dont elles peuvent user.

D’autre part, ce comportement autodestructeur se comprend dans une situation générale d’impuissance et de paralysie, car c’est bien de cette façon qu’il faut qualifier la situation vis-à-vis de l’Iran. Il ne faut pas oublier qu’une importante faction des neocons, Michal Leeden en tête, s’écriait, au soir de la prise de Bagdad, le 10 avril 2003, qu’il fallait désormais songer à enchaîner et à se lancer immédiatement dans l’invasion de l’Iran… Bientôt dix ans, au siècle de la post-postmodernité et de la rapidité qui va avec, surtout avec l’empire en bandouillère, cela laisse à penser.

On voit donc comment le processus d’autodestruction du Système ne cesse de s’insinuer dans tous les aspects de la pensée et de l’activité de ceux qui le servent. Les activistes neocons sont eux-mêmes en phase non plus de sur-place, mais bien de recul (technique de l'écrevisse, comme le JSF, un pas en avant, deux en arrière), et bien entendu en phase d’autodestruction de leurs propres comportements et de leurs techniques habituelles. Cela se fait d’ailleurs avec un réel naturel, sans que personne ne s’aperçoive de grand’chose à ce propos ; effectivement, comme se fait une dissolution, qui s’attaque aujourd’hui aux psychologies elles-mêmes.


Mis en ligne le 27 septembre 2012 à 18H44