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31885 octobre 2021 – C’est désormais un point acquis, comme le montrent nombre de débats et d’interventions : le wokenisme est devenu un sujet central dans la vie politique française, un sujet de plus dans la structure crisique française sur lequel désormais nombre de polémistes sont à l’ouvrage (Bock-Côté par exemple). Ce développement se caractérise évidemment par une perception plus précise de l’influence nouvelle du wokenisme, et notamment son influence importante chez les tranches d’âge jeunes qui sont l’objet d’études spécifiques. Dans l’‘Ouverture Libre’ de ce jour, on trouve, dans le texte présenté, ce très court constat résumant la situation :
« Les Français sont loin d'être unis dans leur opposition à la philosophie américaine “woke”.
» Alors que les jeunes militants français ont adopté ce politiquement correct, les membres plus âgés de l’establishment politique et culturel ont des réserves sur cette idéologie controversée. »
C’est par le biais de cette question de la pénétration du wokenisme chez les jeunes Français que je voudrais développer quelques observations. Il est évident qu’on trouve comme cause de l’engouement de cette catégorie ;
d’une part l’hostilité, le désintérêt, l’absence de confiance dans le monde politique ;
d’autre part l’adhésion à des courants dits “civiques” ou “militants” où l’on trouve également l’écologie qu’on a tendance à assimiler au féminisme, à l’antiracisme, tout cela formant l’espèce de patchwork, ou la nébuleuse que constitue le wokenisme.
On est alors conduit à s’interroger sur la signification et la valeur réelle de cet “engagement” qui bénéficie de l’image flatteuse d’un mouvement hors des spécificités structurées de la politique, et donc vierge de la corruption et de l’impuissance de la politique. Cette définition est évidemment très sommaire sinon faussaire quant à ce qu’elle implique de “vertu” reconnue au wokenisme ; qu’importe puisqu’il s’agit, dans le chef des “engagés” séduits par le wokenisme, d’une attitude qui ne s’embarrasse pas d’analyses précises et rationnelles ; d’une attitude qui ressort, selon le terme consacré, d’un “ressenti”, c’est-à-dire de l’affectivisme psychologiquement pur, vraiment au premier degré de la réaction émotionnelle de type pavlovien.
J’apprécie ce processus de séduction comme à la fois extrêmement puissant notamment grâce à la puissance de la communication et extrêmement vulnérable, surtout dans le domaine apparemment le plus “révolutionnaire” (selon une pseudo-“politique” révolutionnaire sans rapport avec la politique classique). Je le perçois, à partir du “ressenti”, comme résultant d’une sorte de “fascination” et pas du tout d’un engagement politique bien définie, encore moins d’un engagement idéologique précis. Ce processus s’inscrit par rapport aux indigénistes et racialistes français dans le wokenisme mais n’en fait a priori absolument pas partie d’un point de vue militantiste ; je dirais même qu’il est la conséquence d’une fascination qui s’exerce à l’extérieur de lui et ne pousse pas à l’engagement intérieur assumé. Si les activistes du wokenisme veulent en tirer parti comme c’est très probable, ils se heurteront à des désillusions.
A ce point, je voudrais changer d’angle d’appréciation et aborder la question de cette “fascination” dont j’affirme en forme d’hypothèse pressante qu’elle joue un très grand rôle, bien entendu adossé et conforté par la pression de la bienpensance (celle-ci n’étant néanmoins pas vue comme déterminante pour la population envisagée ici). Que vaut ce wokenisme militant ? Des affirmations d’une colossale puissance relayée par la communication, appuyée sur une totale ignorance historique et une époustouflante distorsion des faits, et caractérisée pour résumer par une bêtise abyssale. C’est tellement gros dans toutes ces dimensions qu’on en rejoint la formule du “plus c’est gros plus ça passe” ; plus encore, au-delà d’une certaine énormité d’ores et déjà largement dépassée de l’ignorance, du mensonge psalmodiée, du vide de la pensée et du rien, la narrative wokeniste est absolument hors d’atteinte, elle est libre de toute critique, par épuisement causé par la bêtise, inutilité de la logique et de l’esprit équilibré...
« ...[C]omme l’écrit Anne-Sophie Chazaud dans son livre si titre joliment trouvé de ‘Liberté d’inexpression’ (L’Artilleur, Paris 2020). Il y est question principalement de ce vaste mouvement indigéniste, défini comme d’une extraordinaire bassesse intellectuelle, “recélant une conception binaire, manichéenne et vide, [....] entre les bons et les mauvais (supposés tels), entre le moral et l’immoral, entre le Bien et le Mal, entre les supposés racistes et antiracistes [...] cette imbécile partition du monde... ”
» Alors et enfin, on comprend que ce qui nous arrête c’est l’extraordinaire et catastrophique ingénuité de ces pensées, leur bêtise abyssale, qui décourageraient aisément la critique par leur aspect complètement déformé, vide, complètement dépourvu de la moindre ontologie ; au point, c’est vrai, où l’on serait tenté de dire “à quoi bon ?” (“A quoi bon répondre de façon argumentée à ces théories pour démontrer leur inanité par ailleurs évidente ?”) Il y a évidemment de la logique dans ce constat de l’impossibilité de dialoguer, puisque c’est exactement ce que promeuvent les indigénistes et autres BLM : le refus du dialogue. Une pensée indépendante et ordonnée, sensible à l’intuition et armée de son expérience doit absolument passer outre à un tel dialogue impossible, et plus encore parce que ce dialogue la transformerait en valet de la repentance, – et alors, cette pensée constate ceci, et droitement, sans barguigner : “Accepter de parler cette langue de la justification, de l’excuse, de la défense, de la preuve (non ! Je ne suis pas raciste, voyez comme je suis fréquentable, comme je suis bienveillant !) c’est être sur un terrain où l’on a déjà perdu... ” (Chazeaud). »
C’est à ce point d’invulnérabilité logique et sémantique qu’intervient l’hypothèse de la bêtise. Observant, disons sur un quai de gare, un de ces êtres sans grâce ni lumière, sans le moindre goût d’habillement et de tenue, absolument collés pianotant à leur smartphone, bref résumant à lui seul à cet instant la bêtise abyssale de toute une époque et ruminant sa réduction zombifiée, il m’arrive souvent de le regarder si intensément à n’en pouvoir détacher le regard, qu’une personne m’accompagnant, ma femme par exemple, m’interroge : “Mais que regardes-tu donc ?” ; et moi de répondre, par un automatisme venu du fond de ma conviction, parce que je l’ai reconnu(e ?) : “La bêtise me fascine”.
L’idée est là...
La bêtise est fascinante, la bêtise abyssale du wokenisme est fascinante comme lorsque vous regardez l’abysse jusqu’à craindre, par vertige, d’y vouloir tomber. La bêtise abyssale, celle des élites, la postmoderne, – « Il ne s’agit pas de la bêtise ordinaire, pour ainsi dire innocente, mais d’une bêtise prétentieuse, arrogante, sophistiquée » dit Taguieff, – cette bêtise-là est encore mille fois plus fascinante que la déjà-mille-fois fascinante “bêtise ordinaire”, celle que je croise sur un quai de gare, dans le chef d’une posture zombifiée. Cette “bêtise-là” vous fascine parce qu’elle vous ouvre des abysses incroyables où l’être qui “se croit” (“prétentieux, arrogant, sophistiqué”), lui-même en train d’y dégringoler comme la vertu d’une fille, nous montre comme un trophée de la vertu de la bienpensance sa chute vers l’infini de l’abîme.
(Simplement, certes comme mesure de sauvegarde, il faut avoir conscience de cette fascination car être fasciné en sachant que vous êtes fasciné, c’est comme aller au zoo : le grillage qui retient la pauvre bête, en fait vous empêche d’entrer dans sa cage au risque d’y être croqué. Vous êtres fasciné mais, le sachant, vous ne cédez pas à la fascination mais enquêtez plutôt sur l’objet qui vous fascine à ce point... Le Maigret de la fascination.)
Alors, d’où vient cette fascination, qui est aussi métahistorique que la bêtise elle-même ? On me permettra de citer Guénon, toujours cette même phrase reprise et reprise encore, qui, elle aussi, me fascine, parce qu’elle nous donne la clef de l’énigme, la clef de l’énigme de cette époque d’autodestruction, y compris de cette énigme dont je débats ici (ce pourquoi je me permets d’offrir une légère correction formelle à la citation de Guénon, que tout le monde comprendra, et Guénon le premier) :
« L’on dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque [bêtise], qui est comme sa signature... »
Le problème, certes, – pour le diable, – est que les crétins qu’il affuble d’une telle bêtise n’ont pas, surtout dans la circonstance où le diable les met, assez de caractère pour porter cette bêtise métahistorique jusqu’à l’accomplissement des vœux diaboliques de néantisation. Ils ont, comme le vice-président Theodore Roosevelt disait de son président McKinley, « autant de colonne vertébrale qu’un éclair au chocolat ».
Comment périront-ils ? Par où ces crétins ont pêché. C’est la force formidable, tellurique de nos temps-devenus-fous, qui les fait triompher : le système de la communication. C’est lui qui leur donne cette surpuissance qui nous dissimule les effets de leur bêtise, dont le plus terrible est le ridicule, qui est comme un vêtement scintillant qu’on ôte d’un coup sec. Alors, le wokeniste est nu. Son ridicule, c’est-à-dire son vide et ce rien derrière son palabre arrogant, le fera devenir un objet de rire et de moquerie. Alors encore, sa chute prétentieuse et sophistiquée se transformera en une cacophonie infâme, et on ne les considérera plus. Janus plus que jamais, le système de la communication aura fait son office et les jeunes âmes de la génération-woke se tourneront vers un autre champion, vers d’autres horizons.
C’est pourquoi je dis de la bêtise-wokeniste qu’elle est à la fois extraordinairement puissante et extraordinairement vulnérable, dans cet ordre ; qu’elle répond, dans cet ordre, à la feuille de route surpuissance-autodestruction ; qu’elle se détruira elle-même dans son incroyable incohérence, sous le poids formidable de la bêtise dont le diable l’a chargée... Elle n’aura alors servi qu’à une chose, accroître le désordre au sein de ce monde régi et torturé par le Système, lequel ne cesse de changer les choses qu’il a lui-même mises en place puisqu’il règne depuis si longtemps, lequel ne cesse de déstructurer ce qu’il a structuré, ne cesse de répandre le désordre pour miner l’ordre qu’il a mis tant d’attention à mettre en place pour son service.
Le diable en rit sarcastiquement encore, dirais-je, sans réaliser qu’il rit sarcastiquement de lui-même.
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